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Ce que le "djazz" fait à Jacques Gamblin

Jusqu'au 31 octobre à Paris, au théâtre du Rond-Point, Jacques Gamblin revit sur scène ses premiers pas fantasmés vers le jazz au travers de l'amour - ou l'inverse - avec la complicité du sextet de Laurent de Wilde. Créé en 2011, rebaptisé "Ce que le djazz fait à ma djambe !", le spectacle sera joué aussi à Aix-en-Provence. Le comédien fait le point sur une aventure qui lui tient beaucoup à cœur.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Laurent de Wilde et Jacques Gamblin au Théâtre du Rond-Point (octobre 2015)
 (Giovanni Cittadini Cesi)

Créé lors du festival Jazz sous les pommiers au printemps 2011 sous le titre "Gamblin jazzE De Wilde sextetE", ce spectacle drôle, poétique et musical s'intitule désormais "Ce que le djazz fait à ma djambe !". Un juste retour à la source de l'idée initiale qui a germé dans l'esprit de Jacques Gamblin : rendre hommage à une musique qui envahit spontanément sa jambe, puis tout son corps, d'un swing irrépressible. Le comédien a rédigé des textes truffés d'humour, d'amour, de jeux avec les mots, pour lesquels le pianiste Laurent de Wilde a composé des musiques qu'il interprète au sein d'un sextet fusionnant jazz et électro.

Ce spectacle réjouissant, qui n'a cessé d'évoluer depuis sa création, a connu une pause de quelques mois avant de renaître au théâtre du Rond-Point qui ne désemplit pas depuis la première, le 13 octobre dernier. Après la capitale, deux représentations sont prévues pour l'instant à Aix-en-Provence. Même si à partir de janvier, Jacques Gamblin va défendre sur scène son dernier spectacle "1 heure 23"14' et 7 centièmes" avec le danseur Bastien Lefèvre, il n'en a pas fini avec le "djazz"...


- Culturebox : Comment se passent les représentations de "Ce que le Djazz fait à ma djambe" avec le public du théâtre du Rond-Point ?
- Jacques Gamblin : On est sur un nuage, en lévitation. Ce qui se passe est vraiment extraordinaire, c'est du bonheur, que dire d'autre. C'est aussi une expérience pour les musiciens de jouer sur une série de représentations, ce qu'ils ont rarement l'habitude de faire, et de se rendre compte que l'on n'est pas du tout dans des pantoufles. Ça s'invente chaque soir, l'énergie est nouvelle, il y a une curiosité, une complicité à toute épreuve. Le public est absolument à fond, c'est plein, on refuse du monde... C'est le premier spectacle avec lequel je vais au théâtre avec un peu moins d'inquiétude. C'est aussi dû à la musique. On donne, on reçoit, ça régénère, c'est des vases communiquants. C'est extra. Je suis magnifiquement entouré... En termes de fréquentation, de maturité de spectacle, de plaisir, ça ne peut pas être mieux !

- Dommage qu'il n'y ait pas d'autres représentations à Paris au-delà du 31 ! Et qu'il n'y en ait que deux programmées pour l'instant en région, à Aix-en-Provence...
- Le rêve, ce serait de remettre le couvert la saison prochaine, ça va être en discussion. J'aimerais bien. Pour mon précédent spectacle "Tout est normal, mon cœur scintille", la première série de représentations avait très bien marché, et l'année d'après, grâce au bouche-à-oreille, la seconde série s'était remplie à toute vitesse... Après Aix-en-Provence, il y a une tournée qui se profile. Ce serait bien de pouvoir l'associer à une reprise à Paris. C'est un spectacle qu'on n'a pas du tout envie de mettre dans un tiroir. On n'a pas envie de s'arrêter.

- Dans le dossier de presse, vous soulignez en effet que ce spectacle est celui qui vous apporte le plus de plaisir.
- Les autres spectacles donnaient aussi beaucoup de plaisir, et ils apportaient du rire et de l'émotion au public. Ce spectacle est très physique, comme les précédents. Mais c'est dû à la vertu de la musique. C'est elle qui produit cet effet, cette liberté. Ce qu'elle me fait, ce qu'elle nous fait, c'est le propos du spectacle. Et ça se passe tous les soirs... C'est fou ! Il n'y a rien qui remplace cela.

- Parlez-moi des évolutions que vous avez insufflées au spectacle depuis sa création. Il y a par exemple une nouvelle séquence de danse, par exemple.
- Oui, le spectacle a énormément évolué. La structure est la même mais il se passe plus de choses. Je fais plus confiance. La prise de l'espace est plus forte, plus libre. Aujourd'hui, le spectacle est vraiment mature. Les évolutions peuvent être suscitées par beaucoup de choses. À des choses qu'on peut entendre auprès des gens, à des idées qui viennent de l'équipe, à un moment qui ne me satisfaisait pas tout à fait et pour lequel un jour, la solution a jailli, parfois simplement lors d'une discussion. J'ai remplacé un passage qui ne me plaisait qu'à moitié par un moment d'improvisation sur le son, par exemple. Musicalement, il y a des choses qui s'improvisent un soir... Il y a des choses qu'il faut avoir la capacité à perdre, à regagner. Ce n'est pas parce qu'une idée est advenue qu'il faut la fixer, même si elle est bonne. En musique, ce qui ferait peur, ce serait de jouer tous les soirs la même chose. C'est impossible, ça ne marche pas. C'est un spectacle qui voyage tout le temps, entre moi et la musique, entre les musiciens. C'est aussi parce qu'il s'agit de jazz !

Autour de Jacques Gamblin : Laurent de Wilde (piano), Bruno Schorp (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie), DJ Alea (platines), Alex Tassel (bugle), Guillaume Naturel (saxophone) au théâtre du Rond-Point (octobre 2015)
 (Giovanni Cittadini Cesi)

- Parlez-moi de cette fameuse Lady Jazz, l'héroïne mystérieuse de votre spectacle...
- Pour moi, ça s'écrit comme une rencontre avec une femme, avec le désir d'une femme qui passe et qui est silence. Mais peu à peu, avec l'écriture, ça devient cette abstraction de la musique. Ça "translate" ! Ça raconte l'amour de la musique. Une dame est venue me demander : "Est-ce une ode à la femme ou à la musique ?" Les deux, sans cesse ! C'est des aller-retour. Qu'est-ce que le désir nous fait, comment cela nous fait vibrer dans le corps, les parallèles sont permanents. Ensuite, certains vont y voir une femme, ils vont presque l'imaginer. Pour moi, c'est comme s'il y avait un glissement, c'est impalpable, c'est des effluves, comme un parfum, ça fait du bien. C'est sensuel, érotique. C'est le mystère de la rencontre. Même une musique peut nous toucher un jour et ne plus rien nous faire le lendemain. C'est libre. On n'emprisonne rien, on ne force rien. La musique appartient à elle-même. Il en va de même pour les gens.

- Ce spectacle vous a-t-il appris quelque chose sur vous-même, sur votre façon d'être sur scène ?
- J'accepte d'être moi à 2000%. Lors des toutes premières représentations, ça bougeait beaucoup moins, le corps était moins en mouvement. Je n'osais pas, je ne me légitimais pas. Pourtant, j'ai déjà fait des spectacles où il y a du mouvement, et j'en prépare un autre pour janvier. Mais là, je me lâche, je me laisse faire, j'y vais ! Je ne me pose plus de questions, si c'est bien, pas bien, beau, pas beau... Même s'il y a une structure, tout le mouvement est improvisé, pas du tout chorégraphié. J'y vais comme jamais auparavant. C'est comme un aboutissement d'accepter d'avoir un corps, qu'on utilise depuis longtemps, mais où cette fois, je laisse faire le ressenti de l'instant, je fais comme ça vient. Je laisse faire le corps selon son envie. Il y avait aussi un temps où je ne voulais pas prendre trop de place. Maintenant, il y a de la place pour tout le monde. C'est un spectacle qui vous donne confiance et qui vous apprend beaucoup de choses sur vous-même, ça n'a pas de prix.

- Dans le spectacle, vous relatez vos malheurs durant vos leçons de musique... Avez-vous retrouvé l'envie de vous remettre à étudier un instrument ?
- Non, pas encore... Dans ce spectacle, l'écriture est clairement un instrument. Si j'avais continué à jouer d'un instrument, ça aurait été probablement des percussions. C'est là où j'avais envie d'aller le plus loin. Ce serait compliqué de reprendre, avec la vie que j'ai, les tournées... J'ai "translaté" ça vers cette façon d'écrire pour ce spectacle. C'est aussi une aventure, une expérience physique. Au début, j'étais très attentif aux rythmiques. Et peu à peu, c'est comme si ça s'était enfoncé dans la peau. C'est là, à l'intérieur. Et finalement, en dehors des aspects narratifs, le travail d'écriture sur ce projet est un travail de rythme, de rimes, de sons, de sonorités, de consonnes. Bien sûr, ça raconte une histoire, mais parallèlement, c'est une matière. Cette écriture a traversé le corps. Jouer, c'est aussi un acte animal. On a tout pensé, et à un moment, on dit : "Moteur, action." Et ce n'est plus le temps de réfléchir mais celui d'agir. Cette matière me permet de ne pas être seulement dans la compréhension d'une histoire, mais d'être aussi comme un instrument qui joue sa partition avec d'autres. Ce que j'ai envie d'offrir à un spectateur, ce n'est pas seulement du sens, c'est des sensations. C'est ça qui va rester.

- C'est d'ailleurs un beau moyen d'offrir du jazz à un public amateur de théâtre...
- C'est assez drôle, parce qu'il y a des gens qui n'aiment pas trop le jazz. Ils ne le comprennent pas et pensent que c'est un peu élitiste, abstrait. Parfois ils disent : "Je n'ai pas la culture pour l'apprécier." Et là, ce spectacle offre un accès au jazz, comme le précédent offrait un accès à la danse contemporaine. J'entends souvent, à la sortie, des gens qui ne sont pas férus de jazz dire qu'ils ont apprécié. Parce qu'on y rentre par une porte : par le regard du personnage, qui est admiratif devant les gens qui font du jazz, mais qui ne comprend pas comment ils font. Du coup, je suis avec eux ! Je suis le premier spectateur de cette musique. C'est  souvent faux de dire : "Je n'ai pas l'accès, la culture pour." Il y a des gens qui prennent la chose telle qu'elle est, sans avoir de culture théâtrale ou jazz. Ce spectacle fait appel aux vibrations. Les gens se laissent embarquer dans un flot plein d'imprévus, ils me suivent, sans réfléchir, sans complexe... Si un spectacle donne des complexes, il y a un problème ! Quand j'ai l'impression de réussir tout ça, je suis très heureux.

"Ce que le djazz fait à ma djambe"
Jusqu'au 31 octobre 2015 au théâtre du Rond-Point, à Paris, 18h30
Infos au 01 44 95 98 21 ou ici

5 et 6 novembre 2015 au Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence, 20h30
Infos au 08 2013 2013 (0,12 €/min depuis poste fixe) ou ici

> L'agenda de Jacques Gamblin ici
> L'agenda de Laurent de Wilde ici

Jacques Gamblin : écriture, mise en scène
Laurent de Wilde : piano, composition
Alex Tassel : bugle, trompette
Guillaume Naturel : saxophone ténor
Jérôme Regard : contrebasse
Donald Kontomanou : batterie
DJ Alea : platines

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