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Au Festival d’Avignon Olivier Py décline "Hamlet" en un feuilleton réjouissant : comment le théâtre sauve le monde

C’est Olivier Py qui propose cette année le feuilleton théâtral quotidien du Festival d’Avignon : une variation autour d’"Hamlet", sa pièce fétiche, de son auteur de prédilection, Shakespeare. 

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Hamlet à l'impératif  (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Dans l’inspirant jardin Ceccano, en plein cœur d’Avignon et de son festival, les spectateurs arrivent bien avant les douze coups de midi pour être sûrs d’être bien placés à ce rendez-vous gratuit, le feuilleton, très apprécié des festivaliers. Certains le suivent depuis le premier jour ce Hamlet inédit, savant, déjanté et réjouissant. Un Hamlet, qui pour Olivier Py, est le terreau de l’histoire de la pensée, de Marx à Freud, de Lacan à Derrida !

Hamlet à l'Impératif ! (SOPHIE JOUVE)

Un dialogue entre les personnages et les grands penseurs

Entre les extraits de la pièce qu’il a lui-même adaptée, Py fait dialoguer les personnages et les grands penseurs qui ont interrogé le héros. Et en profite pour poser cette question jamais vraiment résolue : à quoi sert le théâtre ?

Touffu, barbant ? Au contraire, brillant, drôle, instructif et d’une folle énergie. Hamlet est "une pièce labyrinthe qui s’attaque au questionnement éthique de chaque époque", s’enflamme l’auteur et metteur en scène. On assiste à du théâtre de tréteaux, fait avec trois fois rien mais plein d’inventivité, rassemblant acteurs professionnels, apprentis comédiens, amateurs et même un ancien détenu.
 

Hamlet à l'Impératif ! (SOPHIE JOUVE)

Ce jour-là, l’épisode est consacré aux acteurs et au théâtre car "Shakespeare veut que le théâtre puisse atteindre aux vérités essentielles". Il sera question de pouvoir légitime, de dictature, d’action politique. Le tout persillé de définitions du théâtre dont Py a le secret : "Il n’y a qu’une seule façon d’agir, c’est de jouer", "Entre l’être et le néant il y a l’action dépourvue de toutes illusions : le théâtre !", "Le théâtre est une machine à voir la mort sans en mourir".

Jankélévitch, "le philosophe du presque rien" sera convoqué : "Il faut accepter l’échec de l’absolu théâtral pour que le théâtre devienne un absolu, c’est en échouant qu’il réussit".

Hamlet (Moustafa Benaïbout) et Ophélie (Céline Chéenne qui incarne aussi Gertrude), la Reine, Gertrude et son nouveau mari Claudius, l'usurpateur (Damien Bigourdan), Horatio, l'ami d'Hamlet (Bertrand de Roffignac), le spectre du père d'Hamlet (Damien Bigourdan ou Bertrand de Roffignac)… la troupe galvanisée passe du texte à l’analyse avec fougue et drôleries, coutumière des spectacles de Py mais assez inattendue concernant Hamlet.

"C’est fabuleux, c’est un commentaire de textes théâtralisé, je n’imaginais pas que l’on pouvait faire ça", se réjouit Jean Delmont assis au deuxième rang. "J’ai suivi l’Odyssée de Homère au dernier festival, et ça été une expérience extraordinaire. Et là encore on comprend, jour après jour un peu mieux, cette pièce : les thèmes et les enjeux sont ceux d’aujourd’hui".

To be or not to be !

Py propose aussi une intégrale de 2h30 jouée à 18h par comédiens professionnels. Il y dévoile une traduction de 1603 de la plus célèbre réplique du théâtre mondial : "To be or not to be". Alors qu’Hamlet va déclamer son monologue, il est interrompu par la troupe affolée qui l’alerte d’une autre version, qui prend un tout autre sens : "To be or not to be, Ay, there’s the point" ("Etre ou ne pas être, oui, un point c’est tout" !).

Hamlet à l'Impératif ! (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Autre morceau de bravoure sur l'intrigante tirade, "le temps est détraqué", devenu dans la traduction célèbre de Yves Bonnefoy : "le temps est hors de ses gonds". Une réplique interprétée par certains comme la crainte des changements climatiques ; Derrida, qui prononce le mot de "déporté", y voit "les rails de l’histoire portant l’humanité hors d’elle-même".

Hamlet à l'Impératif (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Pour sa première visite au Festival, Emma, 20 ans, suit le feuilleton et a vu l’intégrale : "Je connaissais un peu Shakespeare mais pas Hamlet, c’est très intéressant. La pièce en intégral, c’est assez exigeant, c’est facile de décrocher un peu. Le feuilleton permet un éclairage. Il y a des passages communs, donc potentiellement on peut revoir des choses que l’on n’a pas comprises. Par épisode, c’est vraiment très facile et agréable à suivre. Tout ce qu’Olivier Py arrive à en tirer, c’est assez impressionnant !".

Pour nous spectateurs, il se passe aussi quelque chose d’assez remarquable : ce sentiment si réconfortant d’être pris par la main, que tout s’éclaire sous la grande aile du théâtre. Au point que si tout explosait, il y aurait toujours ce refuge, comme un cocon, pour espérer, réfléchir, agir ensemble.

"Hamlet à l'Impératif !" d'Olivier Py
Du 6 au 23 juillet à 12h
Durée 1h/1h15
Jardin Ceccano

Tout Hamlet en 2h30 : 8, 12, 16, 20, 23 juillet à 18h 
Avec Moustafa Banaïbout, Damien Bigourdan, Céline Chéenne, Bertrand de Roffignac, Julien Jolly



Festival d'Avignon

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