Stéphane Guillon revient en faux gentil méchamment vanneur dans son nouveau spectacle
Après un lavage de cerveau chez sa psy, l'humoriste Stéphane Guillon serait devenu gentil. N'en croyez rien. C'est pour mieux nous croquer, les enfants. Son nouveau spectacle est à voir jusqu'au 9 avril à Paris avant une tournée en régions.
"Vingt-cinq ans à balancer des conneries sur tout le monde du matin au soir, et tout à coup, terminé". Privé de public et de vannes caustiques durant 18 mois en raison de la pandémie de Covid, Stéphane Guillon, l'ancien chroniqueur qui flingua avec brio et à la sulfateuse les hommes et femmes politiques sur France Inter jusqu'en 2010, serait devenu gentil. C'est en tout cas ce que promet le show. Bien entendu, il n'en est rien. "Vous imaginez Edwy Plenel se mettre à dire du bien du gouvernement ? Sa femme appellerait les secours !"
Comme son nouveau spectacle le prouve, l'humoriste n'a rien perdu de sa verve et de sa liberté de ton. Au Théâtre Tristan Bernard (Paris), où il est longuement applaudi à chaque représentation depuis le 13 janvier, l'élégant barbu revient dans ce nouveau seul en scène sur les deux ans de crise sanitaire, épinglant la folie du monde et de ses contemporains et dézinguant à tout va cette époque qui le navre.
"Les gens sont devenus cinglés. Même Luchini s'y est mis"
Qu'avez-vous fait pendant le confinement ? Quand d'autres stockaient hystériquement des rouleaux de papier hygiénique, ou que certains redécouvraient le plaisir "de faire l'amour à leur femme… et à elle seule", lui, le célibataire deux fois divorcé, s'est "fait chier". Diablement. Alors il a observé et pris des notes. Lalanne et Bigard ont été les premiers à soutenir les antivax ? Cela l'a aussitôt poussé à se faire vacciner, raille-t-il. Ces stars qui brandissaient des pancartes "Restez chez vous !", il les brocarde aussi allègrement.
"Les gens sont devenus cinglés. Même Fabrice Luchini s'y est mis avec ses fables de La Fontaine" récitées chaque jour "pour les confinés chics réfugiés à l'ïle de Ré", se moque-t-il. Cette impeccable imitation du comédien est un des moments les plus savoureux et hilarants du show, avec celle de Guy Bedos, revenu d'entre les morts pour lui demander de "cogner plus fort".
D'impossibles exercices de gentillesse répétés à voix haute
Sa psy, elle, s'est mise en tête de soigner l'amuseur de sa méchanceté : elle lui a demandé de répéter chaque jour à voix haute des exercices de gentillesse. "Cyril Hanouna me rend intelligent." "Bruno Le Maire a du charisme." "Dupont-Aignan est un humaniste." Difficile cependant pour lui de rester de marbre face à Pascal Praud, l'animateur sur CNews de "L'Heure des pros", que Guillon dénonce comme le "premier talk-show d'extrême droite français". Ou de ne pas être consterné face à la star de la téléréalité Maeva Ghennam ("Les Marseillais") qui déclarait s'être fait faire un lifting vaginal – "se faire rétrécir la chatte à défaut de se faire élargir le cerveau", commente-t-il, pince-sans-rire.
Entre deux sketches où sa gestuelle fait merveille, Stéphane Guillon se retranche régulièrement vers un guéridon sur la droite de la scène, pour y consulter ses grandes feuilles de notes et se désaltérer. De là, il nous regarde par en dessous, l'œil rieur et le sourire en coin, comme s'il sondait la salle pour décider lequel de ses textes serait maintenant le plus approprié. Ces respirations feront dire à certains qu'elles cassent la dynamique, donnent un côté décousu au spectacle. On leur rétorquera qu'elles offrent à ses textes soigneusement écrits l'éclat de la spontanéité, d'autant que le show est régulièrement actualisé, l'auteur y faisant allusion à des événements médiatiques tout récents.
Moins féroce vis-à-vis des politiques
Selon Stéphane Guillon, certaines personnalités s'inquiètent d'ailleurs de ne pas être mentionnées dans son spectacle. De fait, on en soupçonne bon nombre de tout faire pour y figurer. Au premier rang desquelles le Premier ministre Jean Castex, qui déclarait le 20 janvier : "Le variant Omicron est certes beaucoup plus dangereux, mais clairement moins sévère"…
On peut cependant être tenté de donner raison au slogan du show, au moins sur un point. S'il est loin d'être devenu gentil et consensuel, la férocité de l'humoriste semble s'être émoussée à l'endroit des politiques. En dépit de quelques saillies bien senties – "Macron, j'arrive pas à lui en vouloir. Un type qui était fait pour être mannequin cabine..." –, il tape sur eux moins souvent et moins fort. A Nicolas Hulot, pour lequel il avait un boulevard et dont la seule évocation du nom fait pouffer la salle par anticipation, il n'accorde qu'une bonne petite vanne. Avec Marine, il est à la peine : "Je sais pas vous mais moi j'ai fini par m'y attacher". En fait, "cette campagne présidentielle, on s'en fout, non ?" justifie-t-il. "Le casting est pitoyable. Si c'était une série, elle serait déjà arrêtée depuis longtemps."
"Stéphane Guillon sur scène", de et avec Stéphane Guillon (mise en scène Anouche Setbon). A voir jusqu'au 9 avril au Théâtre Tristan Bernard (Paris 8e) puis en tournée.
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