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Avignon Off : "Qui suis-je" met en perspective la féminité face au transgenre avec humour
On l’a dit et répété, le directeur du Festival d’Avignon Olivier Py a mis cette 72e édition sous le signe du genre. La dominante ne concerne pas que le In. Dans le Off, "Qui suis-je ?" de Jacky Katu tient une place à part, dans son approche humoristique du sujet, sans rester superficiel, avec Carolina et Sandra Ducas dans des rôles pris à bras le corps.
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Choisir son corps
Auteur dramaturge, metteur en scène et réalisateur de cinéma, Jacky Katu présente deux pièces dans le Off à Avignon, "L’Exception", hommage à Simone Veil, et "Qui suis-je ?", donné au Théâtre de la Carréterie. Dans cette dernière, Marie expose son "joyeux" calvaire pour devenir femme après être née Michel. Comme nombre de personnes transgenres, Michel estime être né dans le mauvais corps, ne se sentant pas homme. Confronté à un père voulant un fils viril et une mère qui ne l’a pas désiré, il va attendre sa maturité pour pratiquer une opération afin de vivre sa nature véritable.Plutôt qu’exposer le laborieux cheminement chronologique d’un parcours personnel, "Qui suis-je ?" choisit d’aligner une succession de tableaux dans la tradition du cabaret. Ainsi passe-t-on en revue les rencontres du travesti Michel (Carolina) avec des professeurs, des médecins, des avocats, des militants LGBT, des prisonniers qui vont lui exposer toutes les difficultés et prérogatives pouvant le mener sur la voie de sa transsexualité, jusqu’au passage à l’acte et ses conséquences immédiates.
Humour et respect
La singulière réussite de "Qui suis-je ?" repose sur l’écriture très documentée de Jacky Katou et l’interprétation irrésistible de Carolina, travestie, chanteuse, animatrice et comédienne, accompagnée de Sandra Duca qui lui donne la réplique dans toute une palette de rôles. L’auteur et metteur en scène, à l’origine chercheur en anthropologie au CNRS pendant 15 ans, a choisi son sujet après avoir rencontré Carolina à Avignon en 2017 et s’être souvenu de sa lecture de l’ouvrage d’Harold Garfinkel, "Le Cas d’Agnès", l’histoire d’un jeune homme ayant choisi de devenir femme à 19 ans.La truculence de Carolina et les étapes décrites dans le livre de Garfinkel donne le ton de la pièce qui passe du rire à l’émotion, avec une bande son parsemée de chansons. L’on passe de l’évocation bouleversante du sort terrible réservé aux homosexuels et personnes transgenres dans les camps de concentration et d’extermination nazis, à un cours hilarant sur le clitoris par une professeure BCBG (Sandra Duca) qui grimpe au rideau par cette seule évocation : effet garanti. C'est dire si la palette est large.
D’autres tableaux, comme la découverte de sa nouvelle nature par Marie ou sa première séance d’épilation sont irrésistibles. Une des originalités du texte est de traiter du transgénisme par le prisme de la féminité, de son ressenti chez l'homme, voire de sa fascination pour elle. On relèvera toutefois que c'est toujours le changement homme-femme qui est abordé et non l'inverse. Les auteurs feraient bien de se pencher sur le sujet. Traité avec humour et respectueux des personnes faisant le choix de changer de sexe, "Qui suis-je ?" dédramatise ce qui s'avère encore un tabou avec ludisme et acuité.
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