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Aimé Césaire : une "Tragédie du Roi Christophe" monumentale au TNP

Troisième volet de la trilogie des œuvres d’Aimé Césaire créées au Théâtre national populaire de Villeurbanne (TNP), "La Tragédie du Roi Christophe" est l’objet d’une mise en scène monumentale avec une quarantaine d’artistes sur scène autour de la figure du chef de la première république noire, Haïti. Utile pour s’interroger sur le rôle d’un responsable politique en temps de démocratie.
Article rédigé par franceinfo - Christian Tortel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Marc Zinga est le roi Christophe
 (FranceÔ / culturebox)

Il y a quelque chose de vertigineux dans cette "Tragédie" au TNP, Théâtre national populaire de Villeurbanne. C’est une ivresse de théâtre où tant d’éléments se cristallisent qu’ils vous donnent le vertige. Au risque de s’y perdre.

La rupture d’une canalisation du chauffage dans le centre de Villeurbanne n’a pas trop d’effet en ce soir de janvier glacial ni dans la salle ni sur la scène. Dans la grande salle Roger-Planchon, on est vite transporté dans l’espace haïtien et le temps historique de la genèse de la première république noire.

Sur scène, une quarantaine d’artistes soit une vingtaine de comédiens (dont le beau collectif Béneeré du Burkina-Faso), 14 figurants, 4 musiciens, une chanteuse. Cette démesure était déjà présente il y a trois ans avec une autre pièce sur la décolonisation d’Aimé Césaire, "Une saison au Congo". Commencé par l’Afrique des indépendances et Lumumba, continué par la Martinique, pays natal de l’auteur (magistral Olivier Borle dans "Cahier d’un retour au pays natal"), la trilogie Césaire du TNP prend fin avec cette "Tragédie du roi Christophe", en Haïti.

  (Michel Cavalca)

La "Tragédie", écrite en 1963, raconte l’ascension et la déchéance de Christophe, d’abord président de la République puis après scission avec Pétion et scission du pays, Roi au Nord. A Cap-Haïtien, il bâtira une forteresse dont les ruines actuelles sont, elles aussi, comme la pièce du TNP, monumentales.
  (Michel Cavalca)

Christian Schiaretti a voulu monter cette "fable politique" parce qu’"elle regorge d’échos à notre présent". Pendant les trois heures de spectacle apparaitra magnifiquement la dimension humaine du héros (incarné par Marc Zinga). Ce que Césaire expliquait ainsi : "Tragédie, car il s’agit de la marche à la mort d’un homme ; marche à la mort à travers la solitude qui s’installe progressivement autour de lui ; et la distance qui peu à peu s’installe entre lui et son peuple". Un extrait du reportage tourné le soir de la première, présenté ici, en rend compte.

Reportage : Christian Tortel, Denis Rousseau-Kaplan, Raël Moine. Montage : Fred Martinvallet. Mixage : Matthieu Benayoun.


Christophe est seul aux côtés de son peuple "indolent". Figure du monarque qui a plus d’ambition que son peuple, la "Tragédie" inverse et interroge les valeurs qui ont permis aux anciens esclaves de se libérer. Comment après l’indépendance conquise faire de sa liberté un projet politique ? C’est la même question qui traverse Césaire lorsqu’il écrit la pièce en 1963 alors que les pays africains ne sont indépendants que depuis peu.

Cette focalisation des enjeux politiques est accrue en 2017 à la veille d’une élection présidentielle.
Elle est accrue aussi par les ambitions cumulées des protagonistes de cet événement théâtral. Christophe était ambitieux pour son peuple, dont il regrettait qu’il ne fût pas à la hauteur de sa liberté conquise.
  (Michel Cavalca)

Césaire était ambitieux pour les récentes nations africaines comme pour sa Martinique natale, dont il était député. Schiaretti est ambitieux pour le théâtre avec une trilogie césairienne qu’il fait exister superbement.

La Tragédie du roi Christophe, TNP Villeurbanne, 19 janvier au 12 février puis aux Gémeaux, à Sceaux, du 22 février au 12 mars 2017.

A noter, l’exceptionnel Dipenda, opéra afro-jazz sur les traces d’Aimé Césaire, avec Fabrice Devienne, le slameur Pitcho Womba Konga et douze musiciens, le 12 février à 20h30 au TNP.

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