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Denis Podalydès ressuscite avec panache le Bourgeois gentilhomme de Molière

Ambitieux, le sociétaire de la Comédie-Française a voulu s’attaquer à un monument du théâtre classique. Bien lui en a pris ! Sa mise en scène du Bourgeois gentilhomme, fidèle au genre de la comédie-ballet imaginé par Molière, a conquis le public des Nuits de Fourvière. Trois heures de bonne humeur à consommer sans modération à Lyon, jusqu'au 10 juin 2012. Culturebox vous en donne un avant-goût en photo et en vidéo.
Article rédigé par franceinfo - Céline Pauilhac
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Bourgeois gentilhomme de Podalydès
 (DR)

Neuf heures sonnent au clocher de la basilique de Fourvière. L’Odéon, plein à craquer, retient son souffle. Une comédienne s’installe discrètement sur scène et fait mine de composer un air sur une table. Le maître de musique la rejoint, suivi du maître de danse. Il est question de la sérénade que leur mécène a commandée. Ce bourgeois croit pouvoir gagner ses lettres de noblesse en améliorant sa connaissance des Arts. « C’est un homme, à la vérité, dont les lumières sont petites, qui parle à tort et à travers de toutes choses, et n’applaudit qu’à contresens ; mais son argent redresse les jugements de son esprit ; il a du discernement dans sa bourse ! »

Pascal Rénéric hilarant dans le rôle de Monsieur Jourdain
 (Loll Willems)


Les premières répliques font mouche. Les spectateurs, parmi lesquels se trouvent de nombreux lycéens, semblent (déjà) conquis ! « La mise en scène est potache » soupire une spectatrice plus âgée. Mais qu’importe ! Ce Bourgeois gentilhomme est une comédie sans complexe. Pascal Rénéric incarne un Monsieur Jourdain irrésistible, d’une folle extravagance, qui entre en scène en serrant la main de quelques spectateurs hilares, puis tourne régulièrement la tête en direction du public, créant avec lui une amusante complicité. Pendant tout le premier acte, on assiste au one-man-show de ce comédien exceptionnel qui a tapé dans l’œil de Denis Podalydès : « C'est la révélation magnifique d'un grand acteur, qui n'est pas encore assez connu du grand public. Le voir jouer avec ses grands yeux bleus, son innocence, sa fraîcheur, sa naïveté, sa puissance... je pense que les gens devraient être sensibles à ça, quand même !»

Mais le Bourgeois gentilhomme n’est pas qu’un divertissement, c’est une « comédie-ballet », un genre dramatique, musical et chorégraphique inventé par Molière et Lully. Entre 1660 et 1670, le tandem crée une dizaine de pièces pour divertir Louis XIV et sa cour. Toutes sont alors jouées en plein air. En venant à l'Odéon de Fourvière, le spectacle de Podalydès renoue avec son décor originel.
 

Interview réalisée par Sylvie Adam et Laure Crozat, France 3 Rhône-Alpes
 

Le Bourgeois gentilhomme a donc plus de trois siècles mais Podalydès a su le rendre moderne par ses choix de mise en scène. Il s’est entouré des meilleurs collaborateurs pour faire de cette pièce un spectacle total.

La danse est menée par Kaori Ito ; cette japonaise a travaillé notamment avec Philippe Decouflé. Elle propose ici une chorégraphie subtile, contemporaine, sans paraître pour autant anachronique. Dans la scène 10 de l’acte III, elle imagine un fantastique corps à corps entre les deux couples d’amants, Cléonte et Lucile, Covielle et Nicole. Ces personnages qui s’étreignent et se repoussent, s’emmêlent et se démêlent, symbolisent parfaitement l’incommunicabilité qui règne alors.

La direction musicale a été confiée à Christophe Coin, directeur de l’Ensemble Baroque de Limoges, passionné du répertoire du 17e siècle. La partition de Lully est interprétée avec justesse, soulignant ici le comique des répliques, dialoguant là avec les comédiens, comme un personnage à part entière. Podalydès respecte ainsi les codes de la comédie-ballet mis au point par Molière : « La difficulté est de trouver la bonne harmonie ; qu'il n'y ait pas une juxtaposition de la musique, de la danse, du théâtre ; que tout entre en raisonnance avec tout ; qu'un instrument, un acteur, un geste de danse trouve une place et que cette place puisse iradier vers l'ensemble... »

Interview réalisée par Sylvie Adam et Laure Crozat, France 3 Rhône-Alpes
 

Les costumes de Christian Lacroix sont d’une beauté hypnotisante. Le grand couturier aime depuis toujours habiller les acteurs de théâtre. Les personnages secondaires sont vêtus de façon sobre, en noir et blanc, sans doute pour ne pas faire d’ombre à Monsieur Jourdain, drapé dans des étoffes aux couleurs éclatantes, brodées de fil dorés. On imagine le plaisir que Lacroix a du prendre à confectionner ces bijoux de tissu, extrêmement « bling-bling » !
 

Les costumes sont signés Christian Lacroix
 (Loll Willems)


Evidemment, le choix des comédiens participe du succès de la pièce. Pascal Rénéric, on l’a dit, est remarquable. Tout comme Isabelle Candelier, alias Madame Jourdain, qui nous offre de savoureuses scènes de ménage. Le duo comique Thibault Vinçon (Cléonte) - Alexandre Steiger (Covielle) fonctionne à la perfection. Mention spéciale enfin à la jeune Manon Combes, tout juste sortie du Conservatoire, qui incarne avec fraîcheur Nicole, l’impertinente servante de Monsieur Jourdain.

Le spectacle, ovationné lors de sa première à Lyon le 5 juin, est donc une réussite sur le plan artistique et sera sans doute un succès du point de vue commercial : la billetterie des Nuits de Fourvière affiche complet jusuqu’au 10 juin 2012 ! Souhaitons à ce Bourgeois gentilhomme enfanté par Denis Podalydès le même destin que son aîné, Cyrano de Bergerac, qui a obtenu six Molières en 2007, dont celui de la meilleure mise en scène.


Quelques dates de la tournée :

- Le Printemps des Comédiens, Montpellier, du 13 au 15 juin 2012
- Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, du 19 juin au 21 juillet 2012
- Maison de la Culture, Amiens, du 23 au 25 octobre 2012
- Opéra Royal de Versailles, du 19 au 21 novembre 2012
- Théâtre de Caen, du 11 au 15 décembre 2011
- La Criée, Marseille, du 5 au 11 janvier 2013

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