Roman Polanski sublime son "Bal des Vampires" à Mogador
Les vampires sont décidément éternels. Récemment encore, un "Dracula" sortait en salles ("Dracula Untold"). Ils n’ont sans doute jamais été aussi populaires. À l’origine écrit en allemand, la version de 1997 ayant été créée à Vienne, le livret de Michael Kunze a été adapté en français. La musique est signée Jim Steinman, connu notamment pour avoir écrit l’album mythique de Meat Loaf "Bat out of Hell" et avoir travaillé avec Bonnie Tyler. Quant à la mise en scène, elle est signée Roman Polanski "himself" : elle est somptueuse.
Dès l’ouverture du rideau, l’impact visuel est renversant, avec des projections graphiques évoquant une Transylvanie mythologique sous la neige, lieu de l’action, et un château gothique du plus bel effet. Mais avant d’arriver dans cette demeure du conte Von Krolock, toute l’action est concentrée dans une auberge tenue par Chagal, juif traditionnaliste et caricatural, gardien de la virginité de sa fille Sarah, qui ne pense qu’à prendre des bains. C’est dans cet univers très folklorique que débarquent le professeur Abronsius et son naïf assistant Alfred, chasseurs de vampires. La beauté de ce décor est remarquable. Une maison de deux étages, tournant sur elle-même, dont on voit toutes les pièces. L’action les traverse toutes à un rythme effréné. Le film original reposait sur le burlesque avec un jeu d’acteurs (Jack McGovarn et Roman Polanski) souligné. Le spectacle n’en démord pas et garde ce ton général. L’adaptation lyrique est par ailleurs très réussie. La musique de Jim Steinman, interprétée sur scène en direct, est puissante, ample, très bien orchestrée, les acteurs faisant preuve de beaucoup de talent dans des performances vocales et chorégraphiques très physiques. Si le décor est splendide, les costumes ne le sont pas moins, d’une richesse dans les matières impressionnante, tout en ne semblant pas sortir du pressing. Usagés, ils apportent une touche de réalisme dans ce qui est avant tout une féérie. Une féérie orchestrée au millimètre, mobilisant comédiens et techniciens six jours sur sept : un véritable marathon !
Reportage : S. Bernuchon / A. Fisher / J-P. Chalte / P. Delmard
Fantasmagorie
Après un court entracte, l’action se transporte dans l’antre crépusculaire du conte Von Krolock, où se déroule, une fois l’an, un bal rassemblant les vampires de la région, gisant le jour dans le cimetière attenant. L’arrivée d’Ambrosius et d’Alfred dans le château est accompagnée de la présence de multiples grands nocturnes répartis dans toute la salle, près des spectateurs, soulignant l’inconscience des chasseurs, ignorant le piège dans lequel ils se sont fourrés. Si l’auberge est un magnifique décor, celui du château recèle des merveilles macabres d’un gothique exquis, évoquant l’art d’un Giger ou d’un Druillet, avec de superbes jeux d’escamotage.
Cette deuxième partie est évidemment la plus spectaculaire : le réveil des vampires au sortir de leurs tombeaux est un grand moment, les jeux de miroir où ils ne se reflètent pas sont étonnants, magiques, et bien entendu le climax du bal, fantastique. Toutes ces scènes bourrées d’ambiance évoquent les fantasmagories de Robertson au XVIIIe siècle. Il officiait à des évocations feintes de fantômes à base de projections de lanternes magiques et d’effets visuels reposant sur des miroirs sans teint. "Le Bal des vampires" renvoie fortement à ces spectacles qui ont fasciné les Parisiens, mais aussi toute l’Europe.
Le luxe de la production éblouit à chaque instant. L’occupation de la scène et de la salle est remarquable. La mise en scène repose constamment sur l’illusion, la magie, sans parler des performances des acteurs, des maquillages : un grand bonheur. Le livret est au niveau de cette qualité spectaculaire, alors que la salle Mogador se prête à merveille à l’exercice, grâce à son acoustique. Trente-six comédiens, chanteurs, danseurs sur scène ; on les croirait cent. Deux cents trente costumes, cent cinquante perruques, onze machines à produire de la neige et de la brume, une structure scénique totalisant 22 tonnes… Rien n’est laissé au hasard et traduit l’exigence d’un spectacle total. Enfin le rire. Oui, l’on rit beaucoup et à gorge déployée tout le long. Lors de la première de presse, les rires fusaient, comme les applaudissements, au terme de chaque tableau. Les deux heures quarante, avec vingt minutes d’entracte, passent comme un rêve. Une très belle soirée. Encore !
Le Bal des vampires
Livret de Michael Kunze, musique de Jim Steinman, chorégraphie de Dennis Callahan
Mise en scène de Roman Polanski
Avec : David Alexis (professeur Abronsius), Daniel Carta Mantiglia (Alfred), Stéphane Métro (conte Von Krolock), Raphaëlle Cohen (Sarah), Pierre Samuel (Yoine Chagal)
Théâtre Mogador, 25 rue de Mogador 75009 Paris
À partir du 16 octobre
Tarifs : de 25 à 105 euros
Réservations : 01.53.33.45.30 ou sur le site baldesvampires.fr
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