Le "Lac des Cygnes" de retour à l'Opéra de Paris : un ballet fascinant qui traverse les siècles

Ce ballet mythique créé au XIXe siècle revient sur la scène de l'Opéra Bastille dans la version créée par Rudolf Noureev en 1984.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"Le Lac des cygnes" dans la version chorégraphiée de Rudolf Noureev, à l'Opéra Bastille le 18 juin 2024. (YONATHAN KELLERMAN / OPERA NATIONAL DE PARIS)

Le Lac des cygnes est une féerie sur pointes. Ce ballet né dans la Russie des tsars n'a rien perdu de son pouvoir d'envoûtement. Il met en valeur l'ensemble du corps de ballet et a déjà séduit plusieurs générations de spectateurs. Il est de retour sur la scène de l'Opéra Bastille, à Paris, du 21 juin au 14 juillet 2024, pour le plus grand bonheur des amateurs de danse classique.

La magie du Lac

Plonger dans les eaux du Lac est toujours une expérience magique. Ce long ballet en 4 actes (il dure près de 3 heures) sublimé par la musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski a pourtant connu des débuts difficiles. Créé en 1877 à Moscou dans une chorégraphie de Julius Reisinger, il ne convainc ni le public ni les critiques. Tchaïkovski aurait parlé de "déconvenue humiliante". Ce n'est qu'en 1893 que le directeur des Théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg décide de remonter ce ballet avec le marseillais Marius Petipa et le russe Lev Ivanov. Ces deux chorégraphes avaient déjà triomphé avec La Belle au bois dormant en 1890 et Casse-Noisette en 1892.

Leur Lac des cygnes connut alors un tel triomphe que Tchaïkovski répéta à l'envi qu'il n'écrirait jamais de ballet pour quelqu'un d'autre que Petipa. Par la suite, de nombreux chorégraphes russes remontèrent cette œuvre : Alexandre Gorski en 1901 au Bolchoï, les Ballets russes de Diaghilev en 1911 et beaucoup plus récemment, Alexeï Ratmanski en 2016. La légende du Lac n'a jamais cessé de s'écrire.

Une scène du "Lac des cygnes" dans la version chorégraphiée de Rudolf Noureev, à l'Opéra Bastille le 18 juin 2024. (YONATHAN KELLERMAN / OPERA NATIONAL DE PARIS)

La version présentée par l'Opéra de Paris cette saison est celle de Rudolf Noureev, le danseur venu du froid. En 1983, l'exilé russe déclarait ceci : "Le genre de chorégraphe comme Petipa doit être considéré comme une pierre précieuse qu'il faut sertir à nouveau pour que son éclat soit perceptible à nos contemporains". L'année suivante, le Directeur de la danse de l'Opéra se risqua donc à donner sa propre vision du ballet dans une relecture onirique et très freudienne. Il accorda plus de poids aux rôles masculins et apporta une profondeur psychologique aux personnages.

Le prince amoureux d'un cygne

Au premier acte, on fête l'anniversaire du Prince Siegfried. Son précepteur, Wolfgang lui présente les invités. Sa mère, la Reine annonce qu'il va bientôt se marier. Mais le Prince est ailleurs, perdu dans ses songes. Au deuxième acte, il voit surgir une femme oiseau qui porte une couronne. Elle lui confie qu'elle s'appelle Odette, qu'elle est princesse et qu'elle a été changée en cygne, comme toutes ses compagnes, par le méchant sorcier Rothbart. Elle ne pourra être délivrée du maléfice que s'il lui offre son amour éternel. Le Prince tombe amoureux et promet à Odette d'être son sauveur. Le vocabulaire du mime joue un rôle important dans ce ballet qui reprend des gestes couramment utilisées pour exprimer la tristesse, l'amour, le souvenir.

L'acte II du Lac des cygnes, dit Acte blanc, est une pure merveille. Les danseuses forment des lignes, des triangles, des spirales, des rondes. Cette géométrie structurant l'espace de la scène donne au ballet une étonnante modernité. Les bras des danseuses ondulent comme des ailes. Elles sont le miroir de la ""princesse-cygne" offrant l'illusion de ne former qu'un seul corps pour la protéger des assauts du maléfique Rothbart. Rudolf Noureev magnifie l'histoire d'amour entre le Prince Siegfried et Odette avec des Pas de deux éblouissants. Le temps s'arrête. 

La géométrie du "Lac des cygnes" dans la version chorégraphiée de Rudolf Noureev, à l'Opéra Bastille le 18 juin 2024. (YONATHAN KELLERMAN)

Au troisième acte surgit une mystérieuse femme qui ressemble de façon troublante à Odette. Le Prince Siegfried, persuadé de reconnaître sa bien-aimée va tomber dans le piège. Odile, le cygne noir, n'est qu'une créature envoyée par Rothbart. Le Prince commet l'erreur de la demander en mariage. En croyant sauver Odette, il se parjure. La femme ensorcelée restera prisonnière de son corps d'oiseau. Prenant conscience de son erreur, Siegfried au quatrième acte se noie dans le chagrin.

Un ballet souvent revisité

La beauté et la poésie du Lac des cygnes ont inspiré de multiples chorégraphes : John Neumeier, John Cranko, Mats Ek, Alexander Ekman... En 1995, à Londres, Matthew Bourne crée la surprise avec Swan Lake une version où des hommes dansent en force et en puissance les rôles de cygnes. 

On se souvient aussi de la drôle de version, dans tous les sens du terme, de la sud-africaine Dada Masilo. Dans les années 2010, elle dynamita les codes de ce grand ballet romantique en mariant danse classique et danse africaine. Pour dénoncer l'homophobie dans son pays ravagé par le Sida, elle fit de Siegfried un prince aux amours homosexuelles. 

Citons enfin la version également sans pointes, du chorégraphe aixois Angelin Preljocaj. En 2020, il nous avait confié que Le lac des cygnes représentait pour lui "un Everest". Il avait brillamment gravi cette montagne en revisitant l'histoire d'origine sous un angle écologique. Menacés par la pollution et le réchauffement climatique, ses danseurs-oiseaux englués dans le pétrole nous rappelaient qu'il faut tout faire pour sauver la beauté des lacs.

Le Lac des cygnes

Chorégraphie de Rudolf Noureev

Orchestre de l'Opéra National de Paris

À l'Opéra Bastille  75 011 Paris 

Décors d'Ezio Frigerio et costumes de Franca Squarciapino.

Prix des places : de 150 à 170 euros.

Le ballet sera filmé pour une diffusion au cinéma à partir du 8 novembre 2024.

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