"Mademoiselle Julie" entre à l’Opéra Garnier, une révélation
Birgit Culberg, la grande dame de la danse suédoise, mère du chorégraphe Mats Ek, a adapté en 1950 « Mademoiselle Julie », le drame bourgeois de Strindberg. Un triomphe immédiat en Suéde. En France son ballet entre enfin au répertoire de l’Opéra national de Paris.
Une lecture percutante et irrévérencieuse
Ce qui frappe d’emblée le soir de la Générale, c’est la clarté du récit, condensé, affuté où apparaissent toutes les contradictions et les revirements du personnage, en empruntant autant au ballet classique qu’à la danse moderne d’après-guerre. Birgit Culberg livre une lecture percutante et irrévérencieuse de Strindberg, aussi bien envers les nobles (dont certains sont délibérément caricaturés avec humour comme le fiancé et le père habillés en dresseurs de lions) qu’envers le peuple. Une lecture qui nous tient en haleine pendant près d’une heure.
La chorégraphe rompt avec l’unité de lieu du roman. L’action se situe entre la salle du château où va naître le désir de Julie pour son valet, la grange où se déroule dans la fièvre et la sensualité la nuit de la Saint Jean, et la galerie de portraits de famille qui poussent Julie au suicide.
Aurélie Dupont magnétique
La très grande Aurélie Dupont est une Mademoiselle Julie magnétique (Eleonora Abbagnato et la première danseuse Eve Grinsztajn se relaieront dans le rôle). Mi-amazone mi-majorette, faisant la fière perchée sur ses pointes devant son valet, puis plus douce et surtout terriblement sensuelle, mue par l’attirance charnelle qu’elle ressent pour lui. Dupont exprime à merveille ces changements d’humeurs, cette fragilité que fait naitre le désir et l’espoir.
Jean le valet, c’est Nicolas Le Riche qui danse ici un de ses derniers grands rôles avant ses adieux en juillet. Sa partition alterne les codes de l’aristocratie, maintien guindé et pas très classiques et ceux plus rugueux et violent des paysans (rupture des points d’équilibre, bras arrondis, buste replié, tensions-détentes). Sa danse devient virile et sauvage, à mesure qu'entre lui et Julie les barrières tombent.
Dans une dernière variation, Julie affronte les portraits de famille, symbolisant l’héritage, les carcans. Sa danse redevient alors mécanique, comme un personnage de boite à musique. Une automate dont la mort apparait comme la seule issue. Scène profondément émouvante qui nous remet en mémoire le talent de Birgit Culberg, dont la compagnie a marqué la danse des années 60-70.
L'autre grand ballet de cette soirée est une curiosité : "Fall River Legend", de l'Américaine Agnes de Mille (1909-1993), nièce du grand metteur en scène Cecil B. de Mille. Au répertoire depuis 1996, il s’inspire d'un fait divers légendaire aux Etats-Unis, l’histoire de Lizzie Borden accusée du meurtre de son père et de sa belle-mère à coups de hache. Du théâtre dansé dont l’intérêt principal est de retrouver Alice Renavand, nommée étoile en décembre dernier, dans le rôle de Lizzie (en alternance avec Laetitia Pujol et Nolwenn Daniel). Pour une de ses premières prises de rôles elle nous offre un travail des bras très étonnant, qui signe la marque de la chorégraphe.
Une soirée à priori intrigante et qui au final satisfait pleinement et notre envie de découverte et notre amour du ballet.
Agnes de Mille/Birgit Cullberg à l'Opéra Garnier
Réservation: 01 58 05 49 42
19h30 : 21 et 27 février puis 3,6,8,10,11,13 mars
20h : 22 février, 1er mars
14h30 : 22 février, 1er, 2, 9 mars
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