"Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des plantes de Paris : dans la peau d'un paléontologue à la découverte de la biodiversité

Pour la sixième édition de son parcours "En voie d’illumination", le Muséum national d’histoire naturelle propose un voyage à la découverte de la période jurassique. Une époustouflante féerie lumineuse au milieu d'animaux, parfois spectaculaires, et de plantes étranges.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 10min
Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris (MELODY POIRIER)

Après avoir mis à l’honneur les espèces en voie d’extinction (2018), les océans (2019), l’évolution de la vie (2021), la faune minuscule (2022) et la jungle (2023), pour la sixième édition de son festival En voie d’illumination, le Muséum national d’histoire naturelle invite à se mettre dans la peau de paléontologues à la découverte de la biodiversité du Jurassique lors d'un parcours féerique au milieu de lanternes lumineuses.

Un voyage dans le temps de 200 millions d’années des grandes profondeurs de l’océan aux milieux marécageux, en passant par des vallées verdoyantes au cœur de l’âge des dinosaures. Durant le Jurassique (de -201 à -145 millions d'années), les continents poursuivent leur séparation et leur éloignement. Alors que la plupart des organismes marins profitent de l’ouverture des voies maritimes pour se disperser sur la planète, les ptérosaures commencent à dominer les airs. Les premiers oiseaux apparaissent, les mammifères et les plantes connaissent une forte diversification.

Ce parcours immersif en cinq tableaux met en scène des espèces caractéristiques, spectaculaires ou étranges dont certaines peu connues : reptiles marins, dinosaures terrestres et volants à taille réelle et premiers mammifères dont on retrouve des spécimens fossilisés à la Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du Jardin des plantes. C'est une discipline pour laquelle le Muséum est une référence internationale, tant pour la richesse de ses collections que pour les équipes de son laboratoire de recherche dont Sylvain Charbonnier fait partie.

Professeur de Paléontologie et ancien président de la Société géologique de France, directeur adjoint du Centre de recherche en paléontologie - Paris, responsable scientifique des collections d’invertébrés fossiles du Muséum, ce spécialiste des crustacés nous guide au milieu des 850 structures lumineuses et décrypte parmi les 150 espèces représentées, cinq d'entre elles - une pour chacun des environnements présentés. Un guide intarissable et passionnant. 

Dans le Grand Bleu : l'ichtyosaure

Au Jurassique inférieur (- 201 à -175 millions d'années), l’exploration commence en pleine mer, à 200 mètres de profondeur. À cette époque, on y croise d’impressionnants reptiles marins : les plésiosaures au long cou gracieux et les ichtyosaures nagent aux côtés de lointains cousins des crocodiles. Ce monde est aussi celui des ammonites et bélemnites ainsi que de nombreuses espèces de poissons et crustacés. Des micro-organismes aux formes étonnantes comme les radiolaires évoluent au gré des courants.

Nous sommes en Europe, c'est un paysage d'archipel avec une mer relativement profonde très riche en reptiles marins. On va s'intéresser à un organisme emblématique, l'ichtyosaure. C'est un reptile marin qui a un profil de dauphin mais qui n'est pas un mammifère. Cet animal dont la taille est à peu près d'1,5 mètres - les plus gros individus ont pu atteindre 4 mètres de long - a un profil très fuselé et a de grands yeux. Nageur rapide, ce prédateur chasse et se nourrit notamment de poissons et de céphalopodes qui ressemblent à nos calamars actuels et qu'on appelle des bélemnites. On a trouvé énormément de squelettes fossilisés notamment dans le gisement paléontologique d'Holzmaden en Allemagne. À la Galerie de paléontologie toute proche, plusieurs spécimens fossiles sont présentés, dont une femelle qui a encore son petit dans le ventre !

Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris : l'ichtyosaure (MELODY POIRIER)

Vingt mille lieues sous les mers : le thylacocéphale 

Le périple continue au Jurassique moyen (-175 à -161 millions d'années) dans les profondeurs abyssales de l’océan, où la pression, le froid et les ténèbres sont omniprésents. On y trouve des animaux adaptés aux conditions extrêmes : certains, tels que des pieuvres ou des méduses, produisent leur propre lumière par bioluminescence, d’autres se rassemblent autour de cheminées hydrothermales d’où s’échappe un fluide pouvant atteindre 400°C.

Ces fonds sont caractérisés par des sources sous-marines d'eau chaude ou froide - avec des fluides comme le méthane. Autour, toute une vie se met en place et forme des sortes d'oasis sous-marines avec énormément d'organismes très diversifiés et notamment les fameux thylacocéphales. Ce sont des arthropodes, des sortes de crustacés un peu particuliers, avec des pattes articulées - des appendices raptoriaux très puissants - et une paire d'yeux énormes. Ces organismes sont des prédateurs visuels car la surface de leurs yeux était couverte chacune de 18 000 facettes - dans la nature actuelle, ils sont dépassés uniquement par les libellules. Ils font 30 cm pour les plus gros. C'est un groupe éteint depuis la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années. Le gisement de référence est celui de La Voulte-sur-Rhône, au sud de Valence.

Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris : le thylacocéphale (MELODY POIRIER)

L’Île mystérieuse : le ptérosaure

À la surface, dans un lagon du Jurassique supérieur, il y a 150 millions d'années, un archipel s’étendait à l’emplacement de notre Europe actuelle. Dans l’eau peu profonde, un monde foisonnant évolue : coraux, rudistes, poulpes, oursins, crustacés, poissons... Sur la terre ferme, on rencontre des dinosaures. En levant les yeux, on aperçoit les ptérosaures qui dominent alors le ciel mais sont concurrencés par les dinosaures à plumes volants, comme l'archéoptéryx – dont les lointains cousins sont toujours présents parmi nous : les oiseaux !

À cette époque on peut dire que l'Europe ressemble aux Bahamas avec des lagons, des plages de sable blanc, des petits archipels - il n'y a pas de cocotiers mais d'autres types de plantes - et dans ce milieu très riche en organismes, à la fois dans l'eau et sur les atolls, on a, par exemple, des ptérosaures qui se déplacent dans les airs. Ici on peut voir une scène un peu particulière : un Dakosaurus maximus - littéralement le plus grand lézard mordeur et lointain cousin des crocodiles marins - qui essaye d'attraper un ptérosaure survolant la surface de l'eau. Ce reptile volant fait 1,4 mètre d’envergure le plus souvent et sa mandibule en forme de bec coudé suggère qu'il mangeait des coquillages.

Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris : le ptérosaure (MELODY POIRIER)

La Vallée des merveilles : les plantes bennettitales 

Au Jurassique supérieur, à l’intérieur des terres, dans une vallée boisée que traverse une rivière, on croise des dinosaures impressionnants. Ici pas de fleurs, ni d'herbe mais la diversité de la flore est remarquable : on y trouve de nombreuses fougères, cycas et prêles, tandis que les ginkgos et conifères forment la canopée.

On est toujours à environ 150 millions d'années, on a quitté la côte et on s'avance dans une vallée avec une végétation luxuriante très différente d'aujourd'hui où l'on découvre ces bennettitales. C'étaient des végétaux de taille moyenne ayant le port d'un arbuste ou d'un palmier. C'est le genre Williamsonia qui est représenté avec des feuilles qui ressemblent aux cycas et cycadales actuels mais contrairement à ces dernières leur appareil reproducteur était différent : ici des feuilles fertiles mâles entourent une structure centrale contenant des ovules (la partie femelle), de quoi rappeler la fleur des Angiospermes ! Cette structure est d’ailleurs qualifiée de pseudo-fleur. Très courantes au Jurassique supérieur, les bennettitales sont aujourd'hui éteintes. 

Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris : les plantes Bennettitales (MELODY POIRIER)

Les habitants du marais : l'ornithomimosaure

Le voyage prend fin vers -140 millions d'années : le Jurassique cède sa place au Crétacé. La fragmentation des continents entraîne l’apparition de l’Atlantique sud, qui commence à séparer l’Amérique du Sud de l’Afrique. Nous voici au cœur d’un marécage de la future France où s’épanouit une biodiversité qui semble plutôt exotique. Dans des forêts denses et humides, on y croise des crocodiles, tortues, poissons et amphibiens variés ainsi que des mammifères. De grands troupeaux d'ornithomimosaures, surnommés dinosaures autruches, slaloment entre les thuriasaures, des dinosaures géants.

On s'inspire d'un lieu marécageux et du gisement d'Angeac-Charente en France réputé pour les dinosaures qu'il a livrés, notamment le grand thuriasaure, qui est devant l'entrée de la galerie de paléontologie (structure lumineuse à l'échelle 1, une réalisation unique en France). Ici on peut découvrir un troupeau d'ornithomimosaures, des petits dinosaures couverts de plumes dont les restes ont été trouvés en abondance dans ce fameux gisement. La plume, ce n'est pas que pour voler. Leurs plumes n'ont d'ailleurs pas tout à fait la même morphologie que celles des oiseaux car elles servaient à réguler la température. Leur taille est de 2 mètres au garrot maximum. Ils sont ici représentés à l'échelle. Il y en a de toutes les tailles : jeunes, adultes, femelles et mâles.

Exposition "Jurassique en voie d’illumination" au Jardin des Plantes à Paris : l'ornithomimosaure (MELODY POIRIER)

"Jurassique en voie d'illumination" au Jardin des Plantes de Paris du 20 novembre au 19 janvier 2025. Place Valhubert. 2 rue Buffon. 75005 Paris. Ouvert tous les soirs de 18h à 22h (y compris le 25 décembre, le 31 décembre et le 1er janvier). Fermeture le 24 décembre. 

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