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Dans les coulisses des répétitions du ballet "Mayerling" à l'Opéra Garnier ou comment exprimer la violence

Sexe, stupéfiants et suicide: le ballet "Mayerling", qui entre bientôt au répertoire de l'Opéra de Paris, comprend des pas de deux acrobatiques et des simulations de violence qui nécessitent un accompagnement en studio un peu particulier.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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"Mayerling" choréphié par Kenneth MacMillan (Opéra de Paris)

L'intrigue est inspirée du drame de Mayerling : le 30 janvier 1889, Rodolphe, archiduc héritier d'Autriche et fils de l'empereur François-Joseph Ier et de la célèbre "Sissi", est retrouvé mort en compagnie de sa maîtresse, la baronne Mary Vetsera.

Le ballet, créé en 1978 par l'éminent chorégraphe britannique Kenneth MacMillan pour le Royal Ballet de Londres, relaie la thèse la plus répandue, celle du meurtre de Mary suivi du suicide de Rodolphe, même si persiste l'hypothèse d'un double assassinat politique. L'histoire a été portée sur grand écran, notamment dans le film de Terence Young avec Catherine Deneuve et Omar Sharif (1968).

"Coordinatrice d'intimité" 



Dans le studio Zambelli au Palais Garnier, les répétitions se déroulent dans une ambiance bon enfant entre les danseurs étoiles Hugo Marchand et Dorothée Gilbert, sous la houlette du répétiteur international Karl Burnett.

La complicité entre le couple star du Ballet de l'Opéra ne rend pas les mouvements moins complexes mais permet de détendre l'atmosphère. Pour d'autres danseurs, une "coordinatrice d'intimité", métier qui existe déjà dans les tournages et qui émerge dans le monde de la danse, a été embauchée pour les mettre à l'aise.

"Mayerling" à l'Opéra de Paris (Opera de Paris)

Mayerling est probablement le ballet le plus exigeant du répertoire pour le rôle masculin principal: trois pas de deux musclés avec Mary Vetsera et d'autres avec plusieurs personnages féminins dont sa femme, la princesse Stéphanie. Il y a des portés acrobatiques, des baisers dans des positions extrêmes, des moments où le prince Rodolphe fait balancer le corps de sa partenaire de haut en bas.

"Heureusement qu'avec Hugo, on a l'habitude de danser ensemble et qu'on se connaît très bien", affirme à l'AFP Dorothée Gilbert. "Quand on se retrouve avec la tête en bas et qu'on enchaîne plein de positions acrobatiques, il faut avoir une immense confiance en son partenaire". Même cette danseuse chevronnée a confié avoir été un peu nerveuse avant d'aborder un passage où l'archiduc arrache les bretelles de Mary Vetsera. "Il y a la notion de respect du corps de l'autre qui est encore plus poussée parce qu'on fait des choses violentes", précise Hugo Marchand.

"Violences des rapports"

Les deux étoiles rient beaucoup durant les répétitions, une manière aussi de "se décharger de la violence des rapports", affirme le danseur, qui a fait un "travail d'introspection" pour ce "rôle éprouvant". A un passage, il entraîne Dorothée Gilbert en la tenant par les cheveux, un faux pistolet à la main; à un autre, il la soulève et la dépose à terre de manière à ce qu'elle atterrisse en grand écart.

Le danseur est aussi soucieux que le public s'informe avant de venir voir ce ballet qui montre "les relations hommes-femmes et des interactions d'il y a 150 ans, dans un contexte géopolitique très compliqué, avec des personnages schizophrènes, malades, drogués et consanguins pour la plupart". Et que les spectateurs soient avertis de ces "scènes violentes qui servent les caractères mais qui ne sont pas anodines à vivre dans un théâtre".

Pour Karl Burnett, qui a l'habitude de transmettre des ballets de MacMillan, connus pour leurs pas de deux très physiques, les discussions avant et durant les répétitions sont capitales. "Dans le passé, tout était fait sans se poser de questions mais ce n'est plus possible aujourd'hui, il faut toujours avoir une conversation: quand je remonte ce ballet, je cherche à savoir si les danseurs ont un quelconque problème avec ces sujets", explique-t-il. Dans un métier aussi tactile que la danse, "le fait de mettre les mains partout, c'est quelque chose d'acquis chez les danseurs. Mais je fais en sorte que ça soit fait dans un environnement sûr", ajoute-t-il.

"Mayerling" à l'Opéra Garnier, chorégraphie de Kenneth MacMillan
16 représentations du 25 octobre au 12 novembre 2022
1 avant-première jeunes le 22 octobre 2022

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