Avec la cérémonie théâtrale "Un sacre", Lorraine de Sagazan met en avant "le tabou de la mort"
L'impossibilité d’organiser le rituel funéraire des morts du covid a été vécue comme un traumatisme. Pour compenser ce manque et face au rapport à la mort de nos sociétés occidentales, la metteuse en scène Lorraine de Sagazan a créé le spectacle, "Un sacre".
Il y a un an, Lorraine de Sagazan abandonne le projet sur lequel elle travaillait pour aller à la rencontre de 365 anonymes, dans des théâtres sans spectacle ni public. Une façon de renouer le lien défait par la crise sanitaire. Dans des entretiens libres, menés avec l'écrivain Guillaume Poix qui fera l'essentiel du travail d'écriture, c'est de la mort que viennent parler les gens. Pas spécialement la mort des victimes du covid, non, la perte d'un proche, comme une cicatrice encore béante. "Ça a constitué un choc pour moi, dit la metteuse en scène Lorraine de Sagazan. J’ai voulu questionner le tabou de la mort dans la société contemporaine occidentale et l’absence de rituel." Il en résulte ce spectacle, Un sacre à voir au Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis jusqu’au 4 décembre puis en tournée.
Parmi toutes les personnes rencontrées, 9 d'entre elles font une demande spécifique: le comédien ou la comédienne qui portera leur récit sur scène devra accompagner leur mort, chaque histoire devient dès lors une cérémonie. "Cette cérémonie est pour eux et pour leurs morts qui n’ont cessé de nous accompagner, reprend Lorraine de Sagazan.
"Nous avons volontairement retiré le mot covid du spectacle, mais il y a le récit d’une femme qui n’a pas pu enterrer son père comme d’autres malheureusement."
Lorraine de Sagazanà franceinfo
Sur scène l'engagement des interprètes est total, débordant d'amour pour une grand-mère corse qui fut pleureuse dans son village ou de rancœur envers un père abusif. Avec son autel païen qui se remplit d'objets à forte valeur sentimentale, le théâtre devient lieu de réparation, Lorraine de Sagazan cite Michel Foucault et son concept d'hétérotopie. "Comment identifier un manque dans la société contemporaine et comment un espace, là en l’occurrence le théâtre, va devenir l’endroit où on prend le temps pour quelque chose qui manque autour de nous."
Une exploration théatrale
Les monologues sont liés entre eux par des mouvements collectifs que Sylvère Lamotte a chorégraphiés tel un rituel mortuaire, dans un décor de théâtre abandonné que la scénographe Anouk Maugein a conçu de telle sorte qu’il évolue tout au long de la pièce, révélant sous les planches et derrière le fond de scène une nature apaisante.
Six ans après la création de sa compagnie La brèche, Lorraine de Sagazan qui avait très intelligemment bousculé des classiques comme Démons et Une maison de poupée, poursuit son exploration théâtrale en prise directe avec l’époque. Ce n’est pas un hasard si elle est programmée par Julie Deliquet, nouvelle directrice du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, sous l’œil bienveillant d’Hortense Archambault qui a présenté l’auteur Guillaume Poix à la metteuse en scène de ce sacre qui a conquis le public.
Un sacre de Lorraine de Sagazan au Tgp de Saint-Denis
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