"Voter pour moi ? Surtout pas" : l’humoriste Pierre-Emmanuel Barré publie "En Route !", son projet pour sauver la France
"Pour diriger notre pays, il faut (...) un individu déterminé, compétent, scrupuleux, exemplaire et honnête. Je ne serai donc jamais candidat à l'élection présidentielle", écrit Pierre-Emmanuel Barré. Ce qui ne l'empêche pas de publier un programme politique détaillé. Il a accepté de répondre à Franceinfo Culture, le plus sérieusement du monde...
Durant le confinement, ses vidéos filmées chez lui dans les Cévennes ont été une barre de rire salutaire pour secouer la morosité ambiante. Avec son personnage de "sale con", il y tenait la chronique au lance-flammes des incohérences gouvernementales face à la crise sanitaire. Du pur génie qui nous vengeait de l’absurdie ambiante. Ancien chroniqueur sur France Inter, Pierre-Emmanuel Barré est un humoriste au regard acéré, en colère contre la terre entière, et même pas toujours d’accord avec lui-même. Le Breton âgé de 38 ans au débit de mitraillette manie avec gourmandise un humour noir, vachard et provocateur qui, tout en flirtant avec les limites, en dit souvent beaucoup sous une lourdeur de surface.
Abstentionniste revendiqué, tendance anarchiste de gauche, l'empêcheur de tourner en rond nous régale depuis janvier avec un journal de campagne bi-hebdomadaire en vidéo sur la course à l'Elysée, où son style incisif fait à nouveau merveille, à coups de punchlines caustiques, telles : "Quand t'as un bilan comme Macron, c'est pas à une élection qu'il faut participer, c'est à Faites entrer l'accusé".
Le trublion hyperactif publie en parallèle une parodie de livre de candidat politique, En route ! (Marabout), son "projet pour sauver la France", dont la couverture le montre marchant sur un chemin de campagne au côté de son chien Miskine. Contre toute attente, son vraix-faux programme tient plutôt bien la route. Entre deux accès de cynisme olympique et quelques vannes grossières, il pointe à sa façon bien à lui les hypocrisies de la société et les dysfonctionnements de la République. Au hasard, au chapitre "Pour une France plus sûre" : "Chaque citoyen doit pouvoir se déplacer dans les rues de notre pays sans risquer de se faire insulter ou agresser sans raison. Il serait donc judicieux de supprimer la police."
Pierre-Emmanuel Barré a accepté de répondre à nos questions comme on se jette dans un combat de boxe, n’hésitant pas à nous renvoyer dans les cordes.
Pourquoi sortir un livre parodique de candidat politique ?
Ce n’est absolument pas parodique, c’est un projet politique avec des idées très sérieuses et des blagues. Comme le programme de Valérie Pécresse avec les idées sérieuses en plus.
Ciblez-vous prioritairement les indécis avec cet ouvrage ?
Non, je ratisse très large, je cible tous les gens qui ont 14€90 à dépenser dans un bouquin. Je ne peux pas me permettre de sélectionner mon public, j’ai besoin d’argent. Si le lecteur est d’extrême droite, je dis que ça parle du grand remplacement, si il est de gauche, je lui dis que ça parle d’écologie, et si il est macroniste, je lui dis que ça parle de rien.
Donnez-nous au moins deux bonnes raisons d’acheter votre livre "En Route !"
J’ai un enfant à nourrir, ça devrait suffire comme raison, bordel ! Vous allez quand même pas laisser un adorable petit chérubin dépérir ? Sauvez un enfant, achetez un livre.
Dans votre livre, les choses les plus outrées et provocatrices passent plus difficilement qu’à l’oral. L’avez-vous ressenti, vous êtes-vous bridé par rapport à ça ?
Ben allez-y, dites que c’est de la merde tant que vous y êtes. C’est une interview ou un réquisitoire ? Vous voulez qu’on parle du rôle des journalistes dans la popularité d’Eric Zemmour ? Vous savez ce que vous êtes ? Des nazis. D’ailleurs, à partir de maintenant, tous les gens qui n’aiment pas mon livre sont des nazis.
Quel est le rôle de votre binôme Arsen ? Pourquoi ne le voit-on jamais ?
C’est mon coauteur, c’est marqué sur le livre, alors peut-être que dans mon bouquin, les choses les plus outrées et provocatrices passent plus difficilement qu’à l’oral, mais moi, au moins, je l’ai lu, et j’ai travaillé mon sujet. Paf. Plus sérieusement, on ne le voit jamais parce qu’il est super moche. Il a eu un terrible accident à bord de son avion de chasse pendant la bataille de Marignan, il a fait un looping au-dessus d’une base viet kong, et son café brûlant s’est renversé sur son nez.
Qu’avez-vous appris d’essentiel en écrivant ce livre parfois bien argumenté qui respire autant l’humour que le sérieux ?
“Parfois” bien argumenté ? Mais c’est incroyable cette façon nonchalante de renier le génie ! C’est un chef d'œuvre, vous êtes sûre que vous ne vous êtes pas trompée et que vous avez lu un Guillaume Musso à la place ? Montrez-moi la couverture ? Ah ben non, c’est bien le mien. Sale nazie.
Selon vous, les Français sont mal aimés et c’est normal. Car écrivez-vous, "Nous sommes désagréables, sales, misogynes, chauvins, grossiers, prétentieux, et surtout lucides." Maintenez-vous ces propos ?
Non, je me suis trompé. Les 30% d'intentions de vote que recueille Emmanuel Macron prouvent que les Français sont désagréables, sales, misogynes, chauvins, grossiers, prétentieux, par contre ils ne sont pas du tout lucides.
Dans le livre on sent que certains thèmes semblent vous tenir vraiment à cœur… comme l’écologie, la lutte contre les discriminations, le bien-être animal, la laïcité ou la dépénalisation des drogues. Est-ce le cas ?
Non, en réalité, je m’en contrefous, je roule en 4x4 diesel en écrasant des chiens arabes chrétiens défoncés à la MD. Mais il fallait bien quelques chapitres pour séduire la clientèle gauchiste woke qui emmène ses chiards en triporteur à la biocoop pour leur acheter du quinoa dégueulasse. C’est un marché assez large qui possède un important budget loisir, on ne peut pas passer à côté.
En tant qu’humoriste, cette campagne vous fait-elle plutôt rire ou pleurer ? Et en tant que citoyen ?
Pour être tout à fait honnête, je ne m’intéresse pas du tout à la politique. Je fais un journal de campagne sur internet, mais je me contente de reprendre mes chroniques de France Inter sur les candidats aux élections de 2017 et je remplace juste les noms des anciens sociopathes par les noms des nouveaux sociopathes. Toute façon, c’est la même merde tous les cinq ans.
Savez-vous pour qui vous allez voter au premier tour de la présidentielle ?
Non, je ne sais pas encore si je vais aller voter, ni pour qui. Mais non seulement ce n'est pas intéressant de savoir pour qui je vote, mais surtout, c’est pas important. Statistiquement y a plus de chance que je meure au guidon de mon vélo en avalant une coccinelle sur la route du bureau de vote que mon bulletin ne change quelque chose au résultat final de l’élection. Et je ne fais jamais de vélo, c’est vous dire.
Quel(le) serait votre chef(fe) de l’Etat idéal(e) ?
Un mélange entre Charles de Gaulle, Jacques Chirac et François Mitterrand, parce qu'ils sont tous morts.
Voteriez-vous pour un type aussi barré que vous ? Qui a pour prénom Pierre-Emmanuel de surcroît ?
Voter pour moi ? Surtout pas, et je dis pourquoi dans mon livre : pour devenir président il faut réunir 500 signatures d’élus puis se mettre à genoux et ouvrir grand la bouche face aux lobbies de l’énergie, de l’agroalimentaire, de la chasse, des banques, des laboratoires pharmaceutiques, des religions, se faire tatouer "I love Medef" sur la fesse gauche, " CAC 40 forever " sur la fesse droite et utiliser la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour essuyer l’espace entre les deux. Et j’aurais jamais les 500 signatures.
"En Route! Mon projet pour sauver la France" de Pierre-Emmanuel Barré (Marabout éditions)
L'humoriste est en tournée avec son spectacle "Pfff... Une conférence de Pierre Emmanuel Barré" avec un Zénith de Paris prévu le 21 Janvier 2023
Son journal de campagne durant toute la campagne présidentielle est à voir ici
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