"Drôle", "Mixte"... Les séries françaises déchantent face aux exigences des géants du streaming
Après l'euphorie d'un lancement à grand budget, la série "Drôle" n'a pas été reconduite pour une deuxième saison par Netflix. Une mésaventure expérimentée l'an dernier par une autre série, "Mixte", hébergée par une autre plateforme. Des décisions motivées par des critères de rentabilité multiples et complexes.
C'est la douche froide pour des séries françaises comme Drôle ou Mixte, arrêtées au bout d'une saison respectivement par Netflix et Amazon, selon des critères jugés peu lisibles mais qui ramènent à l'exigence de performance internationale des géants du streaming.
Après l'euphorie d'un lancement à gros budget pour Drôle, sa créatrice Fanny Herrero, révélée avec le succès mondial de Dix pour cent, ne cachait pas sa tristesse la semaine dernière après sa non-reconduction pour une deuxième saison. "C'est un tel engagement de créer une série, de se projeter sur la durée, de rêver sa suite ! De la voir soudainement annulée, j'ai un peu les jambes coupées", confiait à Télérama la scénariste qui avait signé en exclusivité avec la plateforme pour créer cette série sur le milieu du stand-up. Et d'ajouter : "Nous n'avons pas satisfait les attentes d'audience de Netflix, selon leurs standards et leur algorithme que personne ne connaît vraiment."
Un rapport entre "audience et coûts"
Interrogée par l'AFP, la plateforme Netflix, qui a perdu de nombreux abonnés, avait souligné la nécessité d'un juste rapport entre "audience et coût de fabrication". En 2021, une autre pointure française du scénario, Marie Roussin, à l'origine des Bracelets rouges pour TF1, vivait une déception similaire avec l'arrêt de Mixte, première série 100% française d'Amazon Prime Video sur les débuts de la mixité scolaire dans un lycée des années 1960.
Malgré un retour de la plateforme sur des "statistiques excellentes", attestant que la grande majorité des spectateurs avaient suivi intégralement la série, celle-ci n'a pas été renouvelée faute d'avoir atteint le nombre requis de vues pendant les 28 premiers jours de diffusion, relate à l'AFP Marie Roussin sans divulguer de chiffres exacts. Une décision d'autant plus difficile à comprendre qu'"on était hyper proche d'avoir atteint l'objectif", avec des retours positifs sur la série tant des critiques que du public, ajoute l'autrice, également présidente de la guilde française des scénaristes, le syndicat de la profession.
Des "règles très floues, pas fiables"
"Qu'une plateforme ou une chaîne arrête une série qui ne rassemble pas assez de monde, c'est normal. Mais ce qui était frustrant pour Mixte, c'est que les règles semblaient très floues, pas fiables", regrette Marie Roussin. Pour l'heure, pas de renaissance en vue pour cette série, dont Amazon détient les droits, comme pour Drôle chez Netflix. Interrogés par l'AFP sur leurs mesures d'audiences, Amazon Prime Video et Disney+, qui devront décider de l'avenir de leurs séries françaises Totems, Week-end family ou Parallèles, n'ont pas souhaité communiquer.
Chez Netflix, on se dit attentif à plusieurs mesures d'audience, comme le nombre d'heures passées devant un programme ou la proportion d'abonnés le regardant dans son intégralité, mais aussi à son coût de fabrication. Et plus la production est chère, plus la barre est haute, précise-t-on. "Pour Netflix, comme Amazon, ça ne suffit pas d'avoir une base de fans qui va regarder leurs séries. Avoir des audiences de niche pour des marchés de niche, ce n'est pas intéressant pour eux parce que ce n'est pas rentable", affirme à l'AFP la journaliste Capucine Cousin, autrice de Netflix et cie : les coulisses d'une (r)évolution.
Bien qu'"inattendu", l'arrêt de Drôle s'inscrit dans une longue liste de productions originales interrompues par Netflix chaque année, mentionne la journaliste, rappelant que la colère des fans de la série américaine Sense 8 à l'annonce de son arrêt n'avait pas fait plier la plateforme. "Lancer une nouvelle série, donc un nouvel univers suscitant la curiosité des abonnés, leur coûtera moins cher plutôt que d'étirer une série sur plusieurs années", analyse-t-elle. Reste aussi à renforcer "l'indépendance des équipes françaises", selon un scénariste échaudé. "Ce sont des Américains ou des Britanniques qui décident de ce qui va plaire à un public français. Il faudrait que ça change."
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