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Comment les marques profitent du phénomène "Emily in Paris"

McDonalds, McLaren, Chopard, mais aussi des marques plus confidentielles défilent dans la série à succès de Netflix, invitant les spectateurs à sortir leur porte-monnaie.
Article rédigé par Rudy Degardin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Lily Collins et Samuel Arnold mettant en valeur la marque de luxe Chopard dans la saison 2 d'Emily in Paris. (STÉPHANIE BRANCHU / NETFLIX)

Dès le matin de sa sortie, mercredi 21 décembre, l’équipe de Nach (marque de bijoux) regarde Emily in Paris. Nancy et Nadia Koch, co-fondatrices de la marque, observent scrupuleusement chaque détail. Elles espèrent voir apparaître l’une de leurs créations dans la série américaine à succès. Marylin Fitoussi, la styliste engagée par Netflix, a témoigné de l’intérêt pour leurs boucles d’oreilles coccinelles sans pour autant certifier qu'elles seraient finalement sélectionnées pour habiller l'un des personnages.

Mieux qu'un magazine de mode

Après plus d’une heure de visionnage, au moment où Lily Collins, l'actrice principale, profite d’un pique-nique au parc des Buttes-Chaumont, voilà qu’apparaissent les fameuses boucles d'oreilles. "Un vrai soulagement" pour Nadia Koch. Cette brève apparition dans la série est la meilleure publicité qu'elle pouvait espérer.

Lily Collins, dans l'épisode 4 de la saison 3, portant les boucles d'oreilles de Nancy et Nadia Koch. (Netflix / Nach)

La saison précédente, Lily Collins portait déjà deux de ses créations : des boucles d’oreilles en forme de fleur et un collier perruche. "En une semaine, nous étions en rupture de stock, juste avant Noël", raconte Nadia encore surprise. Les commandes affluaient de partout en France, aux Etats-Unis mais aussi en Italie et au Japon. En décembre 2021, le chiffre d'affaires de cette entreprise toulousaine augmentait de 34%. 

En utilisant gratuitement vêtements et bijoux, la série se transforme en véritable vitrine pour de nombreux créateurs hexagonaux. A l’image de Sandrine Mettetal, dont les ceintures de sa marque Buttons Paradise figurent dans la saison 2 et 3. Elle confie être "ravie que Marilyn Fitoussi mixe de petites marques artisanales [comme la sienne] avec des marques de luxe très connues." Avant d'ajouter : "En tant que parurier-boutonnier, je fais partie des métiers d’art méconnus". Apparaître dans Emily in Paris est donc un excellent moyen de faire connaître sa spécialité. D'autant que l'audience est impressionnante. En à peine cinq jours de diffusion, la nouvelle saison a cumulé 117 millions d'heures de visionnage partout dans le monde. Les dizaines de millions de spectateurs se transforment alors en potentiels acheteurs. La société Launchmetrics, qui analyse l’impact des placements de produits dans la mode, note que la saison précédente d’Emily in Paris aurait rapporté environ 96 millions de dollars, seulement trois semaines après sa diffusion. 

Une histoire de placements de produit

Si les marques de mode sont prêtées gracieusement, Netflix semble aussi développer un fructueux business, le scénario se prêtant parfaitement à l'intégration de produits moyennant finance. L'héroïne travaille dans une agence de marketing de luxe et peut donc organiser la campagne de publicité de marques fictives comme Pierre Cadault mais aussi réelles comme le bijoutier Chopard, dans la saison 2, ou encore le constructeur automobile McLaren dans la saison 3. Dès le premier épisode de la nouvelle saison, Netflix prévient d'ailleurs : "Ce programme a recours au placement de produit". S'ensuit alors 36 minutes autour de McDonald's.

L'histoire est simple : l’enseigne de fast-food cherche une agence marketing en France, un contrat en or pour l'héroïne. Problème, sa patronne ne travaille que pour des marques de luxe… Fort heureusement, son ami, chef cuisinier, a une solution.

"Ce n’est pas une si mauvaise idée [de transformer McDonald's en produit de luxe], assure-t-il. T’as déjà mangé chez McDonald's à Paris ?

-Non pourquoi ?, demande naïvement Emily.

-Je t’invite à déjeuner alors."

Passant en un éclair de la rue Vavin au McDonald's des Champs-Elysées (environ 5 kilomètres de distance), l'héroïne contemple la montagne de canelés et macarons proposée par l'enseigne de fast-food, sur une musique évoquant la douce France d'antan.

"C’est so chic, lance-t-elle. [Mais] je n’arrive pas à croire qu’un chef français aille chez McDonald's"

Il lui avoue alors : "C’est mon petit plaisir". 

Lucas Bravo et Lily Collins à McDonald's, dans l'épisode 1 de la saison 3. (2022 Netflix, Inc.)

La publicité se termine en même temps que l'épisode. Et McDonald's propose depuis trois semaines le menu "Emily in Paris" pour 13,35 euros. Ce partenariat fructueux profite aux deux parties : attirer des spectateurs vers l'enseigne et des amateurs de fast-food vers la série.

"Faire évoluer son image de marque"

Les séries télévisées sont le lieu idéal pour les placements de produit, affirme Marina Ferreira Da Silva. Maître de conférence en marketing, elle a longtemps travaillé sur l’impact que peuvent avoir ces publicités intégrées sur les adolescents. Elle explique: "la série télé fait partie de la vie des gens. Par exemple, Desperate Housewives sur huit saisons  provoque chez le spectateur un fort investissement émotionnel sur le long terme". Les marques peuvent alors créer une histoire autour de leur produit afin de susciter le désir. "Pour les experts en placement de produit, l’objectif, c’est de s’associer à un des personnages principaux, généralement le plus apprécié, afin de faire évoluer son image de marque, explique la chercheuse. Dans Emily in Paris, le personnage est ainsi chargé de faire la promotion de McDonald’s comme si c’était une marque de luxe. Leur image en ressort donc très valorisée".

Lilly Collins et Lucien Laviscount mettant en valeur le constructeur automobile de luxe McLaren dans l'épisode 6 de la saison 3. (Stéphanie Branchu/Netflix)

Intégrer son produit à une série Netflix permet à une marque de toucher un large public sur tous les continents, mais aussi de s’adresser aux jeunes adultes, population que la télévision peine à atteindre. "Les adolescents avec lesquels je me suis entretenue me confiaient avoir conscience de se faire influencer, raconte Marina Ferreira Da Silva. Mais en même temps, ils ne pouvaient pas s'empêcher d’aller sur Internet pour rechercher le même sac à main, le même pull que leur héroïne préférée. Chez les jeunes filles notamment, l’attachement pour le personnage était très fort. Il y avait une volonté de coller à son comportement et même, de façon assez fréquente, de se projeter amoureusement", ce qui favorise l'achat de tout un tas de produits en référence à la série.

Le placement de produits, une manne financière pour les plateformes de streaming. Un critère qui semble devenir décisif dans le renouvellement des séries les plus populaires. Une saison 4 d'Emily in Paris est déjà dans les tuyaux.

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