Le chorégraphe Alan Lucien Oyen et son "Cri de coeur" bousculent l'Opéra de Paris en mêlant danse et théâtre
Pour la première fois de leur histoire, les jeunes danseurs de l'Opéra de Paris se transforment en acteurs sous la houlette du chorégraphe norvégien Alan Lucien Oyen dans un spectacle où plane l'esprit de Pina Baush.
Cri de cœur, création mondiale présentée jusqu’au 13 octobre à l’Opéra de Paris, bouscule les habitudes des danseurs du corps de ballet. C’est en effet la première fois qu’un chorégraphe leur demande d’allier le théâtre à la danse.
Pour le norvégien Alan Lucien Oyen, "il n'y a pas de différence entre le théâtre et la danse, c'est de la performance sur scène", souligne celui qui, à 43 ans, est encore peu connu du grand public. Son Cri de coeur mobilise une trentaine d'interprètes qui évoluent au milieu de décors multiples signés Alexander Eales, d'une caméra qui suit les danseurs jusque dans les coulisses, captant des images XXL projetées sur scène ou encore de dioramas (ces reconstitutions de paysages naturels existants avec des animaux ou des personnages empaillés).
Entre réalité et fiction
Au cœur de cette création, une histoire qui oscille entre fiction et réalité. La fiction, c’est celle jouée par Marion Barbeau, danseuse que le grand public a découvert au cinéma grâce au film En corps de Cédric Klapisch sorti en mars 2022. Ici, elle incarne une jeune danseuse atteinte d’un cancer et qui va vivre sur scène ses derniers jours. Pour l’accompagner, plusieurs personnages : un étranger nommé Personne qui vient s’installer chez elle, sa mère, incarnée par Helena Pikon (danseuse et comédienne de Pina Baush), un “chevalier” rassurant joué par Simon Le Borgne et enfin la maladie symbolisée par le crabe, présence funeste personnifiée par Axel Ibot.
Danseurs-acteurs
Alan Lucien Oyen a créé cette pièce pour et avec les danseurs de l’Opéra de Paris. Il a passé beaucoup de temps avec la compagnie, en plusieurs périodes imposées par le confinement. Ces moments de partage ont servi de base à sa narration. Les prénoms des danseurs et danseuses ont été conservés pour les rôles et les dialogues font écho à leurs préoccupations de jeunes danseurs. "On se sent très vulnérables, car on n’est pas du tout dans notre zone de confort", reconnaît l’un d’entre eux. Plus habituée à rentrer dans la peau d’un personnage depuis son expérience devant la caméra, Marion Barbeau ne cache pas qu’il s’agit d’un exercice différent.
On utilise nos émotions depuis longtemps avec le corps. Mais là, on doit être dans une quête d’honnêteté encore plus grande.
Marion BarbeauDanseuse à l'Opéra de Paris
Mots et mouvements
Si les danseurs et danseuses du Palais Garnier ne sont pas habitués à ce rôle d'acteurs, c'est par contre l'une des marques de fabrique des créations d'Alan Lucien Oyen. Avec sa compagnie, Winter Guests, fondée en 2006 dans le port de Bergen, ce quarantenaire a déjà créé une vingtaine de spectacles auxquels il faut ajouter ceux commandées par la compagnie contemporaine Carte blanche ou par l’Opéra d’Oslo.
Ses créations qui allient danse et théâtre sont dans le lignée de celles imaginées dans les années 70 par la chorégraphe Pina Bausch. Elle fut la première à développer le concept de théâtre danse. Dans une époque de contestations, c'était une façon de mettre la danse à l'unisson des questions qui agitent le monde, de pouvoir s'en emparer pour bousculer un répertoire classique jugé trop élitiste.
Les liens entre Alan Lucien Oyen et Pina Bausch sont anciens. Déjà en 2018, il avait mis en scène la célèbre troupe de Pina Bausch, le Tanztheater Wuppertal, dans une pièce intitulée Bon Voyage, Bob. L'occasion de réunir sur scène seize interprètes "historiques" et compagnons de danse de Pina Bausch parmi lesquels Julie Shanahan, Nazareth Panadero, Rainer Behr et Helena Pikon. Cette dernière, âgée de 66 ans, fut fidèle à Pina Bausch pendant vingt-huit ans. Elle est l'une des solistes de ce Cri de coeur.
"Cri de coeur" de Alan Lucien Oyen à l'Opéra de Paris jusqu'au 13 octobre - Spectacle à 19h30 - Durée : 2h50 avec 1h d'entracte - Tarifs : de 12 € à 110 €
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