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"Habiller l'Opéra" : l'Opéra de Paris modernise son répertoire en puisant dans le vestiaire contemporain

L’Opéra de Paris fête son 350e anniversaire. À cette occasion et jusqu'au 3 novembre, le Centre national du costume de scène de Moulins présente l'exposition "Habiller l'Opéra" consacrée à l’histoire du costume dans ce théâtre. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 3 min
Costumes de Gareth Pugh pour une production de Francesco Cavalli's opera "Eliogabalo", dans le cadre de l'exposition "Habiller l'opéra" au Centre National du Costume de Scène) de Moulins, le 23 mai 2019 (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

Fini les personnages "cousus d'or", avec velours, damas et budgets faramineux : à l'Opéra de Paris on s'habille sur scène presque comme dans la rue, mixant fripes et pièces couture. Aujourd'hui, "c'est la mode du vous et moi", déclare à l'AFP Martine Kahane, historienne de l'art et l'une des commissaires de l'exposition "Habiller l'Opéra" organisée au Centre national du costume de scène à Moulins.

Avant de puiser dans le vêtement du quotidien, le costume de scène a traversé de multiples courants esthétiques depuis l'inauguration du Palais Garnier en 1875, qu'il ait été dessiné par des grands peintres pour un seul spectacle ou pensé pour être utilisé sur scène pendant un demi-siècle.

Puiser dans le vestiaire contemporain, c'est "moderniser" des oeuvres du 18e 

Les raisons de ce revirement esthétique sont financières - les productions se sont multipliées après l'ouverture du "populaire" opéra Bastille en 1989 et les budgets ont réduit - mais surtout artistiques: alors que les mises en scènes et les décors se sont modernisés, le costume participe d'autant plus à la dramaturgie qu'il est issu du vestiaire de tout un chacun.

"Regardez le métro c'est extrêmement théâtral : les sweats, les baskets, la casquette... c'est dessiné, ce n'est pas n'importe quoi. Nos T-shirs et nos rayures débarquent sur scène !", souligne Mme Kahane. Un militaire représenté sur scène, "avant c'était des épaulettes, des galons dorés. Qu'est-ce que vous faites pour les jeunes générations ? Une tenue de para", poursuit-elle.

Costumes d'Elisabeth Neumuller pour une production de Leos Janacek's opera "The Cunning Little Vixen", dans le cadre de l'exposition "Habiller l'opéra" au CNCS à Moulins, le 23 mai 2019 (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

Le fait de puiser dans le vestiaire contemporain présente aussi l'avantage de "créer un univers" spécifique pour le spectacle voire de "moderniser" des oeuvres du 18e siècle, explique à l'AFP Christine Neumeister, directrice des costumes de l'Opéra de Paris.

"On achète au kilo"

Ainsi aperçoit-on dans l'exposition des uniformes de policiers antiémeutes pour les "Indes galantes", opéra-ballet de Rameau composé en 1735, à l'affiche en septembre. A côté, un stock de T-shirts blancs avec des étiquettes "comme à la colonie de vacances" avec les noms des artistes et leurs personnages. Depuis "qu'il y a du contemporain, on chine dans les friperies, on achète parfois au kilo", raconte Mme Neumeister.

Du sur-mesure, les ateliers en font toujours. Certains costumes en feutre pour l'opéra "Les Puritains", présenté à la rentrée, sont décorés de bandes coupées au laser et tressées mais ouverts sous le bras pour que le chanteur n'ait pas trop chaud sur scène.

"Dans les années 80, quand j'ai commencé ma carrière il y avait beaucoup plus d'argent, on pouvait passer plus de temps, coudre à la main", se souvient Mme Neumeister. Aujourd'hui "on aurait du mal" à imaginer les somptueuses productions de cette époque. Mais "les contraintes stimulent souvent la créativité" et les petites mains des ateliers sont polyvalentes.

Costumes d'Andrea Schmidt-Futterer pour une production de Pascal Dusapin's opera "Perela, man of smoke", dans le cadre de l'exposition "Habiller l'opéra" au CNCS à Moulins, le 23 mai 2019. (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

Il ne reste que deux plumassiers en France contre 400 il y a un siècle

Et il arrive encore que les créateurs de mode soient invités pour certaines productions, apportant à l'opéra de nouveaux codes et techniques contemporaines. C'est ainsi que le Britannique Gareth Pugh a rajeuni en 2016 "Eliogabalo", opéra du 17e siècle avec des tenues architecturales et androgynes. Pour "Trompe-la-Mort", le Belge Tim Van Steenbergen s'est inspiré des gravures du 19e siècle de Gustave Doré pour les retravailler de façon numérique, puis les imprimer sur les costumes.

Aujourd'hui, les tissus sont souvent techniques, les bijoux en plastique et les paillettes ne sont plus cousues une par une mais collées. Et certains savoir-faire se perdent : il ne reste que deux plumassiers en France contre 400 il y a un siècle.

Costumes de Graciela Galan pour une production Luigi Cherubini's opera "Medea", dans le cadre de l'exposition "Habiller l'Opéra", au CNCS à Moulins, 23 mai 2019.  (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

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