Le chorégraphe Benjamin Millepied modernise "Roméo et Juliette" dans une version "dégenrée" du ballet
Classique parmi les classiques, "Roméo et Juliette" prend un coup de jeune grâce au chorégraphe Benjamin Millepied. Il livre une version très cinématographique du ballet grâce à un caméraman qui filme les danseurs au plus près et permet de les suivre sur grand écran.
Un ballet comme un long plan séquence, dansé à la fois sur scène et sur grand écran, c'est le nouveau pari de Benjamin Millepied. A 45 ans, l'époux de la comédienne Natalie Portman revisite Roméo et Juliette à la manière d'un film grâce à un cameraman mobile qui suit les danseurs au plus près. L’histoire des amants de Vérone (Italie) s’écrit alors en direct.
Créé il y a deux ans et demi à Los Angeles où réside sa compagnie, le L.A Danse Project, ce spectacle innovant a joué de malchance. Programmé et déprogrammé à plusieurs reprises à cause de la crise sanitaire, il a d'abord été présenté à Lyon en juillet au cours des Nuits de Fourvière, dans le cadre magnifique du théâtre antique. Le voilà à La Seine Musicale de Boulogne-Billancourt où il était très attendu. 30 000 places ont été vendues avant même le début des représentations, du 15 au 25 septembre 2022.
Pendant les répétitions, le cameraman, comme les danseurs, revoit sa gestuelle. Une chorégraphie dans la chorégraphie, réglée au millimètre.
Dépoussiérer les mythes
Danseur, réalisateur, vidéaste, le talentueux Olivier Simola, ami de longue date de Benjamin Millepied, supervise le dispositif. "Un émetteur renvoie l’image dans un boîtier, qui le retransmet en direct sur l’écran", explique-t-il. Grâce à cette technique, les danseurs peuvent parfois quitter la scène et danser en coulisses, courir dans les couloirs, et même sortir du bâtiment.
Les spectateurs les accompagnent ainsi partout où ils vont. Le risque est la coupure de faisceau, ce qui s'est produit le soir de la première. Les aléas du direct, comme disent les commentateurs sportifs. Dans chaque théâtre où il sera présenté, ce spectacle devra donc s'adapter aux lieux, à ses coulisses, à son environnement extérieur.
Autre nouveauté : Benjamin Millepied a choisi de "dégenrer" son Roméo et sa Juliette. Selon les soirs, ce seront un homme et une femme, deux femmes ou deux hommes qui interpréteront les rôles titres. Le chorégraphe se défend d'avoir voulu "faire un geste", un acte militant. Il veut simplement ancrer cette romance dans l'époque à laquelle ils vivent, lui et ses danseurs.
Il sait parfaitement qu'il risque de choquer mais assure que ce n'est pas son intention. Il faut savoir dépoussiérer les mythes. Sa danse quand à elle, reste plutôt classique, toute en fluidité. Le chorégraphe excelle dans l'art du pas de deux. On peut regretter que la scène reste trop souvent et surtout trop longtemps vide. Mais ce spectacle pourrait séduire un public plus large que celui des amateurs de danse purs et durs.
Homme d'image, Benjamin Millepied avait signé les chorégraphies du film Black Swan. Il vient de présenter au festival de Toronto (Canada) son premier long-métrage adapté d'un autre mythe: celui de Carmen.
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