L’humoriste Caroline Vigneaux se met à nu dans son nouveau seule en scène "In Vigneaux Veritas" au Théâtre Edouard VII

Dans son troisième one woman show, l'ancienne avocate qui a troqué les prétoires pour l'humour jure de dire toute la vérité et ose tout. Autour d'évènements personnels parfois très douloureux, elle parvient à tisser un spectacle lumineux et sans temps mort, à la fois sensible et hilarant.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'humoriste Caroline Vigneaux dans son seule en scène "In Vigneaux Veritas" au Théâtre Edouard VII à Paris (janvier 2024). (@JUSTINELEPHAY)

Parvenue à la moitié de sa vie, Caroline Vigneaux, 49 ans, s’imagine en haut de la montagne. De là-haut, elle "admire la vue avant d’entamer la descente". C’est le fil rouge de son nouveau spectacle, à voir au Théâtre Edouard VII à Paris jusqu’au 30 mars puis en tournée. À vue de nez, l’humoriste estime n’avoir plus qu’un quart de siècle pour "kiffer" avant l’Ephad. D’où elle compte bien décoller pour les étoiles en mode feu d’artifice – "autant mourir à 95 ans d’une overdose de LSD".

Dans ce troisième seule en scène enlevé et particulièrement intime, cette ancienne avocate jure de dire toute sa vérité. Elle se présente toute de blanc vêtue, en blazer, jogging et basket immaculés, loin de la tenue de soirée ravissante qu’elle arbore sur l’affiche. Aux hommes qui se plaignent d’un "J’aimais bien quand tu avais des talons", elle rétorque : "Moi, j'aimais bien quand tu avais des abdos". Bien envoyé de la part de cette féministe affirmée qui a conçu ce one woman show de A à Z – actrice, autrice, metteuse en scène et productrice – et pour lequel elle a dû contracter un emprunt et mettre sa maison en gage.

Rire de tout ? Pari relevé

Un sacré pari et un stand-up à l’avenant : couillu. Caroline Vigneaux y ose tout, comme faire rire avec un évènement particulièrement douloureux, les funérailles de son père, à qui est dédié son spectacle. Pierre est mort à 68 ans, dans une station de ski. L’enterrement a été organisé le jour de son anniversaire à elle. "À un jour près, j’avais un cadeau de plus", grince-t-elle.

La fameuse descente de la montagne, elle ne sait pas comment la faire sans ce père adoré, à qui elle a toujours cherché à plaire. Elle n’en perd pas pour autant son humour. Elle se souvient d’abord comment la préposée des pompes funèbres l'avait poussée à choisir le cercueil le plus cher, parce qu’"on est ici pour faire de l’enterrement de votre papa le plus beau jour de votre vie". Puis c’est le prêtre, incapable de prononcer une seule fois correctement le nom de son père, à qui elle règle son compte, faisant pleurer la salle de rire.

Le wokisme, les problématiques de genre ? Elle préfère s’avouer larguée. Le féminisme ? Oui, mais un féminisme qui parvient à se mettre la majorité des hommes dans la poche – on les a vus beaucoup rire au spectacle et on vous l’assure, il n’y avait pas dans l’assistance que des hommes "déconstruits". Ainsi, le sketch "La Fédération française des Tontons Gérard" est matière à nous livrer le meilleur de sa grosse voix et de ses mimiques impayables, genoux fléchis et bedaine imaginaire en avant, et le sujet de la masturbation donne lieu à un constat réjouissant qui nous avait échappé – "les gars sont toujours en mode manuel, nous, on est passées depuis longtemps à l’électricité".

Faire d'un cauchemar une force

En même temps, Caroline Vigneaux dit "sa" vérité, et en l’espèce, on ne peut pas plaire à tout le monde. Y compris aux féministes 2.0 dont elle peut parfois faire froncer le sourcil, en particulier sur le terrain glissant du consentement. Lancée sur la thématique des difficultés de la langue française et de l’intelligence artificielle, elle plaide pour une IA traduisant en termes clairs auprès des hommes le langage parfois ambigu, selon elle, des femmes. Vous savez, ce fameux "non, non, non" qui veut parfois dire oui. Question d’intonation. Mais ce qu’elle déplore, au fond, c’est que les femmes n’osent pas toujours dire oui, par peur de passer pour des filles faciles. Elle prend d’ailleurs la précaution de donner à son public un petit cours de second degré en préambule.

Et puisque cette bombe d'énergie et d’humour a décidé de tout dire cette fois, elle dévoile des confidences hardcore qu’on ne sentait pas venir : deux agressions sexuelles et un viol subis dont elle n’avait jamais parlé à personne, et pour lesquels, c’est son grand regret, elle n’a jamais eu le courage de porter plainte, elle l’avocate de profession. Le rire n’est pas vraiment au rendez-vous de cette séquence (on rit jaune au mieux) et autant le dire, ça jette un froid. Mais une fois encore, c’est gonflé. L’idée est de montrer qu’"on peut faire d’un cauchemar une force et on doit aussi pouvoir rire de ça", argumente-t-elle. On ignore quelle était son efficacité dans les prétoires. Mais en poil à gratter, aussi drôle que sincère, Caroline Vigneaux fait merveille sur les planches. In Vigneaux Veritas ? Un sacré bon cru.

"In Vigneaux Veritas" de et avec Caroline Vigneaux, au Théâtre Edouard VII (Paris 9e) jusqu'au 30 mars 2024, du mercredi au samedi à 19 heures (le spectacle dure 1h25) Tarifs de 21 à 49 euros.

L'affiche du spectacle de Caroline Vigneaux "In Vigneaux Veritas" au Théâtre Edouard VII (2024). (ONE WOMAN PROD)

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