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Rencontre avec Germain Louvet, nouveau danseur étoile à l'ascension fulgurante

Une tournée à Dubaï en janvier, une autre prévue début mars au Japon. Germain Louvet, nommé danseur étoile du ballet de l'Opéra de Paris le 28 décembre dernier, n'a pas eu l'occasion de se reposer sur ses lauriers. Culturebox a rencontré ce surdoué de 23 ans au parcours édifiant. Portrait.
Article rédigé par franceinfo
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Aurélie Dupont et Stéphane Lissner ont nommé Germain Louvet danseur étoile du ballet de l'Opéra de Paris, le 28 décembre dernier après une représentation du "Lac des Cygnes" 
 (Svetlana Loboff / Opéra national de Paris)
Le jeune danseur a de quoi être déboussolé. Nommé étoile en décembre, Germain est parti en représentations à Dubai au début du mois de janvier. Actuellement, il passe ses journées à répéter pour une tournée de l'Opéra de Paris au Japon qui aura lieu du 2 au 12 mars. Une pression particulière pour lui puisqu'il interprètera le rôle principal masculin du ballet Daphnis et Chloé chorégraphié par Benjamin Millepied. Pas facile pour Germain de rester complètement imperméable à toute cette agitation. "Je suis très perché, confie-t-il, j'ai l'impression que c'est un rêve et que je vais me réveiller. Mais heureusement je ne me réveille pas. Ce sont des choses que je regardais avec beaucoup d'envie. Passer premier danseur... Être nommé danseur étoile..."
Germain Louvet incarne le rôle principal masculin du Prince Siegfried dans le ballet du Lac des Cygnes. C'est à l'issue d'une représentation du Lac des Cygnes qu'il a été nommé danseur étoile. 
 (Svetlana Loboff / Opéra national de Paris)
L'ascension de Germain est un peu exceptionnelle. S'il a passé avec succès le concours pour devenir premier danseur début novembre, cette promotion ne prenait officiellement effet que le 1er janvier 2017. Il a donc en quelque sorte "sauté une classe" en étant nommé danseur étoile dès le 28 décembre. Un chevauchement qui se produit très rarement au sein de l'institution. Le ballet de l'Opéra de Paris compte en effet quatre échelons que les danseurs atteignent par le concours interne : quadrille, coryphée, sujet et premier danseur. Danseur étoile est la distinction la plus prestigieuse du ballet qu'un premier danseur (et dans quelques rares cas, un sujet) peut recevoir. "J'essaye tout de même d'accueillir cette nouvelle avec légèreté pour ne pas... péter un câble, glisse-t-il. Cela fait beaucoup de choses fortes d'un coup [...] Mais je ne danse pas mieux le lendemain de ma nomination. Je sais que je dois continuer à progresser et à travailler pour mes rôles." 

"Ambassadeur de l'Opéra de Paris"

Tout en gardant les pieds sur terre, le jeune homme vit cette nomination comme une reconnaissance, un gage de confiance qui le galvanise : "Je me sens hyper libre. J'ai l'impression qu'il me reste une chose à faire : danser. Évidemment, j'ai aussi une certaine pression du fait de la responsabilité que ça représente, mais je sais que je suis bien accompagné [...] En devenant étoile, on devient un peu ambassadeur de l'Opéra de Paris. Cela me donne une force mentale supplémentaire de me dire que j'ai en quelque sorte l'adoubement de l'institution." 

Germain Louvet dans le Lac des Cygnes (2016)
 (Svetlana Loboff / Opéra national de Paris)

Un soutien parental indéfectible et bienveillant

Dans la famille de Germain, le succès n'est, semble-t-il, pas un phénomène que l'on se contente d'observer chez les autres. Dans la fratrie Louvet, l'aîné a pratiqué le cyclisme à haut niveau avant d'enchaîner sur de brillantes études supérieures. Le deuxième est donc danseur étoile de l'Opéra de Paris, et le dernier un jeune espoir du cyclisme français. De quoi se demander s'il y existe une recette éducative pour la réussite. Le jeune danseur nous donne quelques éléments de réponse. "On pourrait penser qu'on a eu des parents un peu fous qui nous ont brimé, qui nous ont enchaîné en nous disant 'tu seras le meilleur!' mais ce n'est pas du tout le cas. Ils sont exigents et attentifs mais ils ne nous ont jamais bousculés, ou forcés. Leur soutien a toujours été bienveillant. D'un autre côté, ils ne nous ont pas mis d'interdits ni de barrières. J'ai du quitter la maison à 12 ans pour l'école du ballet, prendre le TGV et le RER tout seul. Ils ont accepté que je me lance." 

"Esprit provoc' et rebelle" 

Enfant, il n'a pas toujours été simple pour Germain d'afficher cette passion auprès de ses camarades de classe. La danse étant parfois connotée comme une activité "féminine" dans les cours de récréation. Mais cela n'a jamais été décourageant pour Germain, bien au contraire. "A partir du moment où j'ai compris que faire cette activité me rendait un peu différent, j'étais plutôt content et fier, sourit-il. C'est mon esprit provoc' et rebelle."
Germain Louvet dans le Lac des Cygnes (2016)  
 (Svetlana Loboff / Opéra national de Paris)
Cette indocilité et cette envie de liberté, Germain les revendique aujourd'hui encore dans sa conception de la danse. S'il s'entraîne vertement à perfectionner sa technique pour travailler les rôles qu'on lui donne, il considère néanmoins que l'essentiel d'un ballet est ailleurs...  "A la base, je suis plus poussé par la passion de bouger, de danser, de m'exprimer, que par la performance, souligne-t-il. Dans un ballet comme le Lac des Cygnes, je trouve que cette performance doit être au service de l'histoire, du personnage, de la narration, et pas l'inverse. Par exemple, il y a plusieurs manières d'interpréter le rôle du prince Siegfried. Tu peux le faire efféminé, perdu dans sa sexualité. Tu peux aussi le faire très noble, très 'prince', très traditionnel et propre sur lui. Moi j'ai préféré jouer un garçon mal dans sa peau, torturé." Pour le jeune homme, se réapproprier un rôle fait aussi partie du travail de soliste. "Je me sens très proche du parcours du prince Siegfried. Un peu perdu au début, qui cherche un sens à sa vie." 

"La transmission d'une émotion par le mouvement"

Au delà de la dimension narrative du ballet, Germain sait qu'il est plus saisissant pour son spectateur lorsqu'il évolue sur des variations lyriques et poétiques. "Je pense qu'en tant que danseur, je me démarque par d'autres choses que la virtuosité technique. Je préfère travailler sur la musicalité, la fluidité, la recherche artistique de la transmission d'une émotion par le mouvement".
 
Mars 2016 : Germain Louvet et Léonore Baulac (nommée danseuse étoile quelques jours après Germain) étaient réunis pour incarner Roméo et Juliette.

Faire les bonnes rencontres

Germain ne l'ignore pas, il doit aussi sa réussite à son entourage professionnel. Ces bonnes rencontres qu'il a faites dès le début de sa carrière et qui lui ont permis d'évoluer. "Benjamin Millepied m'a tout de suite repéré. C'est lui qui m'a donné le premier rôle dans Casse Noisette alors que je n'étais que coryphée.[...] Et qui nous a fait répéter Casse Noisette tout en étant encore danseuse à l'Opéra ? Aurélie Dupont. Cette rencontre a été un vrai déclic, parce que c'était une étoile que j'admirais déjà beaucoup quand j'étais petit. Humainement c'est une personne extraordinaire, avec une grande sensibilité. Elle m'a fait réaliser ce que ça voulait dire d'être soliste". Une pression supplémentaire pour le nouveau danseur étoile de l'Opéra de Paris qui partira en tournée début Mars au Japon. Il y jouera en effet le rôle principal masculin de Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied en duo avec... Aurélie Dupont. 

Revoir : l'interview de Germain Louvet, passé sur le plateau de France Info après sa nomination comme danseur étoile, fin décembre 2016 :  
 

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