Humour : Solal Bouloudnine brille dans "Seras-tu là ?", un one man show tendre et drôle où s’invite Michel Berger
Le talent du comédien Solal Bouloudnine éclate dans son premier one man show, à voir à Paris au Théâtre 13 et en tournée. Il nous embarque loin dans ses souvenirs et les méandres de sa psyché, à bord d'une autofiction audacieuse avec laquelle il tente de conjurer la mort.
Vous souvenez-vous du moment où vous avez quitté l’enfance ? En ce qui le concerne, Solal Bouloudnine connaît précisément la date. C’était le 2 août 1992 et il était âgé de six ans, 11 mois et 20 jours. Ce jour-là, l’auteur-compositeur et interprète Michel Berger mourait soudainement d’une crise cardiaque après une partie de tennis, dans sa villa de Ramatuelle (Var). Le petit Solal était alors en vacances dans une maison toute proche et il assista, impuissant, au bal des sirènes de secours.
"Ce jour-là je suis sorti de l’enfance. J’ai compris le concept de finitude", confie le comédien sur scène. Depuis, comme beaucoup de ses semblables, il tremble pour ses proches, pour ses enfants et pour lui-même. Cette angoisse de la fin le ronge. Il en a fait un spectacle enlevé et touchant, Seras-tu là ?, qui tire son nom d’une chanson de Michel Berger.
Une plongée truculente dans l'enfance
Un seul en scène centré sur la mort et la finitude ? Oui mais drôle, truculent et jamais plombé : c’est la gageure que relève brillamment ce comédien âgé de 36 ans, qui a notamment fait ses classes au sein de la troupe des Chiens de Navarre. Extrêmement originale, cette autofiction nous embarque loin dans les souvenirs et les méandres de la psyché de l’auteur et acteur.
Une chambre d’enfant des années 90 en désordre. Un lit à tiroir et des draps ornés de Schtroumpfs. Un ours en peluche géant vêtu d’un maillot de l’OM de la grande époque 1992-93. Un bureau constellé d’autocollants, un aquarium, quelques jouets. En short et T-shirt blancs maculés de taches, le visage barbouillé d’une épaisse couche de crème solaire, Solal s’agite en mode grotesque, raquette en main, dans une partie de tennis imaginaire.
Sur un écran disposé sur scène fait soudain irruption l’annonce au journal télévisé de la mort de Michel Berger. On retrouvera le musicien à plusieurs reprises sur ce même écran, mais aussi via des chansons, tandis que seront évoquées ses histoires sentimentales avec France Gall et Véronique Sanson. "Avec Michel Berger, je veux rendre hommage à la variété et à son pouvoir de consolation", éclaire Solal Bouloudnine. "Les chansons sont des alliées, elles sont un remède à la solitude".
Jouer à conjurer la fin
A partir de là, le comédien va dérouler deux fils narratifs qui se répondent : celui du chanteur populaire et celui de son enfance dans les années 90. Avec, entremêlée serrée, l’idée constante, folle et éperdue, de tout faire pour conjurer le sort, prendre de court le destin et embrouiller la mort. Comme pour mieux piéger la linéarité du temps, la narration de ce monologue commence d'ailleurs par la fin. Du coup, "le milieu sera le début et la fin le milieu". Vertige. On pourrait s’y perdre mais Solal Bouloudnine garde le cap.
L'acteur a l’art de nous emmener dans ses délires, un mélange foutraque d’humour noir, d’absurde et d’innocence. Dans une scène cocasse, il imagine ce qu’il adviendrait si les parents pouvaient choisir la fin de leur progéniture dès la naissance. Dans une autre séquence, plus intime, il imite son père, chirurgien digestif et gros fumeur. Un hommage affectueux à celui qui a "passé sa vie à défier la mort" en questionnant tous ses patients d’un "Vous allez à la selle ? Vous avez des gaz ?".
Un défi de jeu autant que d'écriture
Survolté, Solal Bouloudnine mène un solo dense, très physique, télescopant des saynètes de fiction à des pans entiers de son intimité, "comme un chanteur de variété". Il excelle aussi à incarner tous les personnages dans une même scène, à cent à l’heure, comme ce dialogue à mourir de rire entre sa mère juive, lui-même et un serveur, autour du devenir d'une gamelle de couscous.
Dans ce spectacle inclassable, qui est un défi autant de jeu que d’écriture, Solal Bouloudnine sonde le mystère de la destinée. Comme on le découvre sur scène grâce à des vidéos d’archives familiales, il était déjà très à l’aise, enfant, pour faire le pitre devant une caméra. Son père le destinait pourtant à la médecine. A sa façon, Solal Bouloudnine soulage et soigne aujourd’hui ses contemporains de leurs frayeurs métaphysiques, par la tendresse et par l’humour.
Seras-tu là ? de Solal Bouloudnine (un spectacle co-écrit avec Maxime Mikolajczak et mis en scène par Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon). A voir au Théâtre 13 (Paris) du 8 au 18 février 2022, et en tournée (le 4 février à Carros, les 24 et 25 février à Forbach, du 15 au 18 mars à Dijon, du 3 au 14 mai à Marseille, les 17 et 18 juin à Poitiers etc)
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