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A Avignon "Le radeau de la méduse" selon Thomas Jolly: des enfants noyés dans le fanatisme

A Avignon, en plus de ses chroniques quotidiennes sur l'histoire du festival, tous les jours à midi dans le jardin Ceccano, Thomas Jolly présente "Le radeau de la méduse" de Georg Kaiser, inspiré d'un fait divers de 1940, avec des jeunes acteurs de l'Ecole supérieure d'art dramatique de Strasbourg.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Le radeau de la méduse", mise en scène de Thomas Jolly
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

En 1940, pour mettre des enfants à l'abri des bombardements, les Anglais organisent leur transport par bâteau vers les autres états du Commonwealth, le Canada et l'Australie. Un paquebot qui transportait mille enfants est torpillé par les allemands. Trois ans après les faits, Georg Kaiser exilé en Suisse, raconte les sept jours passés par un petit groupe de rescapés sur un canot de sauvetage.

13 enfants dérivent sur un canot 

Sur la scène un grand canot sur lequel dérive des enfants, secoués au gré du vent et des vagues (le bateau qui tourne sur lui-même donne l'impression qu'il tangue). Un beau décor de ciel et des éclairages superbes reproduisent les éclairs, le brouillard et les éclaircies. Dans ce groupe, il y a Ann et Allan, 12 ans chacun, qui refusent de céder au désespoir.
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
Solidaires, ces jeunes (chrétiens) organisent leur survie : rationnent les vivres, se répartissent les tâches. Avec la volonté de ne pas se faire de mal entre eux, au contraire des adultes "si impitoyables dans leur méchanceté". Le 2e jour, ils découvrent un très jeune garçon endormi sous une voile du bâteau. Un petit rouquin dont ils se moquent, puis qu'ils adoptent.

"Qui est le Judas?"

Mais lorsqu'ils découvrent qu'avec lui ils sont 13, ce chiffre maudit pour les chrétiens ( Jésus et les 12 apôtres) va faire basculer l'histoire. Qui est le Judas parmi eux ? Qui les empêchera d'être sauvés ? 

La jeune Ann se révèle trop ardente, aveuglée : "L'un d'entre nous ne doit plus manger pour expier" lance-t-elle. Un autre propose de tirer au sort celui qui doit se sacrifier. Sur le frêle esquif, seul Allan s'oppose à ce début d'endoctrinement, à cette lecture déviante des textes sacrés (tu ne tueras pas).
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
L'enfant roux (les chevelures rousses étaient maudites au Moyen Age), qui ne dit mot est une proie facile, un bouc émissaire : "il ne sait rien faire… il ne peut nous en vouloir", dit Ann.
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Les mécanismes d'embrigadement

Au-delà de la guerre de 1940, Kaiser tente de comprendre comment une religion mal assimilée, mal interprétée peut conduire à tous les fanatismes et même au crime, sans qu'il soit question de génération. Thomas Jolly décortique de manière implacable les mécanismes d'embrigadement, le pouvoir de conviction d'un seul sur tous les autres, en faisant de ce groupe de 13 personnes une entité unique, autant ballottée par les éléments extérieurs que par ses sentiments extrêmes (le désespoir et le fanatisme). 
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Une belle équipe

On ne dévoilera pas les rebondissements de cette histoire qui évidemment va trouver une fin tragique. Les jeunes acteurs forment une belle équipe dont se détachent en particulier Rémi Fortin (Allan) et Emma Liégeois (Ann). Deux superbes chants religieux qui ajoutent une touche de mysticisme à cette histoire lugubre et belle, prouvent aussi la qualité de l'enseignement pluridisciplinaire de ces jeunes élèves de l'école du Théâtre national de Strasbourg. 

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