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Il y a 30 ans le chorégraphe Philippe Decouflé sublimait la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville

C'était précisément il y a trente ans. Sous la houlette d'un groupe d'artistes et scénographes, menée par le sémillant chorégraphe - encore inconnu - Philippe Decouflé, la cérémonie des JO d'hiver d'Albertville de 1992 se transformait en une fête poétique, haute en couleurs. Souvenirs.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un des tableaux fous du show réalisé par Philippe Decouflé pour la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville le 8 février 1992. (BOB MARTIN / GETTY IMAGES EUROPE)

Il y a eu un "avant" et un "après" Albertville : en faisant surgir l'art dans le monde du sport, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de 1992 a révolutionné le "making of" des cérémonies des J.O. Poétique et haute en couleurs, cette cérémonie somptueuse avait été conçue par le chorégraphe Philippe Decouflé et ses collaborateurs, de parfaits inconnus à l'époque. Decouflé ne le resta pas longtemps : avec deux milliards de spectateurs, le succès fut planétaire.

Des performers lors de la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville conçue par le chorégraphe Philippe Decouflé, le 8 février 1992. (DAVID AKE / AFP)

La jeune "dream team" vit un rêve éveillé

Trente ans plus tard, le décorateur et scénographe Jean Rabasse se souvient des préparatifs du show. Lorsque Michel Barnier, alors président du conseil général de Savoie, et Jean-Claude Killy, triple champion olympique 1968 de ski alpin, décident de remplacer le cinéaste Jean-Jacques Annaud, dont le projet est jugé trop coûteux, par la "Dream Team" de Decouflé, celle-ci vit un "rêve absolu".

L'équipe réunie autour du chorégraphe Philippe Decouflé est constituée du plasticien et costumier Philippe Guillotel, du réalisateur Marc Caro et du décorateur et scénographe Jean Rabasse, avec quelques autres. "Barnier et Killy ont eu une audace incroyable en demandant à cette bande de zozos de s'occuper de quelque chose de tellement officiel."

On était une bande de trentenaires, d'univers très différents - le clip, la danse, la pub - qui se télescopaient et on avait l'impression d'être des sales mômes qui allaient mettre le bazar partout

Le scénographe et décorateur Jean Rabasse

à l'AFP

Des performers tournent autour d'un manège volant, durant la cérémonie d'ouverture des JO d'hiver d'Albertville, le 8 février 1992. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Une cérémonie transformée en "grosse fête"

La bande, qui avait "10 000 idées à la minute et des trucs impossibles à faire", va surtout secouer le côté "pompeux" pour transformer la cérémonie "en une grosse fête". Avant 1992, les cérémonies d'ouverture des JO étaient surtout l'occasion de grands-messes, avec des tableaux assez martiaux.

"On a été les premiers à dire qu'il fallait mettre en avant la beauté des athlètes et du geste sportif", se souvient Jean Rabasse. "Le but était de s'amuser sérieusement", dit-il. "Un sens de la fête initié par Jean-Paul Goude lors du bicentenaire de la Révolution française en 1989, auquel Decouflé avait d'ailleurs participé."

Résultat : un spectacle de rêve et d'imagination débridée, convoquant le monde de la danse, du cirque et même des arts forains, avec 3 000 artistes professionnels et amateurs. A commencer par le ballet aérien des "oiseaux danseurs" : 40 acrobates suspendus à un mât par des élastiques et se livrant à des envolées aériennes. Le public pousse des cris d'émerveillement, les commentateurs de télévision ne tarissent pas d'éloges sur la "magie" du tableau.

Des performers tournoyant autour d'un mât, suspendus par des élastiques, le 8 février 1992, lors de la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville conçue par le chorégraphe Philippe Decouflé. (DAVID AKE / AFP)

L'imagination et l'audace au pouvoir

Percussionnistes attachés à une grue au-dessus des spectateurs, athlètes swinguant au rythme des accordéonistes traversant leur tribune, costumes délirants de Philippe Guillotel, comme ces femmes habillées en "boules de neige". Autre moment fort, des danseuses sur des tournettes imitant les pirouettes du patinage artistique, avec en-dessous, un praxinoscope montrant des images de saut à ski.

Des femmes vêtues en "boules de neige", des costumes imaginés par Philippe Guillotel, lors de la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville en février 1992. (ERIC FEFERBERG / AFP)

"On voulait dire : Regardez, le geste sportif a un sens et c'est très proche de la danse", explique Jean Rabasse. Lorsque l'idée a été évoquée, "on nous regardait comme si on était complètement tarés". "On ne savait jamais si ça allait marcher, on faisait des prototypes", raconte le scénographe.

D'autres "ballets" suivront : des centaines de skieurs décomposant le geste de ski pour en faire une chorégraphie, des hockeyeurs-échassiers avec des boules d'hélium en guise de chapeau ou encore des "hommes oiseaux" suspendus à des poulies survolant les spectateurs.

Des figures de patineurs en or, lors de la cérémonie d'ouverture des J.O. d'Albertville le 8 février 1992. (WALLY MCNAMEE / CORBIS HISTORICAL)

Des gestes poétiques réalisés avec des bouts de ficelle

Aux JO d'été de Los Angeles en 1984, la cérémonie d'ouverture avait été marquée par le "Rocketman" Bill Suitor survolant avec son réacteur dorsal pendant quelques secondes le stade olympique. "C'était vraiment le summum de la technologie à l'époque", rappelle-t-il.

Nous nous sommes dit: On va faire de la très haute technologie mais avec des bouts de ficelle et des poulies. Faisons confiance au théâtre et n'essayons pas de concurrencer les Américains

le scénographe et décorateur Jean Rabasse

"On a travaillé avec des machinistes de théâtre et on relisait le manuel du métier de Sabbattini (17e siècle), ça participait au charme du spectacle. Et d'une performance très technique, on a fait des gestes poétiques", ajoute-t-il. Idem pour la cérémonie de clôture, très ancrée dans la tradition et la culture savoyarde. 

Des figures du show conçu par Philippe Decouflé pour la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville, le 8 février 1992. (DAVID AKE / AFP)
L'équipe ne s'attendait nullement au succès du spectacle, acclamé dans le monde entier. "On a fait de l'ouverture des JO un lieu culturel", analyse-t-il. Par la suite, les cérémonies se sont illustrées pour mettre en valeur l'art, avec la danse toujours présente (le chorégraphe Dimitris Papaioannou pour Athènes, Akram Khan pour Londres et le Lac des Cygnes pour Sotchi). Des artistes qui ont travaillé à d'autres cérémonies "nous disent : Vous avez vraiment changé notre univers", affirme Jean Rabasse. Le défi ? Que chaque cérémonie trouve une identité propre et une âme. "C'est le plus dur."

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