Avignon Off : "Elle(s)", spectacle belge et rock, cherche la femme
C'est l'histoire d'une petite fille et de sa mère. La petite fille se raconte des histoires pour boucher les trous creusés par une mère défaillante, qui porte sans pouvoir réagir toute la soumission de sa condition de femme. La petite fille se raconte des histoires pour reconstruire dans son imaginaire un monde plus supportable, à la manière d'Isis reconstituant le corps d'Osiris éparpillé.
Les armes de Don Juan
"On m'avait commandé un Molière. J'ai toujours été fascinée, à la fois attirée et dégoûtée par la figure de Don Juan. En relisant le Don Juan de Molière, j'ai constaté à quel point il y avait peu de place laissée à la parole des femmes" explique Sylvie Landuyt auteur du texte et metteur en scène de la pièce. D'où l'idée de la deuxième partie du dytique, "Elle(s)", que l'on peut voir à Avignon.Sur scène, la mère, "la petite fille", et un homme à la guitare. "C'est l'histoire d'une petite fille qui se cherche", explique Sylvie Landuyt. "Je me suis intéressée aux mots. Don Juan séduit les femmes avec des mots que personne le leur a jamais dits. Elles sont alors des proies faciles. Parce qu'on leur parle enfin".
La petite fille cohabite avec sa mère, qui ne lui transmet rien. "Ma mère s'appelait silence, ma grand-mère s'appelait silence", dit la petite fille sur scène. "La mère est incapable de lui transmettre quoi que ce soit, parce qu'elle subit le monde masculin" explique Sylvie Landuyt.
Les mots pour boucher les trous
La petite fille voudrait "des mots qui la dessine", Elle veut se libérer des mots qui existent, et qui la ligotent. Et en inventer d'autres. Elle questionne : "Qui peut me dire le masculin de nymphomane ?" Elle ne veut pas se laisser enfermer dans les stéréotypes. Elle invente des histoires pour boucher les trous."Elle comble la frustration avec les mots. C'est la culture qui nous aide à voir le monde autrement, à rester debout, ce qui nous éveille à nous-même" explique l'auteur. "Pour moi c'est ça le théâtre. Quelque chose qui vous rapproche un peu plus de ce que vous êtes. Il n'est pas question de changer le monde, mais de découvrir des choses sur soi", ajoute-t-elle.
Un duo d'actrices énergique
Jessica Fanhan incarne avec énergie la petite fille et toutes les femmes qu'elle s'invente : fatale, actrice de porno, cadre sup, tantôt hystérique, tantôt glamour, godiche ou séductrice. Sylvie Landuyt joue la mère. Déjantée, tragique. Elle chante son malheur, sa rage, au son de la guitare de Ruggero Catania.La musique joue un rôle à part entière dans le spectacle : à la fois liant, point de rupture, véhicule d'émotion. "Pour moi la musique, c'est essentiel. J'écoute de la musique tout le temps. J'ai conçu le spectacle comme ça et puis parfois les mots sont trop pauvres pour exprimer certaines émotions. La musique va les chercher là où les mots n'y arrivent pas". La mise en scène renvoie aussi des images vidéos, visage grimaçant de la mère projeté sur le fond de la scène.
Féminin mais pas féministe
Ludique et rock, le spectacle aborde avec force mais légèreté la condition de la femme aujourd'hui. "L'idée n'était pas de faire un spectacle féministe. Je ne voulais pas faire un spectacle contre les hommes. Mais faire en sorte qu'ils se sachent aimés et que le combat se fait avec eux. Je les aime et ils participent à cette histoire", conclut Sylvie Landuyt. Sur scène, le spectacle s'achève au son de sa guitare et de sa voix, tout en douceur et en puissance, que l'on entend pour la première fois.Sylvie Landuyt a reçu le Prix de la meilleure auteure aux prix de la critique (l'équivalent des Molières en Belgique) et Jessica Fanhan le prix du meilleur espoir féminin.
Elle(s)
Auteure et metteur en scène : Sylvie Landuyt
Avec Sylvie Landuyt, Jessica Fanhan et Ruggero Catania à la guitare
Au théâtre des Doms à 11H00 jusqu'au 26 juillet, relâche les 15 et 22 juillet.
Billetterie :33 (0)4 90 14 07 99
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