"7 minutes" : un thriller social émouvant et percutant au Théâtre du Vieux-Colombier
Au Théâtre du Vieux-Colombier, Maëlle Poésy met en scène une plongée édifiante dans le monde du travail.
Accepter de réduire sa pause pour préserver son emploi ? Au Théâtre du Vieux-Colombier, onze ouvrières doivent faire face à un choix cornélien. Maëlle Poésy s’empare brillamment de la pièce de l’Italien Stefano Massini, avec une troupe de la Comédie-Française au taquet.
Dans la salle du théâtre du Vieux Colombier le public s’installe des deux côtés de la scène transformée en lieu de stockage éclairé au néon. On perçoit des machines à coudre en activité dans un des ateliers de cette usine textile, un bruit qui progressivement devient assourdissant.
"Les cravates"
C’est là que dix ouvrières patientent, anxieuses. Depuis plus de trois heures, leur porte-parole est enfermée avec les "cravates", entendez les patrons qui ont racheté leur entreprise. Elles craignent pour leur emploi. Soudain Blanche surgit, mine défaite (Véronique Vella remarquable), les emplois sont préservés à une condition : réduire de sept minutes leur pause quotidienne (qui est de quinze minutes). Elles vont devoir voter au nom des 200 autres employées.
Dans la petite assemblée c’est le soulagement, voire l’euphorie, sept petites minutes : une bagatelle si cela permet de conserver son emploi ! Seule Blanche s’y oppose, cette concession lui semble suspecte : sept minutes, ce sont chaque mois 600 heures de travail non payées. Au nom de quoi ?
Stefano Massini qui s’est fait connaître avec Chapitres de la chute. Saga des Lehman Brothers sur les dérives du capitalisme, s’inspire ici encore d’histoires bien réelles (les ouvrières de Lejaby ou les "Samsonites") mais à la résonnance universelle. Pendant une heure et demie les points de vue se confrontent dans ce que Maëlle Poésy a voulu construire comme un "long plan séquence", presque chorégraphique (avec sept comédiennes du Français et quatre actrices extérieures, toutes excellentes), dans un huis clos tendu à l’extrême.
Qu’est-on prêt à accepter pour garder son travail ?
Chaque personnage est incarné, avec son vécu, ses difficultés, ses peurs. Il y a les doyennes proche de la retraite (Claude Mathieu d’une belle justesse), les dernières embauchées, les travailleuses immigrées précarisées, les employées de bureau (Françoise Gillard d’une violence folle). On est, par la disposition des lieux, au milieu de ces femmes, assistant à leur confrontation, entrant dans leurs pensées, sensibles à tous leurs arguments même quand ils s’opposent, aboutissant à des revirements constants qui font le suspense de la pièce.
Qu’est-on prêt à accepter pour garder son travail, quelles sont les conséquences du renoncement aux acquis sociaux, quelle est la place du collectif face aux nécessités personnelles, et les dangers de la division… Toutes ces questions qui pourraient être rébarbatives deviennent, par la qualité du texte et par l’intelligence du jeu des actrices et de la mise en scène, des parcours humains qui nous interpellent et nous touchent au cœur.
"7 minutes" de Stefano Massini
Mise en scène de Maëlle Poésy
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, Paris 6e
Du 15 septembre au 17 octobre 2021
01 44 58 15 15
Avec la troupe de la Comédie-Française : Claude Mathieu, Véronique Vella, Françoise Gillard, Anna Cervinka, Elise Lhomeau, Elissa Alloula, Séphora Pondi et Camille Constantin, Maïka Louakairim, Mathilde-Edith Mennetrier, Lisa Toromanian
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