"Du côté de Guermantes" avec la troupe de la Comédie-Française : quand Christophe Honoré cherche sa madeleine de Proust
Christophe Honoré monte "Le côté de Guermantes" inspiré de Proust avec la troupe de la Comédie-Française, hébergée au Théâtre Marigny pendant les travaux à la salle Richelieu.
Le metteur en scène, réalisateur et auteur Christophe Honoré aime les défis, comme celui de convoquer les fantômes sur scène (Nouveau Roman, Les Idoles). Il se nomme cette fois Marcel Proust et s'attaque à son troisième tome de A la recherche du temps perdu : Le Côté de Guermantes. Sa carte maîtresse : la troupe de la Comédie-Française pour le servir, exilée au Théâtre Marigny pendant les travaux de la salle Richelieu.
Le rideau s’ouvre sur le vestibule grand siècle d’un hôtel particulier parisien. C’est là que Marcel (Proust) incarné par Stéphane Varupenne, vient d’emménager dans un appartement avec sa famille. Il s’approche ainsi de l’objet de ses fantasmes et de ses désirs, la duchesse Oriane de Guermantes (Elsa Lepoivre), l’hôte des lieux, qu’il peut observer à loisir. La porte en fond de scène ouvre sur le jardin des Champs-Elysées où Proust se promenait enfant et d’où l’on entend la rumeur de la ville (jolie idée).
Immersion dans le petit monde aristocratique
Une immersion, comme on dirait aujourd’hui, dans le petit monde aristocratique de l’époque, fermé et décadent, incapable de voir le monde tel qu’il est. Avec ses jeux sociaux, sa suffisance, ses bons mots qui tournent à la férocité.
Ces scènes de salons dont Marcel scrute avec lucidité les moindres détails vont peu à peu évoluer vers la désillusion du narrateur. Ils constituent cependant les moments forts du spectacle tant la troupe de la Comédie-Française est à son affaire, dans ces scènes chorales où règnent le culte de l’apparence et où tous s’observent et se mettent en scène avec cruauté. Une troupe pas le moins du monde désarçonnée lorsque la Marquise de Villeparisis incarnée par Dominique Blanc, déclarée ce soir-là cas contact au covid, est remplacée au pied levé par Clément Hervieu-Léger, texte en main!
Anachronismes inutiles
Mais voilà, il y a ces scènes appuyées sur les préparatifs de guerre (de 1914) ou sur l’affaire Dreyfus, alors qu’elles ne sont qu’en filigrane chez Proust dont l’œuvre n’est jamais vraiment politique.
Quant aux anachronismes qui fonctionnaient à merveille dans les précédents spectacles de Christophe Honoré, ils tombent souvent ici à plat : mis à part la reprise malicieuse d’une chorégraphie de Pina Bausch par la troupe, on s’interroge sur l’utilité du perchiste qui tend le micro, du film macabre sur l’agonie de la grand-mère ou sur la playlist, de Sylvie Vartan à Cat Stevens.
Vive la troupe la Comédie-Française !
Mais il y a la troupe, à toute épreuve : Stéphane Varupenne incarne, malgré son physique d’athlète blond qui ne correspond en rien à l’écrivain souffreteux aux cheveux de jais, un Proust d’une grande sensibilité ; Serge Bagdassarian est un extravagant Baron de Charlus ; Sébastien Pouderoux un très séduisant et charmeur Robert de Saint-Loup et Loïc Corbery est déchirant en Swan qui apparaît malade à la fin du spectacle.
Les rôles de la duchesse (Elsa Lepoivre) et du duc de Guermantes (Laurent Lafitte), trop caricaturaux, nous ont moins convaincus. Le couple nous apparaît comme des futiles sans cervelle, ce qu’ils ne sont absolument pas dans le livre.
On est donc un peu décontenancés à la sortie du Côté de Guermantes. Nous rattrapant sur la madeleine proposée dans le hall du théâtre pour retrouver, en remontant les Champs-Elysées, le fantôme et le vrai goût de Marcel Proust.
"Le Côté de Guermantes" d'après Marcel Proust
Mise en scène de Christophe Honoré
Avec la troupe de la Comédie-Française
Du 30 septembre au 15 novembre 2020
Théâtre Marigny
Carré Marigny Paris VIIIe
01 44 58 15 15
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