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A Avignon, Nicolas Truong met en scène "L'interview"

L'interview est l'un des motifs clés du journaliste. De Foucault à Duras, de Pasolini à Deleuze, de Bernard Pivot à Thierry Ardisson, Nicolas Truong décortique l'exercice dans une pièce jouée à Avignon à la Chartreuse à Villeneuve lez Avignon.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Nicolas Bouchaud et Judith Henry dans "Interview", Avignon 2016
 (Mathide Priolet)

"Etes-vous heureux?" La question ouvre la pièce savoureuse de Nicolas Truong, responsable des pages Idées-Débat au Monde, remarquablement interprétée par deux acteurs formidables, Nicolas Bouchaud et Judith Henry.

La question date de 1961: cette année là, le philosophe Edgar Morin et le cinéaste Jean Rouch se mettent en tête d'aller interviewer les Français pour le film "Chronique d'un été". Les réponses sont franches, naïves, les voix ont la fraîcheur de la radio et des films de l'après-guerre. "C'est une parole d'avant la médiatisation", explique Nicolas Truong.

Les "bons clients"

Aujourd'hui, les réponses sont beaucoup plus formatées. Les journalistes font le tri, rappelle la pièce, entre les "bons clients" et les autres. D'où une sur-représentation des mêmes classes sociales dans les médias. Pire, les journalistes ne cherchent-ils pas spontanément la réponse qu'ils ont déjà en tête?


L'enfant est l'intervieweur idéal, il attend vraiment une réponse à sa question, il ne pense pas déjà à la question suivante"

Nicolas Truong.
Pour étayer sa pièce, il est allé interroger les journalistes Florence Aubenas et Jean Hatzfeld, le philosophe Edgar Morin, Régis Debray... Le résultat est passionnant.

"L'enjeu, c'est qu'il se passe quelque chose que l'on avait pas prévu"

Jean Hatzfeld constate qu'après le génocide du Rwanda, les journalistes ont donné la parole aux gens déplacés, mais pas aux survivants, pour la bonne raison qu'ils ne parlaient pas. Il fallait du temps, beaucoup de temps pour que leur parole sorte : il lui a fallu renoncer au salaire du journaliste pour aller se poser 15 ans dans un village rwandais, interrogeant tueurs et victimes, et construire à partir de leurs témoignages des romans. "Il y a quelque chose de l'ordre de la fiction dans l'interview, l'enjeu c'est qu'il se passe quelque chose qu'on n'avait pas prévu", dit Nicolas Truong.

Dommage que la pièce, dans sa deuxième partie, laisse tomber son sujet pour se lancer dans une réflexion sur la bonne gouvernance et la tyrannie, sans grand rapport.

"Interview", jusqu'au 24 juillet à Avignon puis en tournée (Théâtre du  Rond-Point à Paris du 21 février au 12 mars).

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