"Alice Guy, Mademoiselle Cinéma", le théâtre réhabilite la première réalisatrice de l'histoire du cinéma
Oubliée jusque dans les années 1990, Alice Guy réalisa ses premiers films avant Méliès, dans les pas des frères Lumière dont la première représentation publique date de décembre 1895. On lui doit le premier baiser du cinéma et le premier gros plan. Ce n'est pas rien. Alice Guy, Mademoiselle Cinéma en raconte le parcours de Paris aux États-Unis, aller-retour, après un long oubli.
Signée Caroline Rainette, mise en scène et interprétée par Lennie Coindeaux et Caroline Rainette, adjoint de Jérémie Hamon, cette révélation d'un destin exceptionnel se joue au Funambule théâtre-Montmartre, à Paris, jusqu'au 10 décembre 2024.
Sans le savoir
Alors que les premiers films sont très majoritairement documentaires, Alice Guy s'empare de la caméra des frères Lumière pour se lancer dans des films de fiction. Partant à New York, puis Hollywood, elle y crée la première chaîne complète de la création cinématographique, de l'écriture à la distribution en salles, avec sa firme Solax. Pionnière, elle revient en France, ignorée par les hommes, qui se sont approprié la manne cinématographique.
Incroyable est le destin d'Alice Guy, à laquelle le cinéma doit tant, ignorée, sinon refoulée, dans un monde masculin, si peu enclin à se laisser concurrencer par une femme sur son propre terrain. Elle a pourtant inventé les prémices d'une grammaire cinématographique qui se cherchait alors sans le savoir. Sans tomber dans le cliché de l'intuition féminine, à la vision de ses films sauvés sur plus de 1 000 moutures de tous les genres, Alice Guy a innové, sinon inventé, une forme d'art qui, à l'origine, était seulement considérée comme une prouesse technique.
Histoire romanesque
Méliès transposa à l'écran les spectacles de fantasmagorie des XVIIIe et XIX siècles, mélange de théâtre et de projection de lanterne magique, évoquant des fantômes sur scène. Alice Guy, elle, filme en extérieur ou en studio des saynètes, puis des films ambitieux, tel La Naissance, la vie et la mort du Christ (1906) de 34 minutes, durée inusitée à l'époque. Classique dans l'art du biopic, cette Mademoiselle Cinéma, à la scène, repose sur un sujet original et nécessaire qui remet les pendules à l'heure d'une histoire oubliée du cinéma. Dans le rôle-titre, Caroline Rainette tient son sujet à cœur et le porte dans une reconstitution soignée, la vie d'Alice Guy étant par ailleurs en elle-même porteuse d'un fort potentiel dramatique.
Après son autobiographie La Fée-Cinéma, autobiographie d'une pionnière, un documentaire et une bande dessinée, Alice Guy est au théâtre. Et cela va bien au cinéma qui regorge d'histoires incroyables, dont celle de cette première cinéaste au monde n'est pas des moindres. Aventurière, indépendante, entrepreneuse, artiste, femme publique, on en sait moins sur sa vie privée, mais on imagine qu'elle devait trancher dans un monde d'hommes. Au tournant des XIXe et XXe siècles, on est encore loin de la garçonne des années 1920 qui émancipera la femme. Dramatique avant d'être didactique, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma, portée par la jeunesse de ses comédiens, coche toutes les cases d'un spectacle où s'allient les plaisirs du romanesque et de l'histoire, dans l'alcôve pourpre de la scène théâtrale.
"Alice Guy, Mademoiselle Cinéma"
De Caroline Rainette
Mise en scène : Lennie Coindeaux et Caroline Rainette
Avec : Caroline Rainette, Lennie Coindeaux et Jérémie Hamon
Jusqu'au 10 décembre 2024, les lundis et mardis à 19h ou 21h, en alternance une semaine sur deux
Le Funambule théâtre-Montmartre
53 rue des Saules, 75018 Paris
Tél : 01 42 23 88 83
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