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Avignon Off : pour Isabelle Carré, il faut accompagner l’énergie des compagnies

Isabelle Carré était deux jours à Avignon pour faire la voix d’un spectacle de danse chorégraphié par Magali Lesueur, "Anima", un hommage à Jean Cocteau. Elle a pris le temps de nous répondre sur le choix de ce spectacle, son regard sur un festival unique au monde, mais exprime sa méfiance concernant les professionnels, notamment les propriétaires de salles à l’égard des compagnies théâtrales.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Isabelle Carré au Festival d'Avignon 2018
 (Jacky Bornet / Culturebox)
Culturebox : Qu’est-ce qui vous a motivé à faire une voix sur un spectacle de danse où l’on ne vous attend pas ?

Isabelle Carré : Je connaissais le travail de Magali Lesueur, dont je suis très admirative, et de l’énergie qu’il faut dépenser quand on est une petite compagnie sans avoir de gros moyens financiers, ni de grosses subventions. Quand elle m’a proposé de participer à son spectacle, j’étais très heureuse et très fière qu’elle se tourne vers moi. Elle avait joué ce spectacle pendant un mois l’an dernier, avec des articles très élogieux, et cela m’a donné envie, n’étant jamais allée auparavant dans le Off. Je commence donc une nouvelle vie dans le Off à 47 ans en la rejoignant, non plus seulement avec ma voix, mais sur scène.

Culturebox à Magali Lesueur : Qu’est-ce qui vous a orienté vers Isabelle ?

Magali Lesueur : J’étais moi aussi très admirative de son travail. C’est vraiment sa sensibilité et son côté émotionnel, très à fleur de peau dans tous les rôles qu’elle a incarnés qui m’a guidé. Cela à spontanément rejoint ce que j’avais envie d’exprimer à travers Jean Cocteau, l’âme, le moi intérieur, le moi profond, cette force qui nous habite. Cela s’est fait naturellement.

Isabelle Carré : Oui c’était naturel, quand Magali m’a proposé ces textes de Cocteau. Il y en avait moins dans la première mouture, et nous en avons rajouté quelques-uns pour ces représentations où je suis sur scène à son côté.

J’ai toujours beaucoup aimé Cocteau, que je connais depuis très longtemps, depuis que j’étais à l’école de théâtre, quand j’avais 16 ans. Il a cette dimension onirique que l’on trouve rarement chez un auteur dramatique, alors que ses poésies nombreuses et variées ont toujours cette dimension. Le rêve me passionne. Ce n’est pas pour rien que mon premier livre s’appelle "Les Rêveurs" (Grasset, NDLR). Je crois que le spectacle transmet cette impression d’être dans un rêve, une impression d’apaisement, de calme, dans cette tempête d’Avignon. Prendre le temps d’écouter des mots, une inspiration. Ou plutôt ce qui ressort de cette phrase si belle de Cocteau, "la création, ce n’est pas l’inspiration, mais l’expiration", quelque chose qui sort de vous, qui vient des profondeurs.

Magali Lesueur : Et qui vient de l’inconscient.
Jacky Bornet / Culturebox
 (Jacky Bornet / Culturebox)
C. : Isabelle, c’est votre premier Avignon ?

I. C. : Non, je suis venue plusieurs fois, notamment pour faire deux ou trois fois des lectures pour la SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques, NDLR). Mais c’était il y a longtemps. J’étais revenue aussi au Théâtre du Chêne noir, pour une lecture qui m’a laissé un souvenir inoubliable, un texte de Joël Jouanneau qui s’appelle "L’Homme consolé", très autobiographique.

C. Quel regard portez-vous sur Avignon ?
I. C. : Ce que je trouve incroyable, c’est cette espèce de foi qu’ont tous ces gens qui tractent, qui sont présents, épinglent leurs affiches, payent des fortunes pour louer des salles. Et cela, c’est peut-être le bémol que j’émettrais. Ils payent des sommes énormes pour accéder à des salles de théâtre pour donner leur spectacle, alors qu’ils ne sont pas fortunés. Je regrette, cela me fend le cœur, de me dire qu’il y a peut-être des gens qui en profitent, qui profitent de cette foi, de ce désir de jouer, qui sont prêts, comme on l’a fait, nous, à répéter à 1h30 du matin, vite fait parce qu’il n’y a pas la place, parce que d’autres pièces sont jouées au même endroit, et qu’il faut libérer le plateau… Je trouve cela très beau et très émouvant. Mais l’envers de cela, c’est que certains en profitent, alors qu’au contraire, il faudrait accompagner les artistes, reconnaître la valeur de cette énergie-là, de cette confiance. Ce sont des gens qui font. Et cette énergie-là, elle est unique ici.

C. Et votre regard sur le public ?

I. C. : Quand on voit les files d’attente devant les salles, c’est merveilleux. C’est très enthousiasmant, galvanisant même, de voir cela.

C. : Vous avez le temps d’aller voir des pièces ?

I. C. : Je vais voir celle d’une amie tout à l’heure, Tatiana Vialle ("Belle fille", NDLR). J’avais travaillé avec elle au Rond-point à Paris, dans une pièce qui était d’après un témoignage : "Une femme à Berlin". Elle avait fait un travail remarquable et je suis très impatiente de voir sa pièce, ayant eu de très bons échos.

C. Vous restez encore sur le Festival, après la dernière représentation d’aujourd’hui ?

I. C. : Non, je pars demain pour la préparation d’un tournage. Il y a des lectures, des essayages de costumes… pour un film avec Josiane Balasko, Guillaume de Tonquédec et François Berléand, dont le titre est "L’Esprit de famille", d’Eric Bésnard.  J’enchaînerai ensuite sur un premier film de Benjamin Parent, "Un vrai bonhomme". Son scénario concerne l’injonction d’un père sur son fils d’affirmer sa masculinité, alors que lui est à l'opposé de cela et essaye de survivre…

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