La danseuse et artiste de music-hall Zizi Jeanmaire, l'inoubliable interprète de "Mon truc en plumes", est morte à 96 ans
Aragon disait que sans elle, Paris ne serait pas Paris. Avec sa gouaille canaille, ses jambes de déesse et ses cheveux courts, Zizi Jeanmaire a marqué à jamais l'histoire de la danse. Ses obsèques auront lieu dans l'intimité, mais un hommage lui sera rendu en septembre en l'église Saint-Roch, la paroisse parisienne des artistes, a indiqué son entourage.
Un petit nom d'oiseau, des jambes sans fin et "des yeux à vider un couvent de trappistes en cinq minutes", selon son ami Boris Vian. Zizi Jeanmaire s'est éteinte paisiblement cette nuit à son domicile de Tolochenaz, dans le canton de Vaud, en Suisse. Quand on l'interrogeait sur l'origine de son surnom, elle expliquait : "Quand j'étais petite, ma mère m'appelait son p'tit zizi et ça m'est resté". Cette artiste complète était à la fois ballerine, chanteuse, meneuse de revue et comédienne. Elle était la muse et l'épouse du chorégraphe Roland Petit, décédé en 2011.
Renée Marcelle Jeanmaire, son vrai nom, est née à Paris le 29 avril 1924. Elle est encore petite fille lorsque son grand-père l'emmène à l'Opéra voir Roméo et Juliette de Gounod. Ce sera son premier coup de foudre. A neuf ans, elle entre à l'école de danse, sous les toits du Palais Garnier. Le même jour et dans la même classe qu'un certain Roland Petit. Deuxième coup de foudre. "Je le trouvais irrésistible", a-t-elle raconté. "J'essayais d'attirer son attention. Chaque vendredi, je partageais mon clafoutis avec lui". Il deviendra son pygmalion. Elle, son éternelle muse. Le chorégraphe estimait que très jeune, elle avait déjà une modernité que n'avaient pas les autres danseuses. Il la trouvait en avance sur son temps.
Zizi a la bougeotte
En 1940, après sept ans d'apprentissage, elle est engagée dans le corps de ballet de l'Opéra de Paris. Elle prend en parallèle, des cours avec Boris Kniasef. Ce pédagogue d'origine russe fait travailler ses élèves à terre inventant la fameuse barre au sol. Une révolution pour l'époque. Il forme aussi les plus grandes étoiles. C'est Yvette Chauviré, sa "petite mère", autrement dit sa marraine à l'Opéra de Paris, qui le lui a fait connaître.
En 1944, à vingt ans, elle démissionne de l'Opéra de Paris pour rejoindre les Ballets de Monte-Carlo. "J'ai démissionné un peu sur un coup de tête, expliquait-elle, parce que j'étais arrivée troisième à un examen alors que je pensais être première".
Un an plus tard, elle décide de rejoindre la compagnie créée en 1945 par le jeune Roland Petit : les Ballets des Champs-Elysées. Mais la jeune danseuse a la bougeotte et part au bout de six mois. Elle intègre ensuite les Ballets du Colonel de Basil, compagnie créée en 1932 pour succéder aux Ballets russes.
Le triomphe de Carmen
En 1949, elle retrouve son cher Roland Petit qui vient de laisser les Ballets des Champs-Elysées pour fonder Les ballets de Paris-Roland Petit.
Dans ce ballet néo-classique, Zizi, lascive, interprète une gitane au tempérament volcanique. L'oeuvre, jugée sulfureuse, crée la polémique mais ce personnage, mélange de vamp et de garçonne, fera sa gloire. La troupe danse Carmen au théâtre Marigny pendant trois mois puis sept mois sur Broadway à New York. S'en suit une tournée dans les plus grandes villes d'Amérique du Nord. "J'ai vu Marilyn arriver au studio, j'ai rencontré Greta Garbo. Je les ai tous connus", racontait-elle.
Hollywood
A l'automne 1950, Zizi est de retour au théâtre Marigny et elle chante. Roland Petit crée pour elle La croqueuse de diamants sur des textes de Raymond Queneau. Elle obtient le Grand prix du disque pour la chanson titre du spectacle, la première qu'elle interprète. La troupe repart ensuite en tournée aux Etats-Unis où le célèbre producteur Sam Goldwyn la repère. Il la fait venir à Hollywood et lui fait tourner Hans Christian Andersen et la danseuse avec Danny Kaye pour partenaire. Roland Petit l'accompagne et règle les chorégraphies. Après la fermeture des studios, le couple rentre à Paris.
Les mariés du nouvel an
En 1953, à la suite d'une dispute, Zizi quitte son pygmalion et ses Ballets de Paris. Elle part alors à New York pour créer sur Broadway une comédie musicale : The girl in Pink Tights. A son retour des Etats-Unis, après une douloureuse séparation, elle épouse enfin l'homme de sa vie. La cérémonie se déroule le 29 décembre 1954 à Saint-Cyr-la-Rivière, un petit village de la Beauce, terre natale de Roland Petit. Ils font la une de Paris Match avec ce titre "Les mariés du nouvel an". Elle racontait que beaucoup pensaient que leur union ne durerait pas en raison de leurs caractères bien trempés. Ils auront une fille, Valentine, comédienne et auteure de chansons.
A la fin des années 50, Zizi tourne plusieurs films : Folies-Bergère d'Henri Decoin avec Eddy Constantine, Charmants garçons du même Decoin avec Daniel Gélin, Guinguette de Jean Delannoy avec Paul Meurisse et Jean-Claude Pascal, Black tights de Terence Young avec Cyd Charisse et Roland Petit.
Son truc en plumes
En 1961, elle triomphe à l'Alhambra avec Mon truc en plumes sur une musique de Jean Constantin, des paroles de Bernard Dimey et des costumes d'Yves Saint Laurent.
En 1965, elle sera à l'affiche du Palais Royal pendant deux ans avec le rôle de la môme Crevette dans La dame de chez Maxim's de Feydeau aux côtés de Jean Le Poulain et de Pierre Mondy. Pour la seule et unique fois de sa vie, elle est blonde !
Le jeune homme et la mort
Elle continue en parallèle sa carrière de ballerine dansant avec les plus grands : Rudolf Noureev dans Le jeune homme et la mort, Michaël Denard dans La symphonie fantastique ou encore Mikhaïl Baryshnikov.
Hommages
"Jamais nous t'oublierons chère Zizi", a réagi l'ancienne étoile de l'Opéra de Paris, Marie-Agnès Gillot, sur Instagram, avec une vidéo de Zizi, tout en jambes et en plumes chantant son plus fameux tube.
Voir cette publication sur InstagramJamais nous t’oublierons chère Zizi RIP #zizijeanmaire #rolandpetit #montrucenplumes
"Une femme et une artiste exceptionnelle nous quitte. Zizi Jeanmaire restera à jamais dans nos mémoires, unique et inimitable", a commenté Manuel Legris, lui aussi ancien danseur étoile de l'Opéra de Paris, sous une photo, tout sourire, de la danseuse célèbre pour sa coupe garçonne.
Voir cette publication sur Instagram
L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a salué une "danseuse magnifique au corps de déesse" doublée d'une "chanteuse gouailleuse".
Depuis ses débuts au music-hall en 1957 à l'Alhambra, Zizi Jeanmaire n’a jamais cessé de nous émerveiller. Elle s’en est...
Publiée par Jack Lang sur Vendredi 17 juillet 2020
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.