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Rencontre : l'envol de l'étoile Ludmila Pagliero dans Don Quichotte

Elle est Argentine, elle a été nommée étoile dans des circonstances rocambolesques en mars dernier. Revoilà Ludmila Pagliero brulant les planches de l’opéra Bastille dans le rôle de Kitri, l’héroïne du Don Quichotte de Noureev. Un ballet de 2 heures 30 bourré de prouesses techniques, une féerie qui allie commédia dell’Arte, folklore et danse purement classique, comme l’Opéra aime à les programmer pendant les fêtes. Avec sa technique parfaite, sa sensualité à la Carmen, son insolente facilité, l’étoile porte en meneuse de revue ce Don Quichotte. Entretien.
Article rédigé par franceinfo - Sophie Jouve
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Ludmila Pagliero est Kitri dans le Don Quichotte de Noureev
 (Julien Benhamou/Opéra national de Paris)

- Ce Ballet « Don Quichotte », une espagnolade, une version légère et heureuse du roman de Cervantès, ce doit être très plaisant à danser pour une Argentine ?
- C’est le travail qu’on a essayé de faire, utiliser mes origines pour présenter quelque chose de nouveau au public et en même temps que je me sente à l'aise. C’était très amusant de faire ressortir la chaleur, le côté latino-américain, un peu de tango. On s’est appuyé sur des images de mon histoire, pour créer ce personnage de Kitri.

Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé de danser ce ballet monstre semé d’embuches ?
- C’est très amusant à travailler car il y a de nombreuses parties très rigolotes, il y a une chaleur sur scène avec la présence de tout le corps de ballet, il y a une grande variété de mouvements, beaucoup de couleurs. On s’amuse énormément. C’est un ballet qui nous porte par la bonne humeur et lorsque j'arrive sur scène je prends beaucoup de plaisir.
Bien sûr, il y a toute la concentration, la préoccupation des pas, mais c’est un ballet où l’on peut rire, s’amuser, notamment lors des pantomines. Et quand on sent que le public réagit à ces moments humoristiques, ça nous donne encore plus d’énergie, de force pour continuer.

Comment tient-on tout feu tout flamme pendant ces 2h30 ? 
- C’est très physique, très sportif. J’ai commencé un mois et demi avant la première. Petit à petit on prépare son corps, on additionne peu à peu les différentes parties. On ne peut pas faire cela d’une traite. C’est un travail de patience et de préparation physique très important. Il faut savoir à quel moment la fatigue s’installe, à quel moment on peut respirer, récupérer. C’est en répétant inlassablement qu’on arrive à comprendre le fonctionnement physique du ballet et alors seulement on peut se concentrer sur l’artistique et oublier toute cette fatigue.

Quelle est la particularité de ce ballet dans le répertoire classique ?
- C’est l’un des plus durs. Les rôles principaux commencent et finissent chaque acte, ils sont pratiquement toujours en scène. Il y a deux entractes de 20 minutes pour les changements de costumes, de pointes, le maquillage. Le temps de repos est très court. C’est un des ballets les plus exigeants mais il y a en même temps cette ambiance très agréable. Car ce grand classique vous laisse une grande liberté par rapport à d’autres ballets. On a un éventail d’interprétations, on peut s’approprier le personnage.

A vos côté dans cet enchainement infernal de pas et pour vivre cette histoire d’amour qui se termine bien, Karl Paquette...
- On a beaucoup ri en studio. On s’est vraiment amusé à essayer des choses, même si ça ne marchait pas du tout. C’est très important d’avoir une bonne relation avec son partenaire dans ce ballet parce qu’il y a beaucoup de parties théâtrales où on doit faire rire, on doit avoir de l’humour. Si on ne se fait pas rire mutuellement, c’est très difficile d’y croire. Le public ressent ces choses là. C’est très important de savoir ce que chacun veut transmettre, pour qu’il y ait une cohérence. Sinon chacun part de son côté et on ne comprend plus rien à l’histoire.

C’est un rôle qui permet de montrer toute l’étendue de son talent ?
- C’est vrai que techniquement il y a beaucoup de défis. Equilibre, pirouettes, sauts impressionnants, grand pas de deux avec fouettés à la fin. Mais je pense que je vais devoir assurer à chaque fois que je monte sur scène avec des personnages qui vont m’aller mieux ou pas du tout. C’est ça qui est excitant. Je me sens très confortable sur Don Quichotte, je m’amuse beaucoup, mais j’espère faire aussi bien dans d’autres ballets.

Vous avez été nommée étoile en mars 2012 à l’issue d’une représentation de la Bayadère, quel regard portez-vous sur cette année singulière ? 
- Une année avec beaucoup de changements, qui est passée à toute vitesse. J’ai très bien commencé l’année avec ma nomination qui n’était pas attendue du tout. Après je me suis blessée et j’ai du m’arrêter quatre mois pour soigner mon pied. Cela m’a un peu coupé dans l’élan de toute ces belles choses qui me sont arrivées. Au début, cela a été dur d’être au repos. Puis j’ai décidé d’utiliser ce temps pour digérer tout ce qui m’était arrivé et puis me reposer. Un moment de réflexion et de calme pour démarrer la nouvelle saison en septembre avec une tranquillité, une force et une envie d’assumer ce titre d’étoile. C’est un titre qui donne beaucoup de responsabilités. Il faut être au top niveau à chaque fois que l’on monte sur scène  Le public est très exigeant, il paye sa place pour venir nous voir, on doit lui donner un beau spectacle à chaque fois.

Pour ceux qui ne connaitraient pas les circonstances étonnantes de votre nomination en tant qu’étoile, comment s’est déroulée cette fameuse soirée ?
- A ce moment là, je dansais Mats Ek. On me demande si je peux remplacer la danseuse blessée qui tenait le rôle de Gamsatti dans la Bayadère dès la semaine suivante. J’ai dit ok car j’avais une semaine pour me préparer et j’avais dansé ce rôle deux ans auparavant. Le lendemain de cette conversation, on m’annonce qu’il y a un petit problème et qu’il faudrait que je démarre le soir-même. J’ai eu un peu peur, car en en plus ce spectacle allait être retransmis dans de nombreuses salles de cinéma en Europe. J’ai décidé de répéter une heure pour voir si j’étais capable d’assumer. Au bout d’une heure je me sentais bien, j’ai dit ok.
Après ça il a fallu s’occuper des costumes, de la coiffure, prendre mes affaires, courir à Bastille et monter sur scène. Il ne fallait pas trop réfléchir. Cette  journée inattendue s’est terminée par ma nomination comme étoile, elle aussi inattendue ! J’étais déjà très heureuse car j’avais bien assuré et je m’étais amusée. La nomination a été la cerise sur le gâteau, c’était une journée parfaite !

Ludmila Pagliero dans la Bayadère
 (Sébastien Mathé/Opéra national de Paris)

Don Quichotte de Noureev à l'Opéra Bastille jusqu’au 31 décembre
Ballet en un prologue et trois actes d’après quelques épisodes du roman de Cervantès 
Réservation : 08 92 89 90 90

Autre extrait de Don Quichotte :

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