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Clément Hervieu-Léger met en scène les élèves du Conservatoire dans "Impromptu 1663"

Pilier de la Comédie-Française, jeune metteur en scène confirmé, Clément Hervieu-Léger a eu l’ambition cette année à Avignon de faire jouer à des élèves du Conservatoire d’art dramatique de Paris des pièces méconnues de Molière. Rencontre.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Clément Hervieu-Léger
 (Sophie Jouve/Culturebox)

Inviter chaque année une école de théâtre, c'est une initiative que l’on doit à l’actuel directeur du festival, Olivier Py. L’année dernière c’était le TNS (Théâtre national de Strasbourg) qui avait brulé les planches avec "Le Radeau de la Méduse" monté par Thomas Joly. Cette année le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris est présent avec trois spectacles. Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française et par ailleurs metteur en scène dirige 17 élèves de troisième (et dernière) année dans "Impromptu 1663". Un spectacle qui rassemble deux courtes pièces de Molière : "L’Impromptu de Versailles" et "La Critique de l’Ecole des Femmes" et se conclut sur un extrait de "La Jalousie du barbouillé".

"Impromptu 1663"
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
Spectacle réussi de par la fougue, le naturel dans le jeu, et certaines personnalités déjà bien affirmées de ces jeunes qui vivaient là leurs premiers pas d’acteurs professionnels (Charlie Fabert qui est Molière, Manon Chircen qui incarne Madeleine Béjart...) Clément Hervieu-Léger ne s’est pas trompé en choisissant des textes qui content la vie d’une troupe, les coulisses d’une répétition, une mise en abyme du théâtre qui sonne d’autant plus juste que la vie de troupe n’a guère changé depuis Molière, ce que comprennent tous ces jeunes qui veulent y faire profession.

Molière est-il le mieux placé pour répondre aux questions que se posent cette nouvelle génération d’acteurs ?
Clément Hervieu-Léger : On ne mesure pas assez l’importance de ces deux pièces : "La critique de l’Ecole des Femmes" et l’"Impromptu de Versailles" sont de petites pièces en un acte, qui sont pour moi une révolution dramaturgique. On en fait des pièces mineures et on oublie à quel point elles ont modifié le rapport à l’acteur, le rapport au théâtre. L’acteur moderne ne s’est pas fait seulement avec Stanislavski. En 1663 écrire ces deux pièces et notamment l’"Impromptu de Versailles" où Molière, Mademoiselle Béjart et Du Croisy jouent leurs propres rôles, nous parait assez évident, car bien d’autres auteurs ont suivi depuis, y compris Pirandello, mais quand même, écrire une pièce en temps réel où Molière se met en scène lui-même répétant avec sa troupe… Je me suis dit que peut-être il y avait là une matière formidable pour des jeunes acteurs. Car il est toujours nécessaire de nous interroger sur le théâtre, de comprendre ce que c’est que de jouer ensemble.
Vous avez l’habitude de diriger les comédiens du Français ou de votre compagnie des Petits Champs, le travail était-il différent avec ces jeunes ?
On m’a donné un groupe de 17 jeunes comédiens que je ne connaissais pas. Quand je fais une distribution au Français je connais parfaitement la troupe. Et évidemment avec ma compagnie les Petits champs je choisis mes acteurs en fonction des rôles et des affinités qui sont les miennes. La première semaine on a fait des lectures en les faisant tourner sur les rôles pour essayer de sentir chacun, je m’étais donné une semaine pour faire une distribution. J’ai fait une distribution à l’instinct et j’ai l’impression de ne pas m’être trompé du tout. Là où j’ai eu de la chance c’est de me retrouver devant un groupe assez formidable en tant que groupe. Ils sont unis et ont beaucoup de plaisir à travailler ensemble. C’est assez formidable de se confronter à des comédiens avec qui on n’a pas l’habitude de travailler. En tant que metteur en scène ça m’a beaucoup appris, ça m’a obligé à être attentif à chacun. A aucun moment je n’ai eu le sentiment d’avoir affaire à des élèves, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à de jeunes comédiens. Ce qui m’a touché le plus c’est qu’ils me disent : "C’est fou comme Molière nous est finalement proche." Pour moi c’est une grande joie !
Charlie Fabert est Molière
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
Vous l’amoureux du 17e vous allez vous attaquer à Lagarce à la rentrée ("Le pays lointain" sera monté au Théâtre national de Strasbourg), c’est une nouvelle étape ?
Paradoxalement c’est Molière qui m’a amené à Lagarce, c’est un chemin qui s’est fait avec "Le Misanthrope", puis "Le Petit-Maître corrigé" que je viens de monter. C’est Loïc Corbery qui joue Alceste, qui joue Rosimond, et qui va jouer Louis. Et en fait pour Alceste et Louis ce sont des personnages très autobiographiques qui interrogent notre propre rapport à la société. Ils vivent la confrontation entre leurs désirs et les conventions sociales. C’est fou comme le théâtre de Lagarce est empreint de théâtre classique !

Quel est votre rapport au Festival d’Avignon ?
La première fois que j’ai joué au Festival, c’était l’année dernière pour "Les Damnés". Je n’ai jamais joué dans le Festival Off. J’y viens régulièrement car c’est tout de même un lieu que tout le monde connaît partout en France, même des gens qui ne vont pas au théâtre. C’est déjà énorme. Oui il a une place complètement à part, avec plein de fantômes mais en même temps une volonté de partager des grands textes avec le plus grand nombre.

Le Off est festif mais si je suis tout à fait honnête, il y a quelque chose que je trouve parfois assez douloureux car on y voit des compagnies qui se saignent au quatre veines pour louer "un créneau", présenter un spectacle, avec parfois un résultat qui n’est pas à la hauteur de leurs espérances… Pour ce qui est du festival In, "Les Damnés" ont été une des expériences les plus fortes de ma vie. Du coup ça a créé un attachement à ce festival qui est indéfectible. Revenir en tant que metteur en scène dans ce projet-là, c’est sans doute pour moi la meilleure manière d’y revenir.

On a l’impression que votre cœur penche davantage aujourd'hui du côté de la mise en scène ?
Je n’ai vraiment pas envie de choisir, parce que mon expérience d’acteur nourrit le metteur en scène. En ce moment je joue Lucrèce Borgia en tournée. Ça modifie mon rapport aux acteurs. J’essaye que ce soit le plus doux possible pour eux quand ils entrent en scène. Je les accompagne jusqu’au bout. Il n’y a pas de flous, ce qui n’empêche pas la liberté.
 

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