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"No Man's Land" : mini-série entre thriller politique et drame familial au cœur d'une Syrie dévastée

Déjà disponible sur Arte Vidéo et diffusée à la télévision dès le 26 novembre, la production franco-belgo-israélienne surprend par une narration disloquée et une précision quasi-documentaire.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mélisande Queïnnec
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Félix Moati et Mélanie Thierry dans "No Man's Land" (capture d'écran arte.tv) (ARTE)

Tout part du plus anodin des mouvements. Celui d'une femme qui noue ses cheveux en chignon, et qui attire l'attention d'Antoine (Félix Moati) dans une vidéo virale d'explosion en Syrie. "Ce petit geste, c'est incroyable", admet Marie, sa mère (Céline Samie), les yeux brillants, lorsque son fils lui fait part de sa folle théorie : Anna, sa soeur (Mélanie Thierry), disparue en Egypte deux ans plus tôt (la série, déjà disponible sur Arte TV et sur la chaîne le 26 novembre, se passe en 2014), pourrait être encore en vie. 

Une obsession : trouver des réponses

Seuls renseignements, glanés auprès d'un militaire américain blessé par l'explosion : la soldate s'appellerait Shamaran, se serait engagée auprès des combattantes kurdes (YPJ) en guerre contre l'Etat Islamique et se trouverait dans un rayon de 300 kilomètres autour de la frontière avec la Turquie, une aiguille dans une botte de foin, donc. Mais pour Lorraine, compagne d'Antoine (Julia Faure), la ressemblance entre Shamaran et Anna est une "coïncidence". Le corps a été identifié. Compatibilité ADN : 96%. Identification dentaire : 95%. 

Anna (Mélanie Thierry) a été tuée dans un attentat au Caire, deux ans auparavant. (ARTE)

Pourtant, trop de questions restent en suspens. Comment expliquer qu'Anna, simple archéologue au Caire, ait été la seule visée lors de l'attentat terroriste qui a provoqué sa mort ? Pourquoi avoir laissé une lettre à l'attention d'Antoine et supprimé le mot de passe de son ordinateur pour le rendre accessible ? Et cette montre qu'elle ne portait jamais, pourquoi l'avoir arborée le jour de l'incident, comme un indice laissé à son frère pour comprendre ?

Ces cheveux, entortillés autour d'un élastique, cette silhouette si proche de celle d'Anna, ces gestes, profondément ancrés dans sa mémoire, ravivent tous les espoirs d'Antoine. Il se lance alors dans la plus grande quête de sa vie, une quête obsessionnelle : trouver la mystérieuse inconnue du bataillon d'Alep.

En Syrie, Antoine (Félix Moati) tente de retrouver sa soeur, qu'il croit engagé auprès des combattantes kurdes. (ARTE)

La série nous embarque ainsi aux côtés d'Antoine au-delà des frontières montagneuses de la Turquie et de la Syrie, dans une fresque familiale intime à l'esthétique léchée. La musique, signée Rutger Hoedemaekers (Trapped, Premier contact) et utilisée avec une grande parcimonie, contribue un instiller un climat terriblement tendu. Antoine a une idée fixe : trouver des réponses, au péril de sa vie. Mais le chemin sera semé d'embûches, et le jeune Français se retrouve malgré lui au coeur d'un conflit géopolitique qui le dépasse.

Le conflit syrien en arrière-plan

On peut dire que Félix Moati aura parcouru un long chemin depuis LOL - Laughing Out Loud de Lisa Azuelos, film qui a révélé le comédien de trente ans. Dans No Man's Land, il incarne un homme porté par ses convictions, naïf de prime abord, qui va au fil de son périple mieux comprendre la complexité du monde qui l'entoure, entouré des femmes fortes du YPJ.

Sarya (Souheila Yacoub) fait partie des femmes engagées au YPJ.  (ARTE)

La série pourrait, par facilité, céder à l'écueil du manichéisme. Ce n'est pas le cas, grâce à une habile utilisation des flashbacks. On saisit des instants de la vie de chacun des personnages - celle d'Antoine, mais aussi celles des combattantes kurdes et des djihadistes de l'Etat Islamique. 

Sarya, kurde (Souheila Yacoub), a grandi à Paris avant de sillonner les routes sablonneuses de Syrie sous la bannière du YPJ. De l'autre côté, Iyad (Jo Ben Ayed) garde un souvenir plein de dégoût de ses années de piano qui le détournaient de sa conception de l'Islam, enfant, tandis qu'il écumait sa cité avec ses copains, Nasser (James Floyd) et Paul (Dean Ridge). 

Félix Moati dans "No Man's Land". (ARTE)

Les trois sont désormais là, en Syrie. Et Paul se sent tiraillé, entre les responsabilités familiales laissées au Royaume-Uni et ce combat qu'il s'est juré de mener contre l'Occident et auquel il est désormais impossible d'échapper. Cette narration non linéaire permet d'aborder un sujet toujours tabou - les motivations des combattants de Daesh, aveuglés par la foi, prêts à tuer "pour le bien du califat" mais dont les convictions sont parfois ébranlées par les doutes, et celles de leurs opposants...

En huit épisodes de cinquante minutes, en plus de son intrigue principale, la mini-série propose des portraits d'hommes et de femmes engagés dans le conflit, sans jamais sombrer dans les clichés ni se targuer de raconter la guerre. Une violence souvent crue, un suspense insoutenable, un jeu d'acteurs très juste et un scénario bien ficelé en font une mini-série à côté de laquelle il serait dommage de passer en cette rentrée.

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