1968, 2003, 2014 : les années noires du festival d'Avignon à la Nef des Images
Quelques semaines après la levée des barricades, le festival de l'été 68 ne pouvait pas être paisible. Mais personne n'imaginait alors que Jean Vilar en personne puisse prendre de tels coups, lui qui incarnait l'ambition d'une véritable culture populaire, présent dans tous les débats de l'époque, la guerre d'Algérie notamment. Le festival de 68 va pourtant se retourner contre son créateur.
Cette année-là, ce ne sont pas les intermittents qui font du grabuge mais "les enragés de l'Odéon" et les ultra-radicaux du Living Theater de Julian Beck. Face à eux, Vilar est présenté comme le tenant du conformisme, l'incarnation du pouvoir, un comble.
Et voilà que l'on scande "Vilar, Béjart, Salazar" dans les rues d'Avignon. Le nom du metteur en scène associé à celui du dictateur portugais… Cahotique, le festival aura finalement lieu, mais Jean Vilar en gardera une blessure à jamais.
En 2003, c'est tout autre chose. Avec déjà la question des intermittents, explosive. Le gouvernement veut réformer leur statut. Avignon s'enflamme. Personne n'est d'accord. Il faut jouer ! Non, surtout pas ! Si, mais gratuitement ! La Cité des Papes se noye dans les palabres, Bartabas, qui doit ouvrir le festival, montre les dents : "20 ans de travail pour être là, nous devons respecter la confiance du public", pas question pour lui de renoncer.
Mais les négociations tournent en rond. 11 jours et 11 nuits et aucun accord en vue. Bernard Faivre d'Arcier est contraint de l'annoncer, au bord des larmes : "Le festival 2003 n'aura pas lieu". C'est la première fois.
Les comédiens du Prince de Hombourg sont dans la cour d'honneur, ce soir de l'été 2014, en pleine répétition sous la direction de Giorgio Barberio Corsetti . Soudain, ils s'interrompent. Des intermittents ont surgi autour de la scène et s'agitent bruyamment pour les rallier à leur cause. Débutent quelques minutes d'échanges surréalistes entre les comédiens, habillés en officiers allemands, et ce public bouillant. "Qu'est-ce que vous venez foutre ici, tempête un des comédiens du "Prince". Vous êtes qui ? Des travailleurs? Et nous des branleurs ? Vous êtes des sacrés cons, oui ! Vous me cassez les couilles !"
Les intermittents ne sont pas d'accord sur la stratégie, et le festival aura finalement lieu. Mais dans la plupart des représentations du "In", on interpellera le spectateur, réclamant sa solidarité. Souvent avec malice et talent, comme dans "Henry VI" où la récitante signe un monologue drôlement efficace sur ces "fainéants" d'intermittents.
La Nef des Images : plongée dans la mémoire du festival
Compilation de reportages, d'archives et de séquences inédites et spectaculaires, le documentaire "Le mouvement social au festival d'Avignon" figurait dans la programmation de la Nef des Images, installée dans un lieu exceptionnel, l'Eglise des Célestins.En collaboration avec Culturebox, France Télévisions et l'INA, la Compagnie des Indes propose un choix de 77 films, exceptionnelle plongée dans la mémoire du plus grand festival de théâtre du monde. Confortablement installé sur un transat, protégé de la chaleur par la pierre épaisse des Célestins, on peut encore découvrir des pépites jusqu'au 25 juillet. La programmation est ici.
Nef des Images - Eglise des Célestins
Place des Corps-Saints à Avignon
Entrée libre
Vous pouvez revoir certains de ces grands moments dans "Les mémoires du Festival" sur Culturebox
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