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Du "SAV des émissions" à "Lupin" en passant par Hollywood, comment Omar Sy est devenu l'une des plus grandes stars françaises

Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 11min
L'acteur français Omar Sy revient, en octobre 2023, dans la troisième partie de "Lupin" sur Netflix. En quelques années, il est devenu une figure incontournable du cinéma français. (HELOISE KROB / FRANCEINFO)
L'acteur est de retour en gentleman cambrioleur dans la série de Netflix. Depuis ses débuts sur Radio Nova avec Jamel Debbouze et son éclosion sur Canal+, Omar Sy a gravi les échelons jusqu'à sa rencontre décisive avec le duo de réalisateurs Nakache-Toledano, qui a fait de lui l'une des personnalités préférées des Français.

Un rire sonore et communicatif et un sourire franc et massif. La France a découvert Omar Sy sur Canal+ avec son comparse Fred Testot dans la pastille humoristique du "Grand Journal", "Le SAV des émissions". Quasiment vingt ans plus tard, le pays, et même le monde entier, suit avec intérêt ses aventures dans la série Lupin, inspirée par le héros créé par Maurice Leblanc et dont la troisième saison est disponible depuis jeudi 5 octobre sur Netflix.

Ce rôle a assis un peu plus la stature internationale de l'acteur, lui qui a désormais un pied de chaque côté de l'Atlantique et qui est capable de porter un film sur les tirailleurs sénégalais et de jouer avec Tom Hanks ou Chris Pratt dans des blockbusters hollywoodiens. A 45 ans, celui qui est né à Trappes (Yvelines) est devenu l'une des personnalités préférées des Français. Retour sur les moments charnières de sa carrière.

Omar et Fred : la révélation d'un duo

Le duo d'humoristes Omar et Fred, à Paris, le 1er mai 2001. (FREDERIC SOULOY / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

Trappiste comme Omar Sy, Jamel Debbouze lui fait mettre un pied dans le monde des médias en le conviant dans son émission sur Radio Nova en 1997. "Ce n'était même pas un job, c'était rendre service et aller s'amuser avec Jamel, il n'y avait rien de professionnel là-dedans pour moi", assure-t-il sur le canapé rouge de Michel Drucker dans "Vivement dimanche", en 2022. Il ne se projette pas du tout. "J'ai toujours été un grand curieux et un tchatcheur, le mec avec le petit mot, mais c'était un trait de caractère. Comme mes profs et mon père me le répétaient souvent : 'On n'en fait pas un métier'", concède-t-il au magazine Numéro.

Il y fait une première rencontre déterminante : celle de Fred Testot, avec qui il va former un duo d'humoristes majeur dans les années 2000. Venu dans les bagages de Jamel chez Canal+, le duo a galéré avant de s'imposer. "On a vraiment tout fait à Canal+. Les gens ont oublié qu'on a vraiment galéré", retrace-t-il dans l'émission YouTube "Oui Hustle". Le duo est même mis à la porte durant deux ans. 

"Canal nous a dit : 'C'est bon, vous, on ne sait pas trop où vous mettre. On ne sait pas trop ce que vous faites, ciao !'"

Omar Sy, acteur

dans l'émission YouTube "Oui Hustle"

Dans le creux de la vague, avec un spectacle qui ne trouve pas son public, le duo continue de proposer des concepts à la chaîne cryptée. A cette époque, c'est plutôt la femme d'Omar Sy, Hélène, cadre dans le milieu musical, qui remplit le frigo.

La roue tourne lorsque Michel Denisot récupère leur programme court, "Le SAV des émissions", créé en 2005 et d'abord diffusé dans l'émission de Stéphane Bern "20h10 pétantes". Le duo y invente des personnages loufoques et hilarants comme Tata Suzanne, Jean Bloguin ou encore Doudou. Sa diffusion dans "Le Grand Journal" sert de tremplin. "C'est là que ça part, confirme Omar Sy dans "Oui Hustle" ; là, on commence à remplir la salle grâce à la télévision." Le programme s'arrête en 2012 et, depuis, les deux compères se sont éloignés.

La rencontre décisive avec un autre duo, Toledano-Nakache

Les réalisateurs Eric Toledano (à droite sur la photo) et Olivier Nakache (à gauche) entourent Omar Sy, à New York, le 28 novembre 2012. (JEMAL COUNTESS / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Sa carrière n'en est qu'à ses balbutiements quand les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache l'approchent pour jouer un animateur de colonie de vacances dans leur deuxième film, Nos jours heureux, sorti en juin 2006. "J'essayais de devenir humoriste, à l'époque, et leur ai dit 'Vous êtes gentils, mais je ne suis pas un acteur, vous savez.' Ils m'ont répondu : 'Ça tombe bien, nous ne sommes pas réalisateurs.' Ils m'ont fait confiance, et c'est parti…", raconte-t-il dans Le Monde. Sur le plateau, il était "plutôt libéré, conscient du travail effectué mais pas encore rassuré sur [sa] légitimité", confie-t-il au magazine Première

L'expérience est tout de même concluante puisqu'au moment de composer le casting de leur long-métrage suivant, Tellement proches (2009), le duo fait de nouveau appel à Omar Sy. Dans ce film choral, il incarne un médecin qui, notamment, lors d'une scène, assène un coup de boule à un patient raciste. Cette scène, qui visait "autre chose que la comédie, avec une petite odeur sociale", comme il l'expliquera dans le magazine Numéro, agit comme un déclic pour le duo de réalisateurs. "Ils m'ont dit plus tard : 'On a vu une autre dimension chez toi.' A leurs yeux, je pouvais apporter quelque chose de plus dramatique. Alors que je n'ose pas me considérer acteur, ils me disent que je le suis et qu'il faut que je le sache", développe-t-il, toujours dans Numéro.

"Intouchables" : le passeport vers la gloire

Omar Sy explose de joie au moment de recevoir son César du meilleur acteur lors de la cérémonie à Paris, le 24 février 2012. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le trio se reforme deux ans plus tard, en 2011, pour Intouchables, l'adaptation de la véritable histoire de Philippe Pozzo di Borgo (auteur du livre Le Second Souffle en 2001), devenu tétraplégique en 1993, et de sa relation avec Abdel Yasmin Sellou, son aide à domicile. Une histoire écrite sur mesure par Eric Toledano et Olivier Nakache pour Omar Sy, qui incarne Driss, face à un François Cluzet en fauteuil roulant. "Ils me connaissent tellement bien, ont écrit pour moi, et c'est ce qui m'a beaucoup touché quand j'ai lu le scénario la première fois", s'enthousiasme l'acteur dans L'Express.

Ce rôle lui ouvre les portes de la gloire. Il change tout. "Je passe d'Omar et Fred à Omar Sy. Et ça, c'est considérable", concède-t-il dans l'émission YouTube "Oui Hustle". Alors qu'avant, il "faisait juste des films un peu comme ça...", comme il l'estime dans Libération, ce rôle lui permet aussi de devenir véritablement acteur. Il devient le premier comédien noir à remporter le César du meilleur acteur en 2012. Le succès du film dépasse tout ce que lui ou les réalisateurs auraient pu imaginer, avec plus de 19 millions de spectateurs en France. Intouchables se classe même rapidement parmi les films français les plus vus dans le monde, dépassant notamment Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet.

Alors quand Philippe Pozzo di Borgo meurt, le 2 juin 2023, l'acteur lui rend hommage sur X (ex-Twitter) en écrivant "A jamais dans nos cœurs".

Ce succès foudroyant unit à jamais le trio. "Dès qu'ils m'appellent, j'arrive. Je leur dois tout, le désir de travailler avec eux ne s'éteindra jamais", assure l'acteur dans Le Monde. Il se reforme d'ailleurs trois ans plus tard, en 2014, pour Samba, une autre comédie sociale dans laquelle l'acteur incarne un sans-papiers aux côtés de Charlotte Gainsbourg et Tahar Rahim.

L'appel de Hollywood

Omar Sy dans le film "Jurassic World", de Colin Trevorrow, sorti en France à l'été 2015. (UNIVERSAL PICTURES / ARCHIVES DU 7EME ART / AFP)

Après ce succès foudroyant, Omay Sy s'exile aux Etats-Unis pour protéger sa famille. "Je me suis demandé ce que j'allais pouvoir faire de ce nouveau statut. J'ai eu besoin de protéger mes gosses. De me protéger moi. Alors, j'ai mis de la distance", explique-t-il dans Psychologies magazine. Et Hollywood commence à lui faire les yeux doux. "On m'a fait beaucoup de propositions, tellement que c'en était déstabilisant. Je ne parlais pas l'anglais. Je recevais des dizaines de scénarios", retrace-t-il dans L'Obs.

Il finit par accepter un rôle de mutant dans X-Men : Days of Future Past (2014), "parce que ça [le] faisait kiffer", justifie-t-il dans L'Obs. Il collectionne depuis les rôles dans des gros blockbusters américains : Jurassic World (2015) et Jurassic World : Le Monde d'après (2022) avec Chris Pratt, Inferno (2016) face à Tom Hanks, la nouvelle adaptation des aventures de Robert Langdon, écrite par Dan Brown. Mais aussi des films plus "petits" comme A Vif (2015) avec Bradley Cooper ou L'Appel de la fôret (2020) avec Harrison Ford.

A chaque fois, s'il n'est qu'un second rôle, sa présence sur ces plateaux tient, selon lui, "du miracle". "Etre engagé sur ces films-là est une réussite pour moi, c'est même inespéré quand vous regardez d'où je viens ! (...) Et je ne fais pas de la figuration, j'ai un rôle avec un prénom, des dialogues... Ça rigole pas !", soutient-il à Paris Match. Toujours installé à Los Angeles avec femme et enfants, Omar Sy n'oublie pas pour autant la France, qu'il présente en insistant, dans Libération, comme "ce pays que j'aime, je le répéterai autant qu'il faudra".

"Je paie des impôts en France, je rappelle que je suis citoyen français (...). Je ne vais pas m'excuser de ce que j'ai fait de ma vie, je ne dois ma réussite qu'à moi-même."

Omar Sy

à "L'Obs"

Netflix assoit son statut d'incontournable

L'acteur Omar Sy au Festival de Cannes, le 19 mai 2022. (ROLAND MACRI / HANS LUCAS / AFP)

La sortie de la troisième saison de Lupin devrait consolider le statut de l'acteur. Série Netflix non anglophone la plus regardée dans le monde, elle confirme que les choses roulent entre lui et la plateforme. Il a même scellé un contrat de plusieurs années avec le géant américain. "Cet accord verra la société de production de Sy basée à Paris et à Los Angeles développer des films originaux pour Netflix, avec Sy comme acteur et producteur exécutif", a déclaré Netflix en octobre 2021. Ce succès planétaire lui a permis d'intégrer en 2021 la prestigieuse liste des 100 personnalités les plus influentes de la planète, classement dressé par le magazine américain Time. Et pour écrire le texte qui accompagne généralement cette place dans le classement, c'est Bradley Cooper qui couche quelques mots.

Ce statut dominant dans l'industrie cinématographique française lui permet aussi de développer des projets plus personnels, qui lui tiennent à cœur. Comme Chocolat (2016) de Roschdy Zem, qui raconte l'histoire du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française, ou encore Tirailleurs (2023) de Mathieu Vadepied, qui retrace l'histoire des soldats africains durant la Première Guerre mondiale. 

"J'ai conscience que des projets se montent financièrement grâce à moi. Raison de plus pour m'investir sur ceux qui m'importent."

Omar Sy

dans "Les Echos"

Engagement derrière la caméra, mais aussi dans la vie publique. Sa prise de parole dans Le Parisien pour dénoncer le traitement médiatique des guerres en Afrique, en comparaison de celui de la guerre en Ukraine, ou celle dénonçant les violences policières dans L'Obs ont fait polémique. En juin 2020, il a manifesté dans les rues de Los Angeles en hommage à George Floyd, Afro-Américain tué par un policier, et a lancé une pétition appelant les Français à se mobiliser sur la question raciale. "Ce que nous dénonçons ne relève donc pas du fantasme. On n'invente pas des monstres : la peur existe", assure-t-il dans l'hebdomadaire. Mais cela n'entame pas le capital sympathie de celui qui a déjà été élu trois fois personnalité préférée des Français (en décembre 2012, juillet 2016 et décembre 2016).

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