400e anniversaire de Molière : Tartuffe, Harpagon ou encore Argan, des personnages qui nous ressemblent
Des siècles sont passés depuis que Molière a donné vie aux immortels Tartuffe, Harpagon ou encore Argan. Des archétypes qui n'ont cessé de pointer du doigt les défauts de notre société.
Le génie de Molière est d'avoir créé des archétypes qui nous renvoient encore aujourd'hui à nos propres travers, atemporels et universels. Trois de ses personnages ont particulièrement pétri la culture française.
Le Tartuffe, moquerie des catholiques jansénistes
Tartuffe est un escroc déguisé en directeur de conscience qui ensorcelle Orgon, un riche bourgeois pieux et naïf, prêt à lui léguer tous ses biens et même à lui céder sa fille, au moment même où Tartuffe courtise sa femme. Les enfants vont s'escrimer à ouvrir les yeux de leur père sur le réel visage de l'imposteur.
La version actuelle diffère de celle écrite en 1664 : le but de Molière est alors de se moquer de la dévotion prônée par les catholiques jansénistes. Tartuffe ou l'hypocrite est l'histoire de deux dévots : Orgon, ridicule par son aveuglement et Tartuffe, un vrai dévot tiraillé par ses tentations. Les Jansénistes sont furieux : pour eux, c'est l'Eglise toute entière qui est attaquée. Ils obtiennent du roi la censure pendant cinq ans.
Une pièce réécrite pour éviter la censure
Le dramaturge - qui n'est pas un auteur anti-religieux - réécrit plusieurs fois la pièce et transforme Tartuffe en escroc : il ne fait plus la satire de la dévotion mais montre l'arnaque d'un faux dévot. Sa pièce est enfin autorisée. Le 5 février 1669, il fait salle comble au Théâtre du Palais-Royal.
Molière explique alors dans la préface de son nouveau Tartuffe que la vocation du théâtre est de "corriger les hommes en les divertissant", autrement dit d'"attaquer par des peintures ridicules les vices de son siècle". Il vient d'inaugurer le rire moralisateur. A partir du XVIIIe siècle et en particulier sous la IIIe République, Tartuffe devient une pièce politique qui sert l'anticléricalisme très présent alors dans la vie politique française.
A partir du 15 janvier, dans le cadre de la saison anniversaire des 400 ans de la naissance du dramaturge, la Comédie-Française va jouer pour la première fois de son histoire la version originale, Le Tartuffe ou l'Hypocrite, sous la direction du metteur en scène belge Ivo van Hove.
L'Avare, comédie tragique
Harpagon est l'une des créatures les plus pittoresques de Molière, passée sans une ride à la postérité sous les traits de Michel Aumont, Louis de Funès ou encore Denis Podalydès. Si la pièce, créée en 1668, obtient alors un succès relatif, elle est aujourd'hui l'oeuvre de Molière la plus jouée à la Comédie-Française, derrière Tartuffe.
Le dramaturge s'est largement inspiré de La Marmite, écrite par Plaute au 2e siècle avant JC. Le nom d'Harpagon est déjà une insulte en lui-même puisqu'il signifie en grec "rapace" ou "pillard". A la fois pingre et usurier, Harpagon est rongé par l'avarice. Il réduit maladivement toutes les dépenses et demande même à sa domestique de ne "point frotter les meubles trop fort de peur de les user".
Malhonnête, il emprunte pour prêter de l'argent à des taux prohibitifs. Ironie du sort, c'est son propre fils qu'il volera. Harpagon vit en solitaire, avec pour seul ami, sa cassette emplie d'or qui symbolise son âme et son vice. Comédie ou tragédie? En forçant le trait, Molière rend Harpagon ridicule : il devient comique tant la terreur qu'il inspire est grotesque.
Le Malade Imaginaire, caricature du corps médical
Après les faux dévots, Molière s'attaque aux médecins, autre figure d'autorité. Il poursuit sa dénonciation de l'imposture, du dogmatisme mais aussi de la crédulité des hommes. Ce cycle de comédies sur ce thème démarre avec Le Médecin volant (1659), L'Amour médecin (1665), Le Médecin malgré lui (1666) et se conclue par Le Malade imaginaire (1673).
Molière y caricature certains imposteurs du corps médical prêts à instrumentaliser la terreur existentielle de la mort. L'Argan d'hier, obsédé par son corps soigné et qui croit en une médecine capable de le délivrer de la mort, est un personnage atemporel.
Le comédien Michel Bouquet a joué deux fois Argan, qu'il décrit comme "un riche homme d'affaires qui a oublié qu'il était mortel". "Il est comme un enfant avec des imbécilités bizarres qui le rendent comique et tragique. Il y a une espèce de pantalonnade qui cache de la métaphysique pure, de l'amertume, toutes sortes de choses que l'on sent quand on est âgé".
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