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Arnaud Desplechin redonne force et noirceur au "Père" d'August Strindberg

C'est une première fort réussie. Le réalisateur Arnaud Desplechin (Trois souvenirs de ma jeunesse, Rois et Reine, Un conte de Noël…) fait ses premiers pas au théâtre en mettant en scène "Le Père" d'August Strindberg à la Comédie-Française, avec Michel Vuillermoz, le magnifique. Critique et interview d'Eric Ruf, l'administrateur de la Comédie-Française.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Michel Vuillermoz et Claire de La Rüe du Can
 (Vincent Pontet)

Quand Eric Ruf l'a approché, il a immédiatement songé à ce "Père", qui lui semblait si proche de l'univers de Bergman et ses névroses familiales. Bergman qui fait parti de son panthéon de cinéaste.

"Le Père", écrit en 1887 est l'histoire d'un couple qui s'oppose farouchement sur l'éducation de leur fille. Le capitaine (Michel Vuillermoz) souhaite qu'elle parte en ville pour devenir institutrice, Laura (Anne Kessler) veut la garder près d'elle et qu'elle devienne artiste. Une opposition qui va bien sur révéler des frustrations bien plus profondes.

La déliquescence d'un couple

Dans une grande bibliothèque austère laissant entrevoir par des portes coulissantes un univers plus féminin, qui peu à peu se rapproche, Desplechin orchestre la déliquescence d'un couple avec une sobriété, une intensité et une cruauté remarquable.
Michel Vuillermoz et Martine Chevallier dans "Père"
 (Vincent Pontet)

Vuillermoz-Kessler, formidable couple de théâtre

Il crée avec Vuillermoz et Kessler un formidable et terrible couple de théâtre. Lui, sans jamais forcer le trait, incarne un patriarche qui se sent exclu par les femmes de la maison, un homme dominateur, colérique mais aussi tendre et désespéré. Terriblement seul.

Dans ce monde protestant, claquemuré, Anne Kessler est une épouse à cran capable du pire. Menteuse, dominatrice et déboussolée elle est prête à tout pour s'émanciper, jusqu'à insinuer que le capitaine n'est peut être pas le père de l'enfant, pour le rendre fou… avec son consentement plus ou moins conscient. Car c'est une des réussites de ce spectacle de nous faire sentir, derrière cette mise à mort programmée, l'amour que ces deux êtres ont ressenti l'un pour l'autre autrefois.
Anne Kessler et Thierry Hancisse
 (Vincent Pontet)

Desplechin et son art du gros plan

Desplechin avec son art du mouvement et du gros plan fait jouer ces comédiens sans qu'ils ne forcent jamais la voix, comme s'ils étaient à l'écran, nous obligeant, mais ce n'est jamais difficile, à une attention encore plus soutenue pour saisir tous les sentiments qu'ils véhiculent.

Autour de Vuillermoz et Kessler, on citera Thierry Hancisse, émouvant et sincère dans le rôle du Pasteur et Martine Chevallier, dans celui de la nourrice, personnage qui s'inspire directement de celle de Bergman dans "Cris et chuchotements". 

JN.Mirande, A.Natalizi, T.Rousseau, S.Barie

Le féminisme naissant

Des mots comme des couteaux, une guerre des sexes qui donne le vertige jusqu'au dénouement : le capitaine, alias Vuillermoz, entravé par une camisole redevient un enfant bercé par sa nourrice. Une lutte à mort qui signe le féminisme naissant. "Peut être y a-t-il eu en moi une obscure aspiration à t'éliminer comme on élimine un obstacle", souffle Laura à son époux vaincu.

Desplechin redoutait un peu ce passage du cinéma au théâtre. En plaçant Strindberg en ancêtre de Bergman, le cinéaste a parfaitement réussi son baptême du feu théâtral.


L'interview d'Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française : l'ouverture de la Comedie-Française à de nouveaux metteurs en scène, le spectacle sur Bob Dylan ("Comme une pierre qui..."joué en ce moment au Studio Théâtre de la Comédie-Francaise par les plus jeunes comédiens de la troupe, les reprises avec de nouvelles distributions...

"Père" d'August Strindberg à la Comédie-Française
Jusqu'au 4 janvier 2016, 1H50
1 Place Colette, 75001 Paris
Réservation : 01 44 58 15 15




 


 

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