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Avignon 2018 : "Kreatur" de Sasha Waltz déborde de toutes les violences du monde

La chorégraphe Sasha Waltz, figure de la danse allemande, revient aux sources de son art, après s’être consacrée dix ans à l’opéra. Avec "Kreatur", elle dessine un portrait sombre d’une société dans laquelle les liens sociaux se désagrègent.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

C’est un beau et étrange tableau qui ouvre "Kreatur" : une quinzaine de danseurs évoluent nimbés d’un cocon blanc (costumes signés de la styliste Iris van Herpen), qui pourraient tout aussi bien figurer une armure. Alors que leurs mouvements sont contraints, leur bras tentent d’appréhender prudemment le monde extérieur.

  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Une communauté à la fois moderne et animale

Ce sont des humains ou peut-être des robots. Une communauté à la fois moderne et animale, où il faut très vite trouver sa place dans un groupe soumis à la peur. Les voici s’agglutinant sur un escalier étroit et raide, seul élément de décor, qui ne mène nulle part. Les migrants, les frontières, le pouvoir, la liberté sont les questions qui hantent la pièce de Sasha Walz.
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
La chorégraphe raconte que lors des répétitions, elle a visité avec sa troupe une ancienne prison de la Stasi. Dans une cellule où vivaient une quarantaine de personnes, il fallait se soutenir pour éviter l’intervention musclée du gardien. Un choc. Et l’inspiration de l’un des tableaux de la pièce, qui évoque le confinement et l’éveil forcé, et d’où se dégagent désespoir et empathie.
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Androgyne, sculptural ou plantureux

Car il y a le groupe qui menace et celui qui protège. Ces hommes et ses femmes se séparent, se rejoignent, semblent se découvrir et se séparent encore. La chorégraphe joue des contrastes de silhouettes et de corpulence de ses danseurs : androgyne et gracile, immense et sculptural, ou plantureux.

La musique électronique du trio Soundwalk Collective donne le rythme. L’impulsion des danseurs est saccadée, les mouvements souvent interrompus en plein élan, comme un arrêt sur image ou une tentative d’émancipation avortée.

Une danseuse dans un ravissant costume blanc, qui évoque le plus délicat des origamis, est brutalisée par une créature noire menaçante, couverte de longues épines, l’incarnation du mal. C'est la scène la plus forte, où l’on ressent réellement depuis notre siège ce que vivent les victimes d'une
agression.
Domination, soumission, la seconde partie se dilue à trop vouloir égrainer les violences en tous genres (femmes battues, déviances sexuelles…). "Je voulais que l’atmosphère politique et sociale soit lisible dans la pièce", assume Sasha Walz. On regrette toutefois que malgré ces superbes intentions, la chorégraphe qui nous livre de très beaux moments de danse, ait trop voulu suivre de pistes. Cette "Kreatur" un peu resserrée serait alors une superbe pièce. 

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