"Antoine et Cléopâtre" : la joute verbale et corporelle de Tiago Rodrigues
Tiago Rodrigues est un passionné. Cela se sent quand il parle dans la cour du Cloître Saint-Louis de "Antoine et Cléopâtre",le spectacle qu'il vient présenter à Avignon cette année. "J'ai toujours été amoureux de ce texte", explique-t-il avec un large sourire, et dans un français parfait coloré par un léger accent portugais chantant. "Je crois que c'est ma pièce préférée de Shakespeare, justement parce qu'elle est tellement imparfaite " poursuit le dramaturge. "Avec cette liberté dans les échelles de temps, ces sauts entre Rome et Alexandrie".
"C'est une chose que je voulais monter depuis longtemps, mais alors chaque fois je me disais l'année prochaine on va le faire, et je procrastinais, je procrastinais (c'est comme ça qu'on dit en français?), et puis là il y a eu la possibilité de le faire avec Sofia Dias et Vitor Roriz, qui sont des amis et aussi un couple dans la vie (elle est même enceinte, c'est ce que l'on constatera sur scène le lendemain). "Ce sont des artistes dont j'aime beaucoup le travail avec le langage des corps, ce sont des danseurs", explique Tiago Rodrigues.
"J'essaie de réécrire Shakespeare avec toute mon irresponsabilité"
Sur scène ces deux là donc, habillés comme à la ville et dans un décor simple : une grande toile peinte tendue et posée sur le sol à la manière des toiles de fond d'un studio de photo. Un pendule façon Calder. Un banc sur lequel est posé une chaîne Hifi, platine et Vinyle. Et une chaise. Les deux danseurs arrivent. "Antonio" dit la femme en désignant l'homme. "Cléopatra", dit l'homme en désignant la femme.Puis commence cet étrange dialogue qui durera pendant 1h20. " Cleópatra inspire – António inspire – Cleópatra expire – António expire". Cléopâtre parle d'Antoine et Antoine parle de Cléopâtre. "Il y a quelque chose sur le genre, le sexe", explique Tiago Rodrigues, qui a laissé à Sofia Dias et Vitor Roriz une grande part de la création.
"C'est bien pour approcher Shakespeare. On n'a pas les outils pour traiter cette architecture monumentale et verbale qu'est Shakespeare. C'est trop grand. On ne peut plus imiter. Mais on peut proposer. C'est comme s'il était dans une bibliothèque, disponible. J'ai accès à un répertoire, je me sers dedans, je manipule. C'est une mémoire partagée, qu'on ne doit pas nourrir mais dont nous devons nous nourrir", insiste Tiago Rodrigues. "J'essaie de réécrire Shakespeare avec mon irresponsabilité, avec toute cette culture populaire autour des amours d'Antoine et Cléopâtre, de tout intégrer en restant libre", conclut le metteur en scène.
Résultat : un poème en neuf "chants". Sur scène, les corps des deux personnages composent un ballet tantôt tendu, tantôt relâché, larges mouvements déployés ou petits pas, les mots, en salves répétées, renvoyés de l'un vers l'autre, de l'un contre l'autre, dans un jeu de miroir et d'échos qui démultiplie les mouvements et les sons à l'infini. La langue portugaise, parfois douce, parfois rugueuse, se cogne, chante ou se love. C'est selon. Les mots et les corps constituent la matière organique d'un amour obsessionnel et répétitif. On étouffe. Puis Antoine et Cléopâtre se posent. Enfin on respire. C'est fini.
Antoine et Cléopâtre, avec les citations d''Antoine et Cléopâtre' de William Shakespeare.
Mise en scène de Tiago Rodrigues.
Interprétation : Sofia Diaz et Vitor Roriz
Theâtre Benoît XII à 18 heures, 12,13, 14, 15 et 17 et 18 juillet
Réservation : 04 90 14 14 14
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