Opéra de Paris : la grève est levée, mais les discussions autour de l'amélioration du statut des danseurs se poursuivent
La période des fêtes de fin d'année a mal commencé pour l'Opéra de Paris. Quatre représentations du ballet Paquita de Pierre Lacotte, dansé à Bastille en décembre et une représentation du spectacle Play du chorégraphe Alexander Ekman au Palais Garnier, ont été annulées suite à un mouvement de grève lancé par le syndicat CGT et portant sur le temps de travail des danseurs.
Mercredi 11 décembre, suite à une "reprise des discussions", la CGT annonçait qu'elle suspendait la grève pour la soirée, ce qui a permis à la première représentation de Paquita de se tenir à l'Opéra Bastille. Le lendemain, le représentant de la CGT, le danseur Matthieu Botto, indiquait que le préavis de grève était finalement levé. Quelques explications sur les raisons et conséquences de cette grève.
Régime spécial
Les 154 danseurs du ballet de l'Opéra de Paris ont un statut particulier. Ils n'ont pas été impactés par la réforme des retraites et ont pu conserver un régime spécial qui leur permet de prendre leur retraite à 42 ans et demi. Ils perçoivent alors une pension calculée au prorata du nombre d'années pendant lesquelles ils ont cotisé.
90% des danseurs de la troupe sont passés, plus ou moins longtemps, par l'école de danse de l'Opéra située à Nanterre. Ils intègrent souvent la compagnie à leur majorité, parfois un peu avant, et peuvent y rester jusqu'à cet âge maximum de 42 ans.
En 2023, selon des chiffres publiés par le quotidien Le Figaro, un danseur entrant dans le corps de ballet à l'échelon de quadrille gagnait 3 140 euros bruts mensuels et un danseur en fin de carrière à peine plus de 6 000 euros bruts, sur 13 mois.
Leur salaire se décompose entre un fixe équivalent non pas à 35 heures par semaine, mais à 42 services de 3 heures par mois, soit 126 heures. S'y ajoutent quelques primes, d'un montant plutôt symbolique, par exemple pour les danseuses qui achètent et cousent elles-mêmes les rubans de leurs chaussons pointes.
Des journées de travail à rallonge
Depuis le printemps 2023, une négociation entre la direction et les représentants du ballet porte sur une demande récurrente des danseurs concernant leur temps de travail : ils souhaitent une meilleure prise en compte de leurs temps de préparation avant et après les spectacles (échauffement, maquillage, démaquillage, habillage, déshabillage) et des temps de répétition (cours de danse obligatoire le matin, vacations l'après-midi).
José Martinez, ancienne étoile de l'opéra et directeur de la danse depuis deux ans, expliquait en mars 2023 dans une interview accordée à News Tank Culture que ces discussions avaient permis d'aboutir à une nouvelle organisation du travail, appliquée concrètement depuis le 1er mars 2024. "Les danseurs terminent une heure plus tôt, à 18H au lieu de 19H auparavant. Nous faisons des services de répétitions plus courts", expliquait-il. "Ils profitent de cette heure de 18 à 19H pour aller voir le physio, faire du renforcement, pour rentrer tranquillement."
Un enjeu financier énorme
Pour le dire simplement, la danse est l'une des poules aux œufs d'or de l'Opéra de Paris. En 2023, pour la première fois depuis 2017, il a enregistré des résultats bénéficiaires de 2,3 millions d'euros. Les ballets y sont pour beaucoup, car ils font souvent salles pleines et attirent de riches contributeurs. Les ressources propres de l'institution ont atteint plus de 140 millions d'euros dont 74 millions et demi de billetterie et plus de 23 millions d'euros de mécénat. La subvention de l'État ne représente que 40% du budget.
En coulisses, il est probable que les négociations entre la direction et la CGT sur la rémunération des danseurs se poursuivent pour éviter toute nouvelle annulation. Selon les chiffres communiqués par l'Opéra de Paris, au 9 décembre, les pertes s'élevaient à 150 000 euros pour Play et à 260 000 euros pour Paquita. De son côté, le syndicat Sud, qui ne prend pas part à cette négociation, a indiqué à l'AFP avoir déposé un préavis de grève portant sur la période du 19 au 31 décembre, "pour l'ensemble des salariés", afin de défendre "des revendications portant sur les effectifs", insuffisants "dans tous les services", selon le syndicat.
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