"Broadway en chanté" ou l'histoire de la comédie musicale made in USA
Pourtant, on ignore parfois que ces chansons sont nées dans une comédie musicale. Puis reprises par une foule d’artistes ou utilisées en bande son pour des publicités.
Des histoires que la comédienne et sa joyeuse troupe nous rappellent avec humour et sensibilité. En parodiant un spot tv pour Carte Noire, Isabelle Georges et Frederik Steenberg nous donnent des frissons en reprenant « Try to remember », tiré de la comédie musicale The Fantastiks.
Quelques minutes plus tard, la salle rit volontiers devant leur interprétation burlesque du célèbre tube de Hair « Let the Sunshine ». Puis reprend à tue tête « Do Ré Mi », composé par Oscar Hammerstein II en 1965 pour le spectacle The Sound of Music.
Des anecdotes, racontées par la voix limpide d’Isabelle, ponctuent le show. On apprend comment est née la première comédie musicale, on imagine les coulisses du tournage du 1er film parlant et on découvre pourquoi le sublime « Over the Rainbow » a failli ne jamais voir le jour.
Vocal ou instrumental, le talent de cette bande de copains (Isabelle Georges au chant, Frederik Steenbrink au piano, Jérôme Sarfati à la contrebasse, Edouard Pennes à la guitare et David Grébil à la batterie) fait de ce spectacle un voyage réussi à travers un siècle de comédie musicale à Broadway.
"Singin'in the Rain" par Gene Kelly (1952)
Ce spectacle s’est monté très vite, comment s’est passée la préparation ?
Un des programmateurs de France Musique, Bruno Berenguer, m’a contacté pour participer au week-end « Les Mélodies du Bonheur » sur France Musique. Le 9 juin, dans un spectacle de 50 min, on a raconté l’histoire de la comédie musicale pour les enfants.
Cela faisait longtemps que je voulais faire un spectacle sur ce genre particulier, j’avais commencé à travailler, à faire des arrangements, à écrire un texte. Après cette émission, je me suis dit : « On ne peut pas en rester là, j’ai envie d’en faire un spectacle ! »
Alors on a fait appel à Jean-Luc Tardieu pour qu’il vienne faire la mise en scène et apporter du rythme au show. On a répété avec lui pendant huit jours et un mois plus tard, on était sur la scène du Théâtre La Bruyère. C’est totalement délirant mais on aime bien les challenges. Je vous avoue que lors de la Première, on était tétanisés, mais maintenant c’est extra.
Chaque soir la salle est comble. Le public, enthousiaste, participe volontiers au spectacle et chantonne avec vous.
Oui, et c’est quelque chose qu’on voulait faire depuis longtemps. Ce répertoire se prête merveilleusement à la participation du public, entre les hymnes Chantons sous la pluie (Singin’in the Rain) ou Supercalifragilisticexpialidocious (Mary Poppins), il y a de la matière pour que ce soit communicatif !
Le thème des Etats-Unis est récurrent dans vos spectacles. Qu’est-ce qui vous attire et vous inspire tant dans ce pays ?
Dans mon enfance, j’ai rencontré musicalement Judy Garland, Fred Astaire, Franck Sinatra, Harry Belafonte et tous les interprètes du songbook [répertoire] américain avant de connaître les artistes français. Mon père avait vécu aux Etats-Unis et à la maison on écoutait ça en boucle !
Avec une maman chanteuse d’opéra, une grand-mère compositrice de musique de films et de théâtre et un père qui affectionnait le jazz, ma voie s’est trouvée naturellement. La comédie musicale est le mélange parfait de toutes ces influences : on parle, quand les mots ne suffisent plus on chante, et quand cela suffit plus du tout, on danse.
De plus, j’ai été assez malade petite, et ce qui me donnait la pêche et l’impression que tout était possible, c’est cette musique là. Alors à l’hôpital Necker, ils en ont écouté en boucle ! Aujourd’hui encore, quand je ne vais pas bien je regarde une comédie musicale, c’est un rituel qui m’accompagne depuis un moment.
Vous vous êtes déjà produit à Broadway ?
Oui ! J’ai réalisé un de mes rêves !
A la fin des années 1990, je suis allée à Broadway voir le spectacle « Titanic The Musical », j’étais très impressionnée et je rêvais de chanter les morceaux de ce compositeur là.
En 2000, un Belge qui s’occupe de monter des comédies musicales pour l’Opéra Royal de Wallonie (Liège) m’a proposé le rôle principal de la version belge de « Titanic The Musical ». J’ai accepté, et j’ai rencontré ce fameux compositeur, Maury Yeston.
Il m’a alors fait un cadeau extraordinaire avec le spectacle « December Songs », que j’ai interprété en France. Après m’avoir vu jouer sur scène, il m’a proposé de m’emmener aux Etats-Unis pour enregistrer le disque, dans le studio où Barbara Streisand a commencé, et me produire là-bas. J’en avais rêvé, et lorsque je l’ai fait, j’ai du me pincer pour réaliser que c’était vrai !
Et que pensez-vous des comédies musicales françaises ?
Il y a d’abord un problème d’appellation. En France, une « comédie musicale » est souvent plutôt un opéra rock ou opéra folk. Alors que c’est vraiment un genre particulier avec une histoire et ce principe d’enchaîner paroles, chant et danse. Les interprètes en France ne font souvent pas les trois, on est donc plus près du concert ou de l’opéra, que de la comédie musicale. Et même s’il y a des histoires en fond, tout le jeu d’acteur est totalement éludé.
Pour moi, on n’a pas encore la culture de la comédie musicale alors qu’elle a aussi des racines en France. « Les Misérables » sont nés ici, et il a fallu que deux Français s’expatrient pour que ça devienne un carton mondial. Ce n’est pas que les gens n’aiment pas ce genre, mais ils ne le connaissent pas. Leur connaissance est comme restée figer dans les années 1940 avec les emblématiques Fred (Astaire) et Ginger (Rogers), ou un peu plus tard avec Hair (1967).
Isabelle Georges chante "Over the Rainbow" en 2009 :
Pourtant la comédie musicale vient d’Europe et de tous ces immigrants qui se sont inspirés de leurs origines : l’opérette française, les opéras bouffa italiens, la musique yiddish,…
En France, il y a toute une génération qui ne connait que « Les Dix Commandements » ou « Notre Dame de Paris », alors que pour moi, ce ne sont pas tout à fait des comédies musicales. Ainsi la version londonienne de « Notre Dame de Paris » n’a pas du tout marché car pour les Américains ou les Anglais, ce n’est pas une comédie musicale.
Au chant, à la danse et au théâtre, vous ajoutez des claquettes. Adolescente, vous avez d’ailleurs été championne d’Europe de claquettes dans les années 1990. D’où vient cette passion ?
Après une mauvaise expérience en danse classique, j’ai cherché ce qui pouvait me correspondre le mieux. Tout ce que je voulais, c’était bouger ! Et pour allier danse et jazz, les claquettes se sont imposées à moi. Ma mère et ma sœur se sont inscrites avec moi, mais je suis la seule à avoir continué !
Et pour la suite ?
On joue ce spectacle au Théâtre de la Bruyère jusqu’au 9 août. Mais il est déjà question de reprise, pour octobre ou novembre de cette année. En parallèle, on continue de tourner dans des lieux magnifiques avec « Padam Padam » et « Du Shtetl à New-York ».
Ensuite, au mois de janvier, je me produirai avec une nouvelle création, « Yiddish Festival ». Et avec Frederik [Steenbrink], on a aussi le projet d’adapter en comédie musicale « 24 heures de la vie d’une femme », de Stefan Zweig.
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