"On peut dire des choses qui vont très loin en partant de 'Stranger Things'" : la série de Netflix inspire le professeur de philosophie Gilles Vervisch
C'est une tendance lourde depuis quelques années maintenant: utiliser des œuvres de pop-culture à des fins universitaires. Dernier exemple en date: un livre, Stranger Philo de Gilles Vervisch chez Flammarion, qui analyse la série Netflix "Stranger Things" à l'aune des grands concepts philosophiques.
Qui a déjà vu la série de science-fiction des Frères Duffer, connaît tout de la bande de gamins geeks qui entourent la mystérieuse Eleven et ses superpouvoirs, leur passion pour Kate Bush et leurs références à SOS Fantômes, John Carpenter ou ET. "La série se passe dans les années 80 et je me suis immédiatement identifié aux personnages puisque j'avais à peu près leur âge, déclare Gilles Vervisch professeur de philosophie et fan du programme. Toute cette histoire autour de jeunes qui font des jeux de rôles, c'était aussi mes habitudes. J'y ai tout de suite vu le thème de la nostalgie en me demandant pourquoi ça fonctionnait aussi bien."
Les deux mondes qui cohabitent
La force de ce professeur, c'est de trouver, à partir de cette série, matière à faire dialoguer Héraclite et Albert Camus sur le temps qui passe, ou Hannah Arendt et Guy Debord sur notre attachement aux objets culturels. "La deuxième chose, c'est ce thème du monde à l'envers, reprend Gilles Vervisch, qui a tout de suite résonné avec la fameuse allégorie de la caverne de Platon. Cette idée de deux mondes, avec un monde réel et un monde illusoire qu'on retrouve dans plein d'autres films, à commencer par Matrix, que certains connaissent.
"Je me suis posé la question : Pourquoi, depuis Platon, on veut toujours inventer un autre monde ? Et pour reprendre le titre d'un James Bond, pourquoi le monde ne suffit pas ?"
Gilles Vervisch professeur et fan de "Stranger Things"à franceinfo
Qu'importe si les créateurs eux-mêmes n'y avaient pas forcément pensé. "Je pense que c'est l'intérêt de n'importe quelle œuvre, y compris littéraire, que le lecteur, que le spectateur puisse y voir certaines choses. Moi, en tant que philosophe ou prof de philo, j'y ai vu ce que ma culture m'apporte, je ne suis pas certain, pour être clair, que c'était intentionnel. Mais on retrouve quand même, à mon avis, les mythes les plus anciens de l'humanité."
Il avait déjà consacré deux ouvrages à Star Wars. N'importe quelle œuvre, au fond, lui semble propice à la réflexion. "En fait, ce n'est pas le support qui compte, c'est ce qu'on en fait. À mon avis, on peut dire des choses très confuses en parlant de Heidegger et on peut dire des choses qui vont très loin en partant de 'Stranger Things'. Tout dépend de ce qu'on va en faire. Expliquer de la philosophie à partir d'une culture classique, c’est-à-dire tout aussi difficile d'accès, je ne vois pas bien ce qu'on y gagne."
Toujours pas de date de diffusion prévue pour l'ultime saison, mais voilà une bonne manière de patienter.
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