Dieudonné avec un nouveau spectacle : "Il n'y a plus d'affaire Dieudonné"
Reportage D. Mari, J. Van Hove, N. Karczinski
Après la confirmation par le Conseil d'Etat de l'interdiction des séances du "Mur" à Nantes jeudi puis à Tours vendredi, le tribunal administratif d'Orléans a confirmé samedi matin l'arrêté d'interdiction du maire d'Orléans qui interdit son spectacle le soir même au Zénith de la ville. L'un des avocats de Dieudonné, Me Sanjay Mirabeau, a prévenu vendredi : "A chaque fois que nous aurons une décision d'interdiction en première instance, nous irons au Conseil d'Etat".
"Je me conforme à l'Etat, ça ne m'empêche pas de penser ce que je pense"
"Laissons sereinement la justice s'exprimer. J'attends la décision du Conseil d'Etat ce soir. Je voudrais commencer mon spectacle le plus tôt possible. Je me conforme à l'Etat, ça ne m'empêche pas de penser ce que je pense. Ce spectacle, Asu Zoa, va porter beaucoup d'émotions, parce qu'il y a des gens aujourd'hui en France qui se reconnaissent à travaers mon combat pour la liberté.", a-t-il expliqué.
En début d'après-midi, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, en visite à Evry (Essonne), avait déclaré qu'il ne laisserait "plus jamais, plus rien passer des mots qui divisent les Français".
Une vidéo pour annoncer un nouveau spectacle Asu Zoa
Parallèlement à cette programmation surprise, Dieudonné a annoncé sur une vidéo de deux minutes un "nouveau spectacle de danse et de musique, de mime et même de quelques mouvements de taï-chi". L'affiche de ce spectacle, "écrit en trois nuits qui s'inspire de mythes ancestraux et de croyances primitives" et intitulé Asu Zoa, représente un éléphant dans la savane. "Valls m'a déclaré la guerre", affirme Dieudonné, ajoutant dans cette vidéo qu'il y a eu une "non violence extraordinaire à Nantes" et qu'il "était clair que l'Etat, Manuel Valls, avaient l'intention qu'il y ait des troubles".
Le polémiste propose par ailleurs à son public d'acheter "de manière massive" le DVD de son spectacle : "Plus vous serez nombreux et plus je pourrai continuer le combat". Il demande d'envoyer un chèque de 43 euros à l'ordre des Productions de la Plume ou le ticket du spectacle annulé de la tournée.
Arno Kalrsfeld "ne voit pas d'opposition à ce qu'il fasse un spectacle"
Au cours de précédentes représentations de son spectacle "Le Mur", Dieudonné s'est notamment livré à des attaques contre des personnalités juives, notamment le journaliste de France Inter Patrick Cohen. "Il pourrait, par exemple, faire un spectacle uniquement sur la communauté noire", a assuré Me Mirabeau.
Comme en écho, Arno Klarsfeld, de l'Association des fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF), a annoncé vendredi à l'AFP que la FFDJF ne voyait pas d'opposition à ce que Dieudonné fasse un spectacle si celui-ci s'engageait à ne plus tenir de propos antisémites. "Puisque Dieudonné est un multirécidiviste de l'incitation à la haine raciale, des propos antisémites et négationnistes, s'il s'engage par écrit devant un juge à ne plus tenir de tels propos, l'Association des fils et filles des déportés juifs de France ne voit pas d'opposition à ce qu'il fasse un spectacle".
"Ce spectacle", a ajouté Arno Klarsfeld, "ne serait dès lors plus un meeting anti-Juifs et cet engagement mettrait fin à un trouble de l'ordre public", argument du Conseil d'Etat pour confirmer l'interdiction du spectacle.
Dieudonné a de toute façon appelé ses partisans vendredi après-midi sur sa page Facebook à manifester le 26 janvier à la Bastille à Paris.
Le vice-président du Conseil d'Etat jutifie les interdictions
Dans un entretien au journal Le Monde de dimanche, le vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé, justifie l'interdiction du spectacle du polémiste Dieudonné à Nantes et Tours en rejetant toute influence politique.
"Le Conseil d'Etat s'est prononcé dans ces affaires en appel, dans le cadre d'une procédure d'extrême urgence, le référé-liberté, où il doit statuer en moins de quarante-huit heures lorsqu'est invoquée une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Si le juge laisse passer l'évènement à l'occasion duquel cette atteinte est alléguée, il ne peut que conclure à un non-lieu", explique le haut magistrat dans le quotidien pour justifier la rapidité de l'intervention du Conseil d'Etat, quelques heures à peine après la décision du tribunal administratif de Nantes.
Une "situation inédite" pour le Conseil d'Etat
Le Conseil d'État s'est prononcé dans cette affaire "en considération de sa jurisprudence", précise M. Sauvé, tout en reconnaissant avoir été confronté avec cette affaire "à une situation inédite d'articulation entre la liberté d'expression et ses limites nécessaires dans une société démocratique". "Le Conseil d'Etat n'a jamais été confronté à des dossiers dont les caractéristiques étaient analogues à celle du spectacle qui a justifié les mesures d'interdiction. En particulier, c'est la première fois que se pose la question de savoir comment prévenir des provocations répétées à la haine et à la discrimination raciale et des propos portant atteinte à la dignité humaine", a-t-il précisé.
Répondant aux critiques de ceux qui voient dans le Conseil d'État une institution politique, M. Sauvé juge cette vision "parfaitement injustifiée". Elle "ne rend compte en aucune manière de la réalité du travail du Conseil et de l'éthique de ses membres, qui constituent une référence en Europe. On ne peut approuver une décision du juge lorsqu'elle vous est favorable et la stigmatiser pour de prétendues raisons politiques lorsqu'elle est défavorable", fait-il valoir.
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