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Anne Teresa De Keersmaeker défie la gravité avec une danse marchée dans "Exit Above" au Théâtre de la Ville

Œuvre musicale où la marche dansée prend vie au rythme du blues, "Exit Above" de la célèbre chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker, interprète ce mouvement pratiqué au quotidien au Théâtre de la Ville après un passage remarqué au Festival d'Avignon.
Article rédigé par Yemcel Sadou
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Les danseurs de la compagnie de la chorégraphe et danseuse Anne Teresa De Keersmaeker, "Rosas", lors du spectacle "Exit Above" au 77e Festival d'Avignon. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Sur le sol de la scène, de grandes lignes géométriques bleues, mauves, vertes ou jaunes se croisent et forment des triangles et des arcs de cercle dans un grand gribouillis. Après une présentation à succès au Festival d’Avignon 2023, la chorégraphe Anna Teresa De Keersmaeker poursuit la tournée de son spectacle Exit Above au Théâtre de la Ville du 25 au 31 octobre.

Marcher, la liberté

Trois danseurs font leur entrée depuis une porte en fond de scène. Un extrait de Sur le concept d’histoire de Walter Benjamin est récité, alors qu’un danseur se lance dans un solo au milieu de la scène qui laisse la pleine expression à ses bras, mélange de danse contemporaine et de voguing. Il est accompagné par une guitare acoustique aux notes délicates. "Je pars marcher et moi, oh moi, j’avance." La scène plonge dans le noir. Une bâche en plastique transparent d’une grande légèreté s’envole. La scène est irréelle, extraterrestre. Cette matière fluide comme du plasma ou de l’eau, danse au-dessus du performeur sous une lumière incandescente, au rythme du vent.

Une danseuse de la compagnie de la chorégraphe et danseuse Anne Teresa De Keersmaeker, "Rosas", lors du spectacle "Exit Above" au 77e Festival d'Avignon. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Des silhouettes, qui observaient la scène dans le noir comme des fantômes, font leur entrée en marchant à l’unisson. "Je mets mon pied gauche devant mon pied droit, devant mon pied gauche et j’avance." Le groupe de 13 danseurs multiplie les allers-retours comme des mannequins, et pose au bout du catwalk les yeux fixés vers le public. Anne Teresa De Keersmaeker joue sur les silences mais aussi sur les lignes des corps et celles laissées à même le sol. Les danseurs foulent ainsi celles qui sont tracées sur scène, comme s’ils en étaient les auteurs. Cependant, les moments de marche continuent au risque de devenir répétitifs, longs et ennuyeux. Les passages en musique sont entraînants et laissent éclater la liberté des danseurs qui lâchent prise. Ils laissent la musique parcourir leur corps sans retenue comme des toupies lâchées à toute allure dans des jupons légers aux inspirations futuristes.

La tempête

Les danses du spectacle laissent exprimer des émotions de la vie quotidienne, souvent refoulées à cause des mœurs ou des convenances en société. Dans Exit Above, ces sentiments sont dévorants, incontrôlables. La fureur s’empare du spectacle. C’est la tempête. "Vengeance ! Marchons ! Cherchons, brûlons, incendions, tuons, égorgeons !" La lumière devient rouge, des flammes apparaissent furtivement dans le noir. Des duels effrénés ont lieu. Et après la tempête vient irrémédiablement le calme.

Les morceaux de musique chantés par Meskerem Mees, une compositrice et interprète d’origine éthiopienne à la voix d’or, sont si clairs et justes qu’on croirait une bande enregistrée. "Il y a dans la danse le désir de dépasser la gravité, de transformer la marche en course, non sans l’espoir de s’envoler", racontait Anne Teresa De Keersmaeker dans un entretien donné au Festival d’Avignon en janvier. Une envolée entre danse et musique qui promet de séduire un public déjà conquis.

"Exit Above" du 25 au 31 octobre au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt, pour le Festival d'Automne à Paris

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