"Carmen" en version théâtrale : "Le défi était de ne rien changer à l’histoire mais de la commenter avec notre regard d’aujourd’hui"

Pourquoi les grandes héroïnes classiques meurent-elles à la fin des œuvres ? C'est la question que pose le metteur en scène suisse François Grémaud qui, après "Phèdre" et "Giselle", clôt une trilogie pleine d'humour sur ce thème avec "Carmen".
Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Rosemary Standley dans "Carmen" de François Grémaud sur la scène du théâtre des Abbesses, à Paris. (CAPTURE D'ECRAN)

Le 3 mars 1875 à l'Opéra-Comique à Paris, la première de Carmen est un échec. Son compositeur, Georges Bizet, meurt trois mois plus tard, avant que son œuvre ne devienne la pièce lyrique la plus jouée au monde. Ce qui a déplu à l'époque, c'est le caractère du personnage, une bohémienne libre, qui défie les hommes. Personne ne se soucie d'assister au meurtre d'une femme, dont le seul tort fut de choisir ses amants.

C'est ce décalage temporel qu'interroge François Grémaud, dans une pièce en forme de conférence musicale, jouée et chantée par Rosemary Standley, révélée à l'époque du groupe Moriarty.  "On s’est beaucoup posé la question de représenter justement ce féminicide sur scène, confie la chanteuse. Quel sens ça a aujourd’hui de représenter encore ce type de pièce ? Le défi c’était justement de ne rien changer à l’histoire, mais de la commenter avec notre regard d’aujourd’hui dans une lecture actuelle".

Sur un plateau nu, Rosemary Standley, incroyable d'aisance théâtrale et vocale, raconte la genèse de Carmen, passe du chant au récit, en appuyant à peine le trait. Le machisme effarant des personnages masculins est révélé, mieux vaut en rire. Ici, pas question de condamner une œuvre avec nos valeurs d'aujourd'hui, d'autant moins que Carmen garde un souffle musical inspirant.

"Une machine à tubes"

"C’est une machine à tubes, cet opéra, s’enthousiasme son interprète du moment. Il y a quand même une joie, une liberté, une vivacité, de la vie même sur les scènes qui sont très dramatiques. Finalement, c’est la joie de la musique qui l’emporte". Et la performance est remarquable. Rosemary Standley chante aussi les airs masculins, passe d'un registre à l'autre, entourée de musiciennes virtuoses au violon, la harpe, la flûte mais aussi le saxophone et l'accordéon, un subtil travail d'adaptation. 

"Je n’ai pas une voix de basse et puis, je n’ai pas non plus une voix de soprano aiguë, concède Rosemary Standley. Donc il a fallu descendre quelques tonalités. Il y a des tonalités qui ne vont pas à certains instruments donc ça a été une lutte finalement pour savoir qui avait raison à la fin", s’amuse-t-elle.

Les représentations de Carmen de François Grémaud, samedi 21 octobre au théâtre des Abbesses à Paris et les 16 et 17 novembre à Saint-Ouen, affichent complet. Mais vous pouvez peut-être encore tenter votre chance à Grasse, Arles, Cavaillon, Lyon, Compiègne, Dunkerque, Annecy, Toulouse ou Strasbourg.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.