"Elephant Man" : Joey Starr et Béatrice Dalle dans une nouvelle version de La Belle et la Bête
Joey Starr, icône du rap, reprend le rôle incarné par David Bowie dans la pièce de l’Américain Bernard Pomerance, inspirée par l’histoire vraie de Joseph Merrick surnommé "Elephant Man". C'est au théâtre des Folies Bergère jusqu'au 20 octobre.
La courte vie de Joseph Merrick, popularisée par le film de David Lynch dans les années 80, est jouée pour la première fois sur une scène française. Elephant Man ou le monstre n'est jamais celui qu'on croit.
Derrière le grand rideau rouge d’une boutique du sordide quartier de Whitechapel à Londres, Ross (Michael Cohen convaincant) exhibe le clou de sa parade de monstres : "Le représentant le plus épouvantable de l’espèce humaine, mi-homme mi-éléphant", Joseph Merrick. Merrick, incarné par Joey Starr, est d’abord dissimulé sous des couvertures avant d’apparaître à visage découvert, malmené, tournant péniblement sur lui-même, comme un singe en cage.
La scène d’ouverture de la pièce de Bernard Pomerance est d’autant plus terrible qu’elle est parfaitement fidèle aux mémoires du docteur Frederic Treves (Christophe Grégoire, très bien), et à la tradition ancienne des cirques en Angleterre qui exploitait le goût immodéré du public pour les monstres.
Une "curiosité"
Changement de décor, nous voici dans une immense salle carrelée, tachée de moisi, qui est tantôt la pièce de dissection, tantôt la chambre de Merrick. Ces hauts murs glacés qui évoquent aussi une prison, sont traversés par des regards voyeurs, car Merrick, appelé "John" par le docteur, reste une curiosité autant pour le public que pour le monde médical. Pas de meubles mais une baignoire, des sanitaires, pour aseptiser le monstre. Des projections vidéo (de Wojtek Doroszuk) dessinent des visages difformes ou des cellules corporelles en mutation.
La différence qui naît dans le regard de l'autre
Joey Starr, regard perdu, démarche traînante, s’exprime au début par borborygmes. La couverture est pour lui comme une carapace, une croûte qui peut se craqueler, en révélant sa chair à vif. La normalité imposée, la différence qui naît dans le regard de l’autre : David Bobée donne au monstre une couleur très actuelle, à l’heure ou l’image de soi n’a jamais été aussi présente. Il nous tend un miroir, bien rendu dans une scène ou l’entourage de Merrick se projette dans le monstre. "Le véritable héros de l’histoire n’est pas le monstre mais celui qui lui est confronté, en l’occurrence Frederick Treves", souligne-t-il dans ses notes d’intention. Il y a aussi, notamment au travers des costumes, des références à l'esclavagisme.
Béatrice Dalle, l’autre star du spectacle, joue justement une star, actrice en vue appelée par le médecin, qui va se prendre d’intérêt pour le monstre en découvrant sa vraie bonté, sa sensibilité cachée. Un Merrick qui jamais ne se révolta devant les quolibets. La présence de Dalle fait aussi de la pièce une nouvelle version de La Belle et la Bête, la Belle qui se découvre aussi, femme seule, dans ce Merrick souffrant et mutilé. L’actrice, à qui Bobée avait offert le personnage de Lucrèce Borgia, n’a ici, malheureusement, pas un grand texte à défendre.
Quant à Joey Starr, il est plus une incroyable présence qu’un acteur qui doit s’imposer par le jeu. Car au final, malgré l'écrin spectaculaire et esthétisant monté par Bobée avec la scénographe Aurélie Lemaignan et avec son duo de vedettes, la pièce, et c’est peut être dû au texte, peine à nous fasciner pour l’histoire pourtant incroyable de Merrick. D’autant que la représentation dure presque trois heures, et on le sent !
"Elephant man"
Folies bergère
Du 3 au 20 octobre 2019
32 rue Richer Paris IXe
01 44 79 98 60
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