Vidéo “On ne peut plus rire de rien ?” Pour la philosophe Olivia Gazalé, la réponse n’est pas si simple

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Sur les réseaux sociaux, ces dernières années, “On ne peut plus rire de rien !” est une rengaine qui revient fréquemment. Pour Brut, la philosophe Olivia Gazalé explique en quoi ce n’est pas totalement vrai ou faux.
VIDEO. “On ne peut plus rire de rien ?” Pour la philosophe Olivia Gazalé, la réponse n’est pas si simple Sur les réseaux sociaux, ces dernières années, “On ne peut plus rire de rien !” est une rengaine qui revient fréquemment. Pour Brut, la philosophe Olivia Gazalé explique en quoi ce n’est pas totalement vrai ou faux. (Brut.)
Article rédigé par Brut.
France Télévisions
Sur les réseaux sociaux, ces dernières années, “on ne peut plus rire de rien !” est une rengaine qui revient fréquemment. Pour Brut, la philosophe Olivia Gazalé explique en quoi ce n’est pas totalement vrai.

““On ne peut plus rire de rien !”, ce discours, on l'entend régulièrement, il revient à chaque époque de l'histoire. Je prends par exemple le 19e siècle. On est exactement dans la même situation qu’aujourd’hui c'est-à-dire que le rire a tout colonisé, il y en a partout, c'est l'âge d'or des spectacles de rue, des pétomanes, des chansonniers, du théâtre de boulevard, bref... Et on entend ce refrain : on ne peut plus rire comme autrefois” déclare la philosophe Olivia Gazalé, autrice du livre Le Paradoxe du rire. A l’époque Balzac et Zola notamment parlent d’une nostalgie d’une “vieille gaieté française disparue”. Pour l’autrice, ce discours n’est pas nouveau. Aujourd’hui, “on est exactement dans la même configuration qu'au 19e siècle. C'est-à-dire que le rire est partout, c'est un continent économique absolument gigantesque, jamais, je crois, qu'on n'a échangé autant de blagues sur autant de supports, grâce aux réseaux sociaux, et pourtant, on entend cette petite musique qui revient sans arrêt : on ne peut plus rire de rien…” 

“La liberté d'expression, finalement, on ne sait plus très bien qui la manœuvre et au bénéfice de qui elle est revendiquée”

Elle ajoute que dans deux domaines, “on peut beaucoup plus rire qu’autrefois” : la satire politique et la sexualité, notamment la sexualité féminine. “Il y a plus d'humoristes femmes et elles s'emparent de sujets beaucoup plus intimes. Je pense à Blanche Gardin, Marina Rollman qui parle de masturbation, Florence Foresti, qui dans son spectacle Boys, Boys Boys, a dix minutes sur la vulve. Donc c'est faux de dire que c'est plus censuré, si on parle de censure juridique” précise Olivia Gazalé. En revanche, elle explique que “l'intolérance sociale”, qui consiste à faire connaître et “exprimer sa désapprobation d’une manière extrêmement bruyante, parfois violente”, “peut donner lieu à des sortes de lynchages numériques”. 

Elle développe : “Le concept même de liberté d'expression, telle qu'elle a été élaborée comme concept politique depuis le 17e siècle, a évolué dans l'espace public. Au départ, la liberté d’expression était pensée comme une arme des dominés pour contester la puissance des dominants. Aujourd'hui, c'est tout à fait différent. Vous avez toujours cet aspect-là mais vous avez aussi une autre petite musique qui, au contraire, consiste à dire : laissez-nous continuer à dire ce qu'on pense sur les catégories discriminées. Par exemple, je vais être un peu schématique, mais : oh, bah écoutez, nous, si on a envie de continuer à tenir des propos sexistes, homophobes, racistes, islamophobes, antisémites, on a le droit au nom de notre liberté d'expression. Donc, vous voyez, la liberté d'expression, finalement, on ne sait plus très bien qui la manœuvre et au bénéfice de qui elle est revendiquée, en fait”. Ces blagues sont “problématiques” car “elles ont tendance à perpétuer des stéréotypes dégradants et des stigmates” conclut Olivia Gazalé. 

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