Hip hop : un nouveau diplôme qui fait des vagues
"Il n'y a aucun projet prédéterminé", affirme Michel Orier, directeur de la création artistique au ministère. "La concertation a débuté la semaine dernière et se poursuivra en janvier."
Le Diplôme National Supérieur Professionnel (DNSP) de danseur sanctionne généralement un cycle de formation dans des conservatoires.
Le dépôt du projet était initialement prévu le 15 décembre au Conservatoire national supérieur de Lyon. Un calendrier "trop serré" pour une proposition "abrupte", estime Anne Nguyen, fondatrice de la Compagnie par Terre en 2005.
Une annonce jugée maladroite
L'annonce le 26 octobre de la création de ce diplôme par Manuel Valls, lors d'un discours sur l'égalité et la citoyenneté en banlieue aux Mureaux (Yvelines), a été jugée maladroite dans le milieu."Le calendrier prévoyait une maquette pour le 15 décembre et une décision d'habilitation en juin 2016. Beaucoup se sont sentis exclus de ce processus trop rapide", explique Anne Nguyen.
"Le hip hop est une danse jeune, très diverse, où on doit inventer son propre style. On risque de figer cette pratique en constante évolution", reconnaît-elle.
Deux figures du hip hop, Mourad Merzouki, directeur du Centre Chorégraphique national de Créteil (CCN) et Kader Attou, à la tête du CCN de La Rochelle, ont clairement pris position en faveur du DNSP. "Ca existe pour la danse contemporaine, le classique et le jazz, pourquoi s'interdire d'avoir des moyens supplémentaire pour former nos interprète à nous ?" interroge Kader Attou.
Le diplôme, un outil supplémentaire ?
"Aujourd'hui, il existe de très bons techniciens qui ne sont pas forcément de bons interprètes. Ce diplôme formerait des danseurs à l'interprétation et répondrait aux besoins des chorégraphes, c'est un outil supplémentaire", ajoute-t-il.Pour Anne Nguyen, "quand on instaure un diplôme, on distingue des référents, une élite, mais pour quoi faire ? Pour quel enseignement ? Ca fait peur".
Le débat révèle la fracture existant entre deux mondes, celui des "battles", ces compétitions qui rassemblent jusqu'à 15.000 personnes, comme le "Juste debout" à Bercy, et celui des théâtres. Depuis son arrivée en France dans les années 1980, porté par l'émission de Sydney H.I.P. H.O.P. sur TF1, le hip hop né dans les quartiers a investi largement les festivals et les théâtres, porté par une génération de jeunes chorégraphes frottés aux arts du cirque, à la danse contemporaine voire classique.
Bruce Ykanji, fondateur en 2002 du "Juste debout" s'insurge contre "un diplôme qui sort du chapeau alors que ça fait 30 ans qu'on ne fait rien pour le hip hop naturel" issu de la rue.
Une pétition contre le diplôme d'interprète
Un collectif, "Le Moovement", lancé il y a un an et demi contre un projet de Diplôme d'Etat de Professeur de hip hop - abandonné depuis - a lancé une pétition contre le diplôme d'interprète, qui a recueilli 4.633 signatures.Un de ses porte-parole, Eric Braslan, dénonce une "volonté de formatage". "Il y a beaucoup de styles dans le hip hop, ce sont des danses sociales basées sur la transmission intergénérationnelle. Avec ce diplôme, on va privilégier le hip hop qui tire vers la danse contemporaine", craint-il.
Invité à la concertation, le Moovement compte revendiquer des moyens pour la diffusion du hip hop.
Pour le ministère, un devoir de reconnaissance nécessaire
Céline Lefèvre, une des rares filles à avoir percé dans le hip hop avec sa "Leçon de danse", reconnaît que le refus du diplôme est "une réaction un peu adolescente".Mère de trois enfants, elle "comprend que des parents exigent un diplôme pour le professeur de leurs enfants" mais se dit "complètement contre un diplôme pour les interprètes : on n'a jamais vu un chorégraphe choisir ses interprètes sur diplôme", dit-elle.
Pour le ministère, qui espère aboutir pour la rentrée 2016-17, "il y a un devoir de reconnaissance de cette discipline, ne pas le faire relèverait d'une discrimination".
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