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Biennale de la danse de Lyon : l'onde de choc de la nouvelle création de Dimitris Papaioannou secoue le festival

Le chorégraphe grec présente jusqu'au 6 juin 2021 à la Biennale de la danse de Lyon, "Transverse Orientation", son nouveau spectacle créé au TNP Villeurbanne.

Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
"Transverse Orientation", la nouvelle chorégraphie de Dimitris Papaioannou est présentée en première mondiale à la Biennale de la danse de Lyon (Julian Mommert)

Autant le dire tout de suite, la nouvelle pièce chorégraphique de Dimitris Papaioannou n'a rien d'une sieste estivale. Transverse Orientation, présentée en première mondiale à la Biennale de la danse de Lyon, ne laisse aucune place au repos de l'âme.

Une fois encore le plasticien des corps convoque les figures mythologiques, d'hier et d'aujourd'hui, agite les consciences et offre sur un plateau une œuvre puissante.
 

Jeux de pouvoir 

Avec ses huit interprètes internationaux, Dimitris Papaioannou monte et démonte un empire où tous les sens s'entrechoquent, où le discours philosophique interroge l'essence même de l'être.

Formé aux arts plastiques et à la scénographie, le chorégraphe grec appréhende la création par l'image. Chaque tableau de Transverse Orientation est composé de scènes profondément énigmatiques.

"Transverse Orientation" nouvelle création de Dimitris Papaioannou  (Julian Mommert)
Il y a d'abord ces grandes figures sombres qui se balancent avec élégance ou se cognent dans un immense mur blanc. Des personnages aux corps trop grands, serrés dans des costumes noirs que ne renierait pas le chorégraphe Josef Nadj. Des situations absurdes et poétiques traversées par les chimères du passé ou les figures mythologiques de la Grèce antique.

Ainsi voit-on un taureau indomptable débouler sur le plateau. Manipulée par six hommes, la créature monstrueuse se laissera apprivoiser et ne quittera plus la scène. Comme un totem rassurant, elle observe les personnages se débattre dans un environnement hostile. Tantôt réduits à néant, tantôt glorifiés le temps d'une victoire éphémère. Car c'est bien la quête du pouvoir dont il est question.

Mises à nu 

Il y a des mises à mort. Il y a des mises à nu. "J’utilise abondamment la nudité comme moyen d’expression, non comme une part de la beauté humaine, non comme une référence à la nature. La façon dont j’expose les corps, spécialement ceux des hommes, la façon dont j’idéalise le corps nu, fait certainement référence à mes origines. Une partie de mon héritage de la statuaire grecque considère que la sensualité et la spiritualité passent par le corps absolument nu. Je ne cherche pas à évoquer la sexualité mais inévitablement elle vient à l’esprit. Moi, je fais, les autres jugent", détaille Dimitris Papaioannou dans sa déclaration d'intention.  

"Transverse Orientation" du chorégraphe grec Dimitris Papaioannou  (Julian Mommert)

Utilisés comme des instruments, les corps musclés des danseurs sont mis à rude épreuve. "Il faut qu’ils soient capables de donner quelque chose de juste d’eux-mêmes... Je leur apporte des matériaux : peinture, papier, eau, plastique, métal, formes, échelles, tout ce qui peut bouger, faire du son, faire réagir le corps", explique encore le chorégraphe. Ainsi, les portes se ferment, les accessoires se liguent contre les êtres, chez Papaioannou le décor est un personnage à part entière. 

Le chaos sur scène 

Il y a dans l'œuvre de Dimitris Papaioannou, cette prégnance à explorer les désordres du monde. Cette nouvelle œuvre portée par la musique de Vivaldi plonge dans les déconvenues de l'humanité. Des entrailles du taureau surgissent des créatures aussi pures que monstrueuses. Mi-homme, mi-femme, minotaure ou homme-sirène, cette petite communauté s'empare de ce qui lui reste pour construire un royaume ou fuir une hypothétique menace.

Empoignant des blocs en polystyrène, les voici juchés sur une fragile embarcation rappelant Le radeau de la Méduse. Papaioannou convoque des métaphores intimes, angoissantes mais éblouissantes de beauté aussi. Son théâtre qui engage pleinement les corps produit de puissantes émotions.

Les chimères de "Transverse Orientation"  (Julian Mommert)

Un long rêve de deux heures

Chaque tableau élaboré comme une peinture s'appuie sur la construction et la destruction d'une tour de Babel en devenir, jusqu'au démantèlement final.

Comme un long rêve de deux heures, Transverse Orientation alterne de purs moments de grâce et de terreur. "J’essaye de mettre en jeu des idées autour de cauchemars, de rêves érotiques et de filiation, quand l’acte de détruire les modèles anciens est suivi de la redécouverte de leurs valeurs. Il faut alors se positionner par rapport à ses ancêtres et réévaluer certains principes contre lesquels nous devions nous insurger dans notre jeunesse" analyse le chorégraphe.

Depuis trente-cinq ans, Dimitris Papaioannou se consacre à la création d’œuvres scéniques giganteques (la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004) ou en petits formats. Depuis 2015, ses spectacles font le tour du monde. En 2017, il présente The Great Tamer au Festival d’Avignon. Avec Since She, il devient le premier artiste, en 2018, à créer une nouvelle œuvre intégrale pour le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. Il crée Ink durant l’été 2020, en pleine pandémie. Avec Transverse Orientation, le chorégraphe signe une nouvelle œuvre d’art total qui ne laisse personne indifférent, que l'on soit totalement séduit ou déstabilisé par le manque de danse ou la longueur de la représentation.

"Transverse Orientation" conception Dimitris Papaioannou du 2 au 6 juin 2021, TNP Villeurbanne/Biennale de danse de Lyon 

Les 2 et 3 juillet, Le Corum, Montpellier danse

INK, Dimitris Papaioannou 20 au 25 juillet La Fabrica, Festival d’Avignon 

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