"Liberté Cathédrale" : le chorégraphe Boris Charmatz entre profane et sacré

Nouveau directeur du Tantzetheater de Wuppertal en Allemagne, le Français montre à Paris sa première création avec les danseurs de la compagnie de Pina Bausch, l'immense chorégraphe morte en 2009.
Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Le chorégraphe Boris Charmatz (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

On dit souvent de la danse qu'elle est l'art éphémère par excellence, quand un chorégraphe arrête ou disparaît, il est fréquent que sa compagnie n'y survive pas. Quand Pina Bausch est morte subitement en 2009, ses danseurs ont pourtant continué à interpréter ses chefs-d’œuvre. Depuis deux ans, c'est le Français Boris Charmatz qui dirige le fameux Tantztheater de Wuppertal, en Allemagne, où Pina Bausch a débuté en 1973. Jusqu'au 18 avril, avant le festival d'Avignon, il présente son premier travail avec la compagnie, Liberté Cathédrale, au théâtre du Châtelet à Paris, qui a prêté sa salle au théâtre de la Ville pour des raisons techniques.

Cette façon unique, révolutionnaire à l'époque, de mêler théâtre et danse, de sublimer un geste banal en partant de la personnalité du danseur, la touche Pina, comme par miracle, renaît devant les yeux ébahis des fans de la chorégraphe. "Pina Bausch est là, explique Boris Charmatz, elle est un fantôme bienveillant. Elle est dans les corps, les esprits, j'aime l'idée qu'au contraire, la danse est infinie. Le miracle, c'est que malgré sa mort, la compagnie a continué, parce que le public, les danseurs, les critiques, les institutions l'ont voulu."

"Pina Bausch a été reconnue et soutenue en France, moi je suis français et j'aime beaucoup cette histoire franco-allemande."

Boris Charmatz

à franceinfo

La distribution de cette pièce est également franco-allemande, unissant les danseurs de l'association Terrain dans le nord de la France, que Boris Charmatz a créée, et ceux de Wuppertal, 25 garçons et filles. Boris Charmatz aime le désordre et le titre de sa pièce, Liberté Cathédrale, invite à la confrontation entre profane et sacré. En guise de cathédrale, un immense plateau de danse dans le cœur du théâtre du Châtelet réaménagé, une partie du public est sur scène, frôlé par les danseurs. Aucun décor, des lumières qui visent la transcendance, des cloches et un orgue.

"Les cloches véhiculent des messages existentiels, c'est la naissance, la mort, les mariages. L'orgue est vraiment un instrument de l'architecture, ça résonne ça transperce les corps, explique Boris Charmatz. L'église c'est aussi le patrimoine universel, comme Notre-Dame, mais c'est aussi bien sûr l'endroit du culte catholique. Mais ce sont aussi les paroles non entendues, comme celles des victimes des prêtres pédophiles. Tout ça nous travaille, les corps se laissent vraiment aller, comme des brisures, des formes d'icebergs qui craquent. On est dans un monde menacé, donc oui la pièce est faite pour aujourd'hui."

Silencieux ou hurlants, les danseuses et danseurs n'ont aucun répit : ils se frottent, se rejettent, se retrouvent. Un condensé de l'humanité, qui ne cherche pas la grâce et pourtant, au détour d'un geste, d'un regard, Pina Bausch apparaît. Après tout, on est censé être dans une cathédrale. 

Le chorégraphe Boris Charmatz entre profane et sacré. Reportage de Thierry Fiorile.


"Liberté Cathédrale"  au théâtre du Châtelet (programmé par le théâtre de la Ville) jusqu'au 18 avril, puis au festival d'Avignon.

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